Afrique

Burkina Faso: 30 ans après l’assassinat de Thomas Sankara, où en est l’enquête?

Blaise Compaoré, soupçonné d’être à l’origine de cet assassinat, est resté au pouvoir jusqu’à 2014 et laissait le dossier trainer pendant près de vingt ans

Lassaad Ben Ahmed  | 15.10.2017 - Mıse À Jour : 15.10.2017
Burkina Faso: 30 ans après l’assassinat de Thomas Sankara, où en est l’enquête?

Burkina Faso

AA/Ouagadougou/Olympia de Maismont

Alors que le Burkina Faso commémore les 30 ans de l’assasinat de son ancien chef d’Etat, Thomas Sankara, une éternelle question demeure posée : Qui a ordonné son assassinat et celui de ses 12 compagnons le 15 octobre 1987?

L’odyssée judiciaire du «dossier Thomas Sankara» a commencé le 29 septembre 1997. Près de 10 ans après la mort de son mari, et avant que la prescription ne soit effective, Mariam Sankara a déposé une plainte contre «un inconnu» pour «assassinat » et pour «fausse écriture», concernant le certificat de décès de Sankara, sur lequel il est mentionné : «mort naturelle».

Si la machine judiciaire est officiellement lancée, Blaise Compaoré, soupçonné d’être à l’origine de cet assassinat, est resté au pouvoir jusqu’à 2014 et laissait le dossier trainer pendant près de vingt ans.

En mars 2015, le dossier est relancé; le gouvernement de transition saisit le tribunal militaire et un juge d’instruction est nommé. De plus, la transition autorise par décret l’exhumation du corps de Sankara et de ses compagnons de lutte. Seulement, du fait d’ADN trop détériorés, les corps ne sont pas identifiés.

Sur demande de la veuve de Sankara, une contre-expertise est accordée par le juge, mais celle-ci confirme les conclusions de la précédente.

Pour Bruno Jaffré, auteur de plusieurs ouvrages sur l’ancien chef d’Etat et membre du réseau international «justice pour Sankara justice pour l’Afrique», l’impossibilité de confirmer l’identité des corps n’est pas nécessaire à la progression judiciaire du dossier.

«Il faut dissocier la question des ADN de celle de l’assassinat […] le juge a inculpé plus d’une dizaine de personnes, même s’il y a un doute sur le fait que les personnes soient là ou pas, on sait qu’ils ont été assassinés. C’est plus qu’une affaire qui touche les familles, qu’elles soient rassurées, qu’elles aient enfin un lieu pour se recueillir. Sur la question de l’enquête c’est totalement dissocié», affirme-t-il.

En effet, depuis la relance du dossier, il y a deux ans, plus d’une dizaine de personnes ont été inculpées, majoritairement des militaires, et plus d’une centaine d’auditions ont été menées.


La France dans le coup ?

Si Jaffré se réjouit de ces avancées burkinabées, il estime que la clé pour faire avancer considérablement cette enquête se trouve en France.

Connu pour ses nombreux combats notamment contre le néocolonialisme et l’impérialisme, Sankara était, effectivement, devenu gênant pour l’Hexagone. La France est donc, elle aussi, soupçonnée d’avoir joué un rôle dans l’assassinat.

«Le juge a demandé une commission rogatoire, (Il a demandé à ce qu’un juge français soit nommé pour faire des auditions sous son autorité). Il a également demandé la levée du secret-défense».

S’agissant du secret-défense, Jaffré affirme : «on se sert du secret défense pour défendre l’image de la France, alors que dans une démocratie comme la nôtre, c’est la vérité qui doit primer».

Dans son combat pour la levée du secret-défense, il a créé il y a peu, un collectif avec plusieurs autres cas qui se battent pour sa levée, tels que Madame Borel dont le mari a été assassiné, le fils de Benbarka, dont le père a été assassiné ou encore des victimes du génocide au Rwanda.

«Chacun butte sur un cas individuel et on a bien compris que l’issue c’est de faire pression, tous ensemble, et surtout il faut aller vers une réforme du secret-défense», explique-t-il.

Optimiste sur l’efficacité du collectif, Jaffré espère que cette nouvelle action permettra d’avancer dans sa quête de justice pour Sankara. «Macron annonce une nouvelle ère de la vie politique en France. On attend. On va voir très vite», lance-t-il.

Arrivé au pouvoir en 1983, le Capitaine Thomas Sankara, initiateur de la révolution burkinabée, aura marqué l’ancienne Haute Volta qu’il a rebaptisée «Burkina Faso».

Blaise Compaoré, alors bras droit du «Che africain» est soupçonné d’avoir été à l’origine de cet assassinat, à la suite duquel il prendra la tête du pays. Après 27 ans au pouvoir, il a été renversé par l’insurrection d’octobre 2014. Il est, depuis, exilé en Côte d’Ivoire voisine.


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