Bénin: Le quotidien amer des vendeuses de canne à sucre
«A force de courir derrière les motocyclistes et les véhicules, nous tombons. Nous devons aussi braver le soleil et la pluie pour gagner notre vie", le gain quotidien d'une vendeuse de cannes à sucre étant d'environ 4 dollars par jour.

Tunis
AA/ Cotonou (Bénin)/ Serge David Zouémé
Avec leur produit exposé, elles illustrent un de ces lourds paradoxes de la vie. Elles vendent de la canne à sucre, pourtant leur quotidien a un goût amer. Il est plutôt fait de tristes fragments de vie. Ces Béninoises d'exception sont, par delà, dignes d'estime; elles qui acceptent de fondre comme des bougies pour illuminer le chemin des autres.
Occupant les bords de la route reliant Cotonou-Sèmè-Porto Novo, des centaines de béninoises sur des tabourets pour certaines, à même le sol pour d’autres, exposent sur des étalages de fortune et des lots de cannes à sucre rarement épluchées.
Modestement habillées, elles rivalisent pour s’arracher le premier client venu, ou pour courir servir le premier motocycliste ou véhicule en transit. A Sèmè, ville béninoise frontalière du Nigéria, les femmes ont pour gagne pain le commerce de la canne à sucre. Dans cette région de l’Est béninois, les longues tiges tropicales herbacées à port de roseau servent à produire du sucre, mais aussi à nourrir des milliers de bouches, depuis des décennies.
«Nous nous livrons à une concurrence saine pour gagner notre vie. Bien qu'on se dispute les clients, on s'entend très bien ici», témoigne Virginie Ahouè, la quarantaine, vendeuse de cannes à sucre à Sèmè.
Enthousiastes, persévérantes et laborieuses ces femmes alliant splendeurs et misères, telles des athlètes, se livrent à des courses-vitesse, derrières des véhicules transitant par la région, en vue de leur présenter leurs produits. «Tonton, viens acheter mes cannes à sucre, elles sont bien sucrées et le panier de cinq morceaux ne coûte que 100 francs Cfa (0,16 USD) », lance en langue locale Fon, une vendeuse à un client en provenance de Porto-Novo, la capitale administrative.
Conforte Zannou, 47ans, a commencé très jeune son commerce. Les vendeuses de cannes à sucre vont très loin dans les villages qui entourent Sèmè comme «Togbomè» (situé à une vingtaine de kilomètres) pour s’approvisionner. «Les tiges de cannes à sucre sont souvent plantées dans les bas-fonds et pour traverser, nous souffrons beaucoup. Après l’achat, nous payons d’autres femmes qui nous aident à les transporter sur la tête jusqu’à la terre ferme. Puis, nous sollicitons les conducteurs de taxi-moto pour assurer le transport des marchandises vers nos points de vente», dit Zannou.
Les tiges sont ensuite nettoyées, coupées en morceaux, avant d’être exposées à la vente. «C’est encore là que commence notre souffrance. Il faut savoir courir derrière motocyclistes et voitures pour espérer vendre les cannes à sucre parce que les clients, descendent rarement des véhicules en transit », se désole Zannou.
Selon la présidente de l’Association de solidarité et d’entraide des vendeuses de cannes à sucre de Sèmè, Mme Judith, la trentaine explique: «Les tiges de cannes à sucre sont achetées par lot de vingt entre 1.500 francs Cfa (2,46 USD) et 3.000 francs Cfa (4,93 USD), en fonction de la longueur, la grosseur et le goût».Quant à la marge bénéficiaire, elle précise qu’elle est de l’ordre de 2.000 francs Cfa (3,28 USD) à 2.500 francs Cfa (4,11 USD) par jour. Les clients sont principalement issus du Bénin, du Nigéria, du Togo, du Ghana, du Nigéria, du Mali et du Tchad.
La responsable reconnaît néanmoins que la canne à sucre ne fait pas vraiment le bonheur de ces commerçantes béninoises, soulignant que d’amples souffrances se cachent derrière bien des sourires lumineux. «A force de courir derrière les motocyclistes et les véhicules, nous tombons avec des lésions aux pieds ou aux mains. Nous devons aussi braver le soleil et la pluie pour gagner notre vie. Parfois, des clients nous volent. En courant derrière un client pour le satisfaire, un autre te vole rapidement. Nous devons aussi subir les représailles des policiers et gendarmes qui nous chassent du long de la voie», regrette Judith.
Malgré les bénéfices qu’il génère, certaines vendeuses considèrent le commerce de la canne à sucre comme une activité sans lendemain. «Si par le passé, nos parents parvenaient à gagner leur vie, pour nous, la situation se complique aujourd’hui. Je pense changer d’activité prochainement», affirme Virginie Ahouè.
Au Bénin, la canne à sucre est cultivée dans les villages et régions de Sèmè, Sèmè-Podji, Agongo, Djrègbé, Djèffa, Kraké, Kétonnou, dans l'Est. En Afrique, on la trouve également au Nigéria, en Afrique du Sud, au Kenya, à l'Ile Maurice, en Zambie, au Cameroun et au Sénégal.
A l'échelle planétaire, cette plante d'origine tropicale, est principalement cultivée en Amérique du Sud, notamment au Brésil, en Inde, en Asie (notamment en Chine), dans de nombreuses îles tropicales, mais aussi en Australie et en Amérique du Nord, en particulier en Floride.
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