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Burkina Faso: Kaboré veut une armée apolitique et républicaine

Depuis son Indépendance en 1960, le Burkina Faso a connu sept coups d'Etat militaires, aujourd'hui le président affirme: "Nous avons besoin d’une armée républicaine, d’une armée apolitique et opérationnelle"

Esma Ben Said  | 01.06.2016 - Mıse À Jour : 01.06.2016
Burkina Faso: Kaboré veut une armée apolitique et républicaine

Burkina Faso

AA/ Ouagadougou/ Lougri Dimtalba

Abonné aux coups d’Etat et désormais cible privilégiée des groupes extrémistes, le Burkina Faso a bel et bien engagé la réforme d’une armée longtemps politisée.

L’objectif, étant de rompre définitivement avec un phénomène par excellence burkinabé : l’interférence Armée/Etat, mais aussi de doter ce corps de défense des moyens requis, afin de mieux lutter contre la menace terroriste qui va crescendo dans la bande sahélo-saharienne.

Faisant l’état des lieux d’une armée qui compte environ 11 200 soldats, dont 6400 pour l’armée de terre, 600 pour celle de l’air et 4200 relevant de la gendarmerie, Roch March Christian Kaboré, le premier civil à accéder démocratiquement au pouvoir depuis l’indépendance du pays en 1960, s’est exprimé sans euphémisme, en s’adressant à la presse, la semaine dernière.

«Dans le programme que j’ai élaboré, j’ai été très clair : Nous avons besoin d’une armée républicaine, d’une armée apolitique et opérationnelle, c’est-à-dire dotée de moyens pour assurer la sécurité des Burkinabé et celle du territoire», a déclaré jeudi dernier le président burkinabé, après s’être longuement entretenu avec les hauts cadres de l’armée et du ministère de la Défense.

Les réformes qu’entend mener le "numéro un" burkinabé s’articuleront autour de grands axes, dont «Rendre l'armée opérationnelle et restaurer la cohésion, la discipline et l’unité du corps». De ce point de vue, Kaboré a fait observer que des réflexions sont menées, en vue d’élaborer un plan d’action alliant réalisme et efficacité. Il a, dans la même perspective, insisté sur l’importance de tenir compte «des aspects intergénérationnels», en vue d’assurer la relève.

Dans le même sillage, force est de constater que de grandes réformes ont déjà été engagées sous la Transition, peu après la chute du régime de Blaise Comparé en octobre 2014, pour déconnecter l’armée de la politique. Une loi votée en avril dernier contraint, en effet, tout militaire voulant s’engager en politique de démissionner préalablement de l’armée.

S'inscrivant dans cette dynamique, le ministère de la Défense Nationale et des Anciens Combattants est sur le point d'entamer l’élaboration d’un plan stratégique 2017-2021 pour la réforme des Forces Armées Nationales (FAN). Ce plan sera confié à sept sous-commissions, d’après une source militaire qui a requis l’anonymat.

Si le besoin de réformer l’armée se fait sentir aujourd’hui, c’est qu’il y a péril en la demeure, de l’avis de certains experts militaires et analystes.

"L’armée burkinabé est politisée, minée par mille et une divisions, somme toute, elle n’est toujours pas arrivée à guérir de ses maux. Lesquels maux datent du 3 janvier 1966, où un soulèvement populaire initié par les syndicats qui ont fait appel à l’armée avait fini par renverser le président Maurice Yameogo. Son chef d’état-major le lieutenant-colonel Aboubacar Sangoulé Lamizana était devenu le deuxième président de 'la Haute-Volta' à l'époque." explique à Anadolu, Charles Lona Ouattara, ancien chef des opérations aériennes des Nations Unies.

"C’était pour autant en 1982, que l’on a enregistré un tournant capital dans l’histoire de l’armée. A cette date, le Conseil de salut du peuple (CSP) est arrivé au pouvoir, par un coup d’Etat militaire, pour démanteler la chaîne de commandement de l’armée, en vue de mieux régner en la politisant" ajoute Charles Lona Ouattara.

Ce tournant capital dans l’histoire d’un corps déjà fragile n’a fait qu’entretenir les fissures de ce pilier de l’Etat.

La tradition, à savoir, l’immixtion des militaires dans la chose politique, a depuis été perpétuée. Au total, sept coups d’État militaires ont eu lieu au Burkina depuis son indépendance en 1960.

Le dernier en date remonte au 16 septembre 2015, date à laquelle les hommes de Gilbert Diendéré, alors bras-droit de l’ancien président Blaise Compaoré et chef de l'ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP), ont brièvement renversé le régime de la transition avant d'être défaits par les manifestants et des colonnes de l'armée régulière venues de l'intérieur du pays.

Une réforme en profondeur d’une armée politisée 27 ans durant, sous le règne de Blaise Compaoré, semble, au demeurant, loin d’être une sinécure, pour Christian Kaboré. Surtout quand on apprend que 72% du budget alloué à l’armée est affecté aux salaires. Alors que ce corps de défense est à court de moyens et d’équipements logistiques et militaires.

Autre signe alarmant : En l’état actuel, l’armée compte plus de chefs que de combattants, prévient Lona Ouattara. Ce dysfonctionnement a généré selon lui un vide sécuritaire, qui a favorisé l’apparition de groupes d’auto-défenses dénommés « Koglwéogo » (Protéger la nature en langue nationale Mooré-Ethnie majoritaire). Ces groupes dictent leur loi, surtout dans les villages de l’intérieur du pays.

La réforme de l’armée ne peut être, in fine, qu’une priorité pour cette démocratie naissante du sahel africain, surtout que la sécurité du pays est largement menacée, depuis l’attaque du 15 janvier revendiquée par al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), qui a fait une trentaine de morts.

Grandissante, la menace terroriste a poussé, en mai dernier, le Burkina, classé 11ème pays contributeur de troupes à l’ONU à envisager le retrait de son contingent de 850 hommes, évoluant au sein des casques bleus au Darfour.

Fort de sa détermination à entamer la réforme de l'armée du pays dès juillet prochain et à réaliser les plus grandes avancées avant la fin de l'année, le président burkinabé dispose-t-il vraiment de ce "plan stratégique 2017-2021" qui lui permettra de réussir cette course contre la montre et la menace terroriste?

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