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Burkina: Le Pagne traditionnel de Sankara ressuscité !

- L’équipe du ‪‎Burkina‬ Faso a été classée première à la cérémonie d'ouverture des JO 2016, pour sa tenue vestimentaire, il s'agit du fameux Faso Dan Fani, symbole de la révolution de Thomas Sankara, banni un temps sous Compaoré

Esma Ben Said  | 10.08.2016 - Mıse À Jour : 12.08.2016
Burkina: Le Pagne traditionnel de Sankara ressuscité !

Burkina Faso

AA/Ouagadougou/Olympia de Maismont

«Dans tous les villages du Burkina Faso, nous savons comment faire pousser du coton. Dans tous les villages, les femmes savent filer le coton, les hommes savent comment le tisser, et d'autres hommes savent le coudre et le transformer en vêtements [ ...] Nous ne devrions pas être esclave de ce que les autres produisent...» !

«Le port du Faso Dan Fani (pagne traditionnel burkinabé) est un acte économique, culturel et politique défiant l'impérialisme !».
C’est en ces mots que s’était illustré en 1986, Thomas Sankara, ancien président du Faso et figure populaire, qui avait érigé le pagne burkinabé en un symbole de sa révolution.

A tel point que le port de ce tissu fut même rendu obligatoire par décret ministériel le 29 octobre 1986 pour tous les agents de l’Etat dans la fonction publique durant leurs heures de service.

Et si certains fonctionnaires continuaient à porter leurs vêtements occidentaux pour aller au travail, ils emportaient toujours avec eux un Faso Dan Fani, afin de parer aux visites inattendues de Sankara dans les services. Ce qui valut au Faso Dan Fani d’être rapidement surnommé «Sankara arrive»

Mais dès l’arrivée de Blaise Compaoré au pouvoir (1987-2014), le «Pagne tissé de la patrie» (en langue Dioula), est aussitôt passé à la trappe.

«Il y a eu un passage à vide après le 15 octobre 1987 [coup d’Etat qui a porté Compaoré au pouvoir, ndlr]. On a voulu sans ménagement, et de façon la plus brute effacer tout ce qui relevait de la période Sankara, jusqu'à son nom», explique à Anadolu Basile Guissou, directeur de recherches en sociologie politique qui fut successivement ministre de l’Environnement et du tourisme, ministre des Relations extérieures et de la coopération et ministre de l’Information et de la culture sous la Révolution.

Trente ans plus tard, le pagne traditionnel semble retrouver une nouvelle vie.

Preuve en est, le président Marc Roch Kaboré, son gouvernement et même son épouse, ne manquent pas une apparition officielle pour se vêtir de leur pagne traditionnel tandis que le 8 mars (Journée de la femme) s’est tenu sous le signe «particulier» de la promotion du Faso Dan fani.

Plus encore l’équipe du ‪‎Burkina‬ Faso a été classée première aux Jeux Olympiques de Rio 2016, pour sa tenue vestimentaire (pagne) lors de la cérémonie d’ouverture le 5 août dernier.

Aujourd’hui, le Pagne, semble donc faire son retour, y compris dans les usines. Près de 50 000 tisserands, dont 40 000 femmes, s’emploient à «rétablir l’identité burkinabé».

Dans le quartier populaire de Kamsonghin au centre de la capitale burkinabè, se trouve l’unité artisanale de production Godé (U.A.P.-GODE) crée en 1987 par Sankara, sous tutelle du ministère de l’Action sociale et de la Solidarité (aujourd’hui ministère de la Femme, de la solidarité nationale et de la famille).

A l’entrée de la cour, on peut lire sur une pancarte : «Production et commercialisation du Faso Dan Fani 100% coton» et l’activité, qui battait de l’aile de longues années durant, prend aujourd’hui un nouvel essor.

De 8h à 16h, vingt femmes produisent des pagnes Faso Dan Fani qui seront ensuite vendus dans la boutique entre 10 000 et 20 000 FCFA (20 à 40 USD). Une production 100% burkinabé destinée à un public burkinabé d'une part, mais aussi international, souligne la gestionnaire du centre, Béatrice Ima, rencontrée par Anadolu.

"Nous avons souvent de grosses commandes, que ce soit au Burkina ou à l'étranger. En ce moment nous préparons pas moins de 300 pagnes pour les uniformes des écoliers", renseigne-t-elle.

Si pour l’ancien ministre de Sankara le retour du Faso Dan Fani est «une sorte de réhabilitation à titre posthume de Sankara», pour Tahirou Barry, ministre de la Culture, des Arts et du Tourisme, cela traduit surtout «une volonté affichée au sommet de l’Etat pour faire du Faso Dan Fani une véritable marque identitaire et surtout un véritable facteur de création d’emploi, de richesse et donc de lutte contre la pauvreté et la misère dans les campagnes ».

«C’est vrai qu’avec la fin de la période révolutionnaire nous avons assisté quelque peu à un déclin de la valorisation du Faso Dan Fani mais aujourd’hui nous avons pris conscience que c’est une filière qui peut être porteuse à condition que la volonté politique soit manifeste», poursuit le ministre de la Culture.

S’agissant des mesures à adopter pour la promotion et la valorisation du pagne, Barry en voit trois principales s’apparentant à celle de l’ancien chef d’Etat burkinabè. La première est une mesure d’«exemple» venant des responsables burkinabè à travers le port du Faso Dan Fani.

La deuxième mesure doit engendrer des actions concrètes sur le terrain «la mise en place d’unité de filature, des unités de tissage, la réorganisation des différentes associations de tisseuses et de tisserands et la mise en place d'une usine comme Faso Fani qui a fermé à Koudougou en vue de faire de cette filière une véritable activité industrielle».

Enfin, le ministre veut «continuer à soutenir les acteurs privés, les femmes qui s’organisent en coopérative et les designers» pour la réaffirmation identitaire burkinabé.

Et les retombées économiques peuvent être nombreuses, assure-t-il, surtout que le Burkina Faso fait partie des grands pays producteurs de coton en Afrique de l'ouest (deuxième derrière le Mali avec 250 mille tonnes produites par an). Un secteur qui emploie près de 80 % de la population mais qui a besoin de réformes, car seul 2% du coton est transformé en fil ou en tissu.



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