Burundi : SOS aux crocodiles du parc de la Rusizi
- Les crises successives vécues par le Burundi ont ouvert la porte aux braconniers souvent armés.
Bujumbura
AA/ Bujumbura/ Yvan Rukundo
La rivière de Rusizi, séparant le Burundi de la RDC s'est vidée de ses crocodiles. Alors qu'elle abritait jadis près d'une centaine de ces animaux, elle n'en compte aujourd'hui plus que deux, déplore des sources locales.
Un phénomène qui s'explique par le braconnage favorisé par les troubles sécuritaires qui ont secoué le pays dès 1993.
Désormais, les touristes ne peuvent plus admirer les crocodiles se déplacer dans les eaux burundaises du lac Tanganyika, regrette Albert Mbonerane, ancien ministre de l’Environnement, dans une déclaration à Anadolu.
« Aujourd’hui, nous ne comptons plus que deux crocodiles qu'on ne voit, d'ailleurs, surgir qu'occasionnellement", déplore de son côté, Aloys Bukuru, un des gardiens du parc de Rusizi.
Les crises successives vécues par le Burundi ont ouvert la porte aux braconniers souvent armés dans cette aire protégée, indique Jean Claude Ndayishimiye, responsable de ce parc situé à l’Ouest du pays, près de la frontière burundo-congolaise.
le parc s'est petit à petit transformé en un lieu de retranchement des groupes rebelles faisant la navette entre l’ouest du Burundi et l’est de la République démocratique du Congo (RDC), déplore Ndayishimiye, ajoutant que "même aujourd’hui, les rebelles dirigés par Colonel Aloys Nzabampema, le déserteur de l’armée régulière, s'y cantonnent. Et les animaux qu’elle héberge dont les crocodiles en ont payé un lourd tribut.
Les témoignages des riverains viennent corroborer ces propos : « C’est en 1998 que j’ai goûté, pour la première fois, la viande d’un crocodile. Des rebelles l’ont tué et nous ont donné quelques morceaux », se souvient Nestor Kabura, un pêcheur et habitant de Cabiza, village riverain de la Rusizi. D’autres crocos tombent dans des pièges des pêcheurs, des braconniers, qui, à leur tour les vendent à des particuliers, ajouteYolande Nzisabira.
« Le coût d’un crocodilus tourne autour de 60 dollars », précise Kabura, notant que les crocodiles adultes sont piégés à l’aide d’une chèvre ou d’un veau. « On l’attache et on le met dans une sorte de cage métallique. Et puis, on l’expose sur les rives de la rivière ou au bord du lac, alors que des chasseurs aguerris, armés de lances, se cachent dans les broussailles », décrit-il.
« C’est au moment où le crocodile sort de l’eau pour dévorer la proie piégée que ces derniers le tuent avec leurs lances », raconte-t-il.
Ainsi, révèle le responsable du parc, plus de 50 crocodiles adultes se retrouvent en captivité dans des ménages de Gatumba, dans la commune Mutimbuzi, où ils ne disposent guère des conditions nécessaires pour se reproduire.
Ces animaux exigent une eau profonde et du sable pour se multiplier ; ce sont des femelles qui pondent des œufs dans un trou creusé dans le sable. Leur nourriture est généralement constituée de poissons, de serpents et d'oiseaux, selon Ndayishimiye. Des conditions difficiles à remplir par un particulier. L’exemple d’un certain Albert Ngendera en témoigne : « Depuis 1994, il élève en captivité huit crocodiles dont quatre femelles. Les conditions de vie étant incomplètes, jusqu’aujourd’hui, ils ne peuvent pas se multiplier», fait observer Ndayishimiye.
Qu’en est-il de la finalité de cet élevage prohibé ? La viande de crocodiles est très appréciée par les consommateurs, affirme Ndayishimiye, expliquant que pour les capturer, les braconniers utilisent des pièges. Les plus petits tombent souvent dans les filets des pêcheurs. Une aubaine pour les riverains de la Rusizi ou du lac : « A l’âge adulte, on les vend à un prix exorbitant. Un crocodile de 4 m de long peut être facilement vendu à plus de 4 millions de Fbu (environs 2500 dollars) », confie ce responsable du parc, et la RDC constitue le principal marché d’écoulement.
« Tous ceux qui ont de tels animaux chez eux violent la loi. Ils ne font que contribuer à son extinction », avertit Gérard Nduwayezu, directeur des forêts au ministère de l’Eau, de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire et de l’Urbanisme, approché par Anadolu.
Très bientôt, annonce-t-il, une opération de grande envergure sera engagée pour ramener ces crocodiles dans leur biotope à savoir le lac Tanganyika et la rivière Rusizi. Et de rappeler par ailleurs que la Convention sur le commerce International des espèces de flore et de faune sauvages menacées de disparition (CITES) interdit que des animaux comme les crocodiles soient élevés en captivité par des particuliers.
La rivière Rusizi et la partie ouest du Lac Tanganyika font partie du parc de la Rusizi sis à la frontière burundo-congolaise.
