Burkina Faso: Le Centre culturel islamique, "le relais civil" de lutte antiterroriste
"La promotion de la culture islamique" se pose avec d'autant plus d'urgence que le péril terroriste propage, de son côté, une contre-culture revendiquant une assise religieuse

Ouagadougou
AA/ Ouagadougou/ Olympia de Maismont
Sur l’avenue Charles de Gaulle, l’une des avenues principales de la capitale burkinabè, un bâtiment de cinq étages est en construction. Il s'agit du premier centre culturel islamique du pays dont les prometteurs veulent en faire un "relais civil" de la lutte contre le terrorisme.
Mêlant culture et religion ce centre sera un pôle de recherche, de formation et d’information sur l’Islam, comme le veut l’association des élèves et étudiants musulmans au Burkina (AEEMB), à l'origine de cette initiative. Créée en 1986 par les élèves et étudiants musulmans, l'AEEMB s'est fixé pour objectif la promotion de l’apprentissage des fondements de l’Islam dans le milieu scolaire.
«Le contexte faisait que le système éducatif ne prenait pas en compte l’aspect religieux et où il appartenait à chaque confession religieuse de prendre en charge la formation de ses membres» déclare le président de l’association, Ali Sawadogo, à Anadolu.
Selon des statistiques officielles, le Burkina compte une majorité de Musulmans, qui cohabitent avec une forte minorité animiste (près de 40%), le reste étant composé de Chrétiens. Selon Sawadogo, la création d’un centre culturel islamique au Burkina est depuis plusieurs années «l’un des grands objectifs de la structure afin de faire la promotion de la culture islamique».
Cette nécessité se pose avec d'autant plus d'acuité, aujourd'hui, que le péril terroriste propage, de son côté, une contre-culture revendiquant une assise religieuse. Le Burkina Faso en a fait les frais, en janvier dernier, avec une attaque terroriste qui a fait une trentaine de morts. Même s'il a été revendiqué par un groupe armé basé au Mali, al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), cet attentat rappelle au Burkinabè la nécessité d'immuniser le front interne, par un retour aux sources.
"Le centre peut participer à la lutte contre le terrorisme", soutient énergiquement Ali Sawadogo. "Nous pensons qu'il sera un cadre de sensibilisation et de formation. C'est un travail de fond qui se veut le relais civil de l'action militaire menée par les autorités, puisqu'il propage les valeurs du vivre ensemble et de la non-violence"
"Le Burkina Faso est un pays où toutes les religions se côtoient depuis des décennies, toutes les confessions. Cette approche pragmatique placée sous le signe de la promotion du vivre ensemble est donc à saluer", a déclaré à Anadolu le porte-parole du gouvernement burkinabè, Rémis Dandjinou.
"Il y a une majorité de musulmans au Burkina et la mise en place de ce centre participe de la volonté d'avoir un islam apaisé", a justifié Dandjinou, par ailleurs ministre de la communication. "Cette initiative peut permettre de lutter contre le terrorisme dans nos pays où l'ignorance est à la base de toutes les dérives. Le fait de donner des connaissances plus profondes de l'islam (..) est une initiative à louer"
"La création du centre culturel islamique est également justifiée par d'autres constats" explique, de son côté, le président de l’AEEMB, désormais pourvue d'un statut national puisqu'elle est représentée dans chaque province et université du pays.
Si le site était auparavant dédié au siège de l’association, il servait aussi de mosquée aux fidèles pour la prière du vendredi notamment. Cependant "l’espace était devenu exigu et il n’y avait pas assez de place pour la prière. Donc le premier objectif était d’offrir un cadre plus adéquat et plus confortable aux fidèles pour la prière du vendredi", ajoute-t-il.
Ce nouveau bâtiment en construction consacre donc son rez-de-chaussée et ses deux premiers étages à la prière qui accueille déjà près de 1500 fidèles chaque vendredi. La mosquée ne représente cependant qu’une partie du projet. Le centre prévoit en effet d’être un lieu d’apprentissage et de recherches destiné à tous ceux qui souhaitent s’informer sur l’Islam, son histoire et celle des musulmans dans le monde et particulièrement au Burkina Faso avec une grande bibliothèque ouverte à tous.
«On a vu plusieurs chercheurs venus de l’extérieur du Burkina qui veulent des informations sur l’islam mais n’en trouvent pas» regrette Inoussa Ouedraogo, responsable du projet du centre culturel au sein de l’AEEMB. Ce centre est donc destiné à tous les chercheurs ainsi qu’à «l’ensemble de la jeunesse musulmane qui n’a pas de lieu où se retrouver pour apprendre ce qu’est vraiment la religion musulmane».
En plus de la mosquée et de la bibliothèque, le centre abritera des salles de travaux et de conférences où seront développés des «thèmes liés à la religion, à la culture et aux problématiques sociales et au développement » développe Sawadogo. Des dortoirs sont aussi prévus afin de loger temporairement des étudiants ou chercheurs en transit.
Si le coût total du projet s’élève à 810 millions de francs CFA (soit environ 1,363 million USD), la somme recueillie aujourd'hui est de 435 millions de francs CFA (soit environ 732 mille USD). Bien que cette somme ait déjà permis de construire une grande partie du bâtiment, le gros œuvre n’est pas encore terminé. Pour Inoussa Ouedraogo, l’urgence aujourd’hui est de trouver la somme de 100 millions de francs CFA (soit 168 mille USD) afin de terminer cette étape de la construction et sécuriser les acquis, "le bâtiment n’est pas suffisamment sécurisé nous cherchons donc a finir le gros œuvre afin que la saison des pluies ne fragilise pas le bâtiment".
Le financement se fait sur fonds propres affirme Sawadogo, «notre structure est apolitique et en aucun cas affiliée à un institut, organisme ou personnalité donc c’est d’abord la côtisation des membres qui constitue la première ressource de financement du projet». La seconde source de financement, quant à elle, se fait à travers des dons d’anciens membres ou de sympathisants.
Interrogé sur la possibilité pour l'Etat burkinabè de colmater la brèche financière, le porte-parole du gouvernement a rappelé que "Le rôle de l'Etat n'est pas d'accompagner mais de garantir à chacun le libre exercice de sa religion, tant que cette pratique ne porte pas atteinte à d'autres personnes. L'Etat burkinabè est un Etat laïc, plutôt que de soutenir [financièrement], il encourage ce genre d'initiative."