Afrique

Burundi: les singes, ces autres victimes de la crise

- Les populations du sud burundais, plongé dans une grave crise alimentaire, se nourrissent des singes des réserves, pratique pourtant interdite

Hatem Kattou  | 20.07.2017 - Mıse À Jour : 21.07.2017
Burundi: les singes, ces autres victimes de la crise Photo d'archives

Bujumbura

AA/Bujumbura/Yvan Rukundo

Dans les réserves forestières de Vyanda-Rumonge et Kigwena, s’étendant sur les provinces Bururi et Rumonge, dans le sud du Burundi, les babouins et leurs congénères, sont les victimes collatérales de la crise polito-sécuritaire qui secoue le pays depuis plus de deux ans.

La raison ? Les familles plongées dans la famine n’ont d’autres choix que de se nourrir de ces mammifères.

Depuis plusieurs mois, les voix s’élèvent pourtant au Burundi pour alerter sur la grave crise alimentaire qui menace le pays. Un terme toutefois démenti par le gouvernement burundais qui ne parle que de « déficit alimentaire ».

Pourtant, la crise déclenchée en avril 2015 après la candidature jugée anticonstitutionnelle pour un troisième mandat, du président Pierre Nkurunziza, a déjà coûté la vie à des milliers de personnes et plongée des familles d’au moins huit provinces sur les 18 que compte le pays dans la famine, selon des associations locales.

Environ trois millions de burundais, soit près d’un quart de la population, avaient besoin d’une assistance humanitaire d’urgence fin 2016. Un chiffre qui a triplé par rapport à l’année 2015, souligne le rapport conjoint des partenaires humanitaires, du gouvernement burundais et des bailleurs de fonds intitulé « Aperçu des besoins humanitaires en 2017 ».

Ce rapport publié en 2017 et consulté par Anadolu, évoque une dégradation rapide de la situation alimentaire et proposait la mise en place d’un fonds de 73 millions de dollars en vue de faire face à cette situation humanitaire.

Dans le sud du pays, les populations ne peuvent plus attendre cette aide et les tabous alimentaires n’ont plus de place dans leur quotidien.

« Nous avons l’impression d’être revenu des milliers d’années en arrière quand la chasse et la cueillette étaient un mode de vie. Mais nous n’avons pas d’autres choix. Si nos conditions de vie étaient normales, alors nous pourrions choisir ce que nous voulons manger », lance un père de famille qui n’est « pas gêné d’avouer » qu’il mange des singes.

«Ce qui compte pour moi, c’est de trouver un morceau de viande pour ma progéniture », dit-il.

Pour se nourrir, ce burundais se rend de temps à autre dans la forêt. « Nous y allons par groupe de quatre ou cinq car une personne ne peut pas s’y aventurer seul. Mais cela nous oblige à partager chaque singe attrapé », confie-t-il à Anadolu.

Nyabenda, un autre homme habitant à la rizière de la réserve de Kigwena explique que lorsqu’un babouin est capturé, sa famille a la chance de vivre au moins trois jours. « Il suffit de trouver deux ou trois kilogrammes de farine de manioc et c’est la fête», dit-il une pointe d'ironie dans la voix.

Même si le nouveau code forestier burundais interdit la consommation des animaux des réserves, les riverains ne semblent pas près d’arrêter ces pratiques.

« Tant que je n’ai pas de quoi faire vivre ma famille, je continuerai de chasser », lance l’un d’eux dont les enfants estiment ne pas avoir besoin de savoir si c’est de la viande de babouin ou de vache qu’ils trouvent dans leur assiette.

« L’essentiel, c’est de trouver de quoi manger », commente l’un des enfants, à peine âgé de huit ans, qui précise passer des journées entières sans rien manger.

Pour, Léonidas Nzigiympa, responsable des aires protégées au sud du pays, rencontré par Anadolu, cette situation est évidemment «alarmante».

«Si rien ne change, il y a un véritable risque de perdre tous ces animaux, qui, en temps normal, constituent une richesse pour le pays en matière touristique », prévient-il, regrettant néanmoins l’insuffisance du nombre d’éco-gardes et le manque d’équipements pour mieux contrôler ces réserves et traquer les « braconniers ».

Déjà, face à cette menace d’extinction, la plupart des animaux sont en train de migrer vers d’autres forêts et dans les hautes montagnes du Rukambasi dans la province Makama, toujours au sud du Burundi, renseigne Nzigiyampa.

Seuls les chimpanzés ne sont pas inquiétés. Estimés à une cinquantaine de tête, ils se déplacent dans les montagnes de Rukambasi. « Eux sont à l’abri parce qu’ils sont très violents et capables de se défendre si on essaye de les attraper», renseigne le responsable.

Ce qu’il faudrait, poursuit-il, c’est d’apporter rapidement un soutien alimentaire aux populations du sud, mais aussi les aider à se développer et à obtenir des sources de revenus. Car, conclut-il, « ventre affamé n’a point d’oreilles ».

Pour lutter contre la famine au Burundi, la Chine a envoyé, récemment, quelque 5 mille tonnes de riz sur demande de Bujumbura.

Le gouvernement burundais a également mis en place une détaxe des denrées alimentaires dont le riz, la farine de manioc et le maïs. Une mesure valable du 27 avril jusqu'au 27 juillet prochain.


Seulement une partie des dépêches, que l'Agence Anadolu diffuse à ses abonnés via le Système de Diffusion interne (HAS), est diffusée sur le site de l'AA, de manière résumée. Contactez-nous s'il vous plaît pour vous abonner.
A Lire Aussi
Bu haberi paylaşın