Afrique

Burundi, le pays des mille et une fosses communes

"Pour la seule période de 1962-2016, autour de 2500 fosses communes et charniers ont déjà été répertoriées", au Burundi selon des historiens des chercheurs et des organisations des droits de l'Homme.

Nadia Chahed  | 10.03.2017 - Mıse À Jour : 11.03.2017
Burundi, le pays des mille et une fosses communes

Bujumbura

AA/ Bujumbura/ Yvan Rukundo

Le passé colonial, les différents massacres qui s'en sont suivis et les crises politico-sécuritaires répétitives ont transformé le Burundi, petit État d'Afrique centrale, en un charnier à ciel ouvert.

La dernière découverte macabre date de quelques semaines, quand l'ONG Amnesty International a dévoilé des images et des vidéos satellitaires confirmant, selon cet organisme, l'existence de 5 fosses communes.

"Pour la seule période de 1962-2016, autour de 2500 fosses communes ont déjà été répertoriées", confie, à Anadolu, Aloys Batungwanayo, de l’Association pour la mémoire et la protection de l’Humanité contre les crimes internationaux (Amepci Gira Ubuntu), tout en notant que les recherches se poursuivent. Ce chercheur à l’Université de Lausanne en Suisse, rappelle que l’histoire des fosses communes est très ancienne.

Certaines datent de la période coloniale. Ici, Batungwanayo donne l’exemple des massacres des Badasigana (le nom attribué à l’armée du roi Mwezi Gisabo) à Muramvya, dans le Centre du pays en 1903.

«Cherchant à soumettre le roi par force, des Allemands se sont retrouvés face à une résistance musclée des Badasigana armés des flèches, des arcs et des lances. Le bilan fait état d’entre 200 et 300 morts dans les rangs des Burundais», mentionne ce chercheur, affirmant qu’ils ont tous, été enterrés dans des fosses communes.

«D’autres trouvent ses origines aux temps précoloniaux», détaille-t-il. Le mot Kirundo correspond au nom d’une province du nord résume tout. Avec les guerres de conquête, au début du XIXème siècle, le roi Ntare Rugamba s’est attaqué au Rwanda.

Selon la tradition orale, les affrontements les plus sanglants ont eu lieu près du lac Cohoha. «C’est à cette époque que la localité fut appelée Kirundo, du verbe ‘’Kurunda’’ (entasser) parce qu’il y avait de nombreux cadavres de rwandais», explique Batungwanayo, ce qui signifie, selon lui, que ces charniers ne comptent pas seulement que des Burundais.

Pour le cas des crises de 1972 et 1993, ce chercheur précise que de nombreux charniers sont localisés dans les différents chefs-lieux des provinces et des communes, etc. Ce qui est le cas de la zone Makamba dans la province de Mwaro (Centre), à une soixantaine de km de Bujumbura, la capitale.

«Au moins cinq fosses communes existent», renseigne Batungwanayo, déplorant que d’autres personnes aient été jetées dans des rivières, des toilettes, des fours à briques, etc.

Pour sa part, Nicodème Bugwabari, historien et professeur à l’Université du Burundi, révèle que pour la seule année 1972, plus ou moins 139 fosses communes dans sept provinces seulement, ont été répertoriées par cette institution, avec l’appui du Centre d’alerte et de prévention des conflits (CENAP).

S'agissant de la crise de 1988, qui avait touché deux communes du Nord, à savoir Ntega (Kirundo) et Marangara (Ngozi), 34 charniers ont été également identifiés.

Dans ce pays qui peine à panser ses plaies du passé et à se débarrasser du cercle vicieux des conflits, la commission Vérité-Réconciliation (CVR) a lancé des travaux d’exhumation des restes des charniers localisés à Rusaka. Des découvertes horribles ont été faites surtout lors des travaux de construction et de traçage des routes, etc.

A titre illustratif, à Rusaka, le premier charnier a été découvert, début janvier 2016, lorsque l'on terrassait un terrain de construction d’une école technique. Idem à Kivyuka, commune Musigati dans la province de Bubanza (Ouest), où des restes humains ont été déterrés, en juillet 2013, lors des travaux de traçage de la route Bujumbura-Ndora.

Et à Gitega, dans la colline de Zege (Centre), les mêmes découvertes macabres ont été faites, le 25 janvier 2015, lors des travaux d’extension de cette 2ème ville du pays, future capitale du pays.

Ce qui signifie selon le professeur Nicodème Bugwabari, que le nombre déjà avancé n’est exhaustif.

Il faut noter qu’avec la crise actuelle, née de la contestation du 3ème mandat de Pierre Nkurunziza, on enregistre des révélations de nouveaux charniers.

Au mois de janvier 2016, Amnesty International a montré des images satellitaires montrant neuf charniers, dans la localité de Buringa (Ouest).

Et cela, presqu’un mois après les attaques de trois camps militaires de Bujumbura où le bilan officiel de l’armée burundaise faisait état de 87 morts dont quatre policiers et quatre militaires.

Des organisations des droits de l’Homme à l'instar de Aprodh (Association pour la protection des droits humains et des personnes détenues), la Ligue Burundaise des droits de la personne humaine Iteka, Fidh, … ont dénoncé des exactions extrajudiciaires, des viols et des vols perpétrées par certains policiers et militaires dans les quartiers contestataires.

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