Afrique

Au Cameroun : la montée des eaux ruine des hommes et menace la survie de toute une île

Depuis plus de 10 ans, l’île Cap Cameroun risque l'engloutissement total.

Mohamed Hedi Abdellaoui  | 03.12.2015 - Mıse À Jour : 04.12.2015
Au Cameroun : la montée des eaux ruine des hommes et menace la survie de toute une île

Kamerun

AA/ Douala (Cameroun)/ Josiane Kouagheu

 Alors que se tient en France la Conférence de Paris 2015 sur le climat (du 30 novembre au 11 décembre 2015), il se passe des choses dans le continent le moins pollueur, mais le plus affecté par les changements climatiques, à savoir, l'Afrique. 

Au Cameroun- et ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres-, depuis plus de 10 ans, l’eau avance et l’île Cap Cameroun est en voie de disparition. 

  Cinquante minutes en pirogue en plein océan Atlantique, puis, émerge l’île Cap Cameroun peuplée de près 10 mille habitants,  selon des statistiques officielles. 

  A Douala 6ème, capitale économique, sur la plage, les vagues dépassent la vingtaine de barques amarrées et se déversent à quelques centimètres des maisons construites en planches

« La situation a commencé à s’empirer en 2000 », raconte à Anadolu  le chef traditionnel Moulema Maboha, soulignant que «plus de 500 maisons ont déjà été détruites par la montée des eaux».

D’après Maboha,  des habitants ont été contraints de construire des maisons en pilotis avec des piquets implantés sous le sol pour faciliter leur « enlèvement » en cas de montée des eaux.

 «Quand les eaux montent, elles avancent vers nos maisons. Nous sommes alors obligés de les transporter. J’ai déjà reculé la mienne plus de cinq fois », grogne-t-il.

 Mais, son amertume est loin d’étouffer sa fierté découlant de la valeur historique de l’île : « lorsque les Portugais sont arrivés au Cameroun en 1472, Ils ont trouvé beaucoup de crevettes à Cap Cameroun et l’ont appelé Rio dos Camaroes, rivière des crevettes. Voilà d’où vient le nom Cameroun ».

 Moulema Maboha ne connaît pas la superficie exacte de l’île mais il suit la montée des eaux en se servant d’une antenne relais de communication du Port autonome de Douala (Pad) au milieu de l’eau qu’il pointe du doigt.

 « Avant, cette antenne était au milieu du village, sur la terre ferme. Aujourd’hui, elle est dans l’eau. Voilà le signe que l’eau avance », explique-t-il.   Sur cette île riche en poissons, la majorité des 10 000 habitants sont des pêcheurs comme Ahoudou Abo, chef de la communauté des ressortissants du Grand-nord du Cameroun.  Arrivé sur l’île en 2003 le pêcheur ne cache pas son malheur. Sa maison a été entièrement détruite par la montée des eaux cette année. «  Un jour, l’eau est arrivée et a tout emporté. Je n’étais pas là », soupire ce père de 14 enfants, le regard triste. Depuis cet incident, Ahoudou Abo vit dans une chambre avec sa femme et ses enfants.

 Le chef de la communauté des ressortissants du Grand-nord du Cameroun n’est pas le seul à en avoir vécu l’amère expérience. Après 23 ans passés sur l’île, Samuel Nemoh Bissong a perdu plusieurs maisons. Cet ancien conseiller municipal de la commune de Manoka dont dépend l’île Cap Cameroun, a longtemps travaillé sur le volet environnemental de son île.  Mais à court de moyens, ses objectifs n’ont pas été atteints

  « Le budget de la mairie de Douala 6ème ne permet pas de trouver des solutions pour pour protéger l’île d’une disparition totale. Nous avons 300 millions de francs Cfa (486 000 USD), mais ce n’est pas suffisant », avoue Samuel Bissong.

  «L’Etat doit vraiment nous aider à  faire des barrières en béton pour bloquer l’avancée de l’eau », dit Moulema Maboha, faisant observer que l’île est exposée à  d’autres menaces, comme  la destruction de sa mangrove  par la population, ce qui accélère davantage l’avancée de l’eau.

  Abondant dans le même sens, l’Institut de recherche agricole pour le développement (Irad) fait savoir que sur 7850 espèces végétales, terrestres et aquatiques recensées au  Cameroun et  815 autres sont menacées de disparition. L’activité  humaine entraîne une modification de 35% des écosystèmes.    

En 2009, la maison de Maïmouna Mahama a été emportée avec ses vêtements et marmites. Réalisant que la coupe des bois de la mangrove  est l’une des raisons de la montée des eaux sur l’île, elle veut agir, mais elle ne sait à quel saint se vouer : « Nous n’avons pas d’autre choix. Où pouvons-nous trouver le bois ? Qui aura des solutions pour nous ?», s’interroge-t-elle.

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