Culture et Arts, Mode de Vie, Afrique

Au Bénin, "fêter" ses morts, bientôt interdit ?

- Un député initie actuellement une réforme visant à encadrer l'organisation des cérémonies funéraires souvent très coûteuses au Bénin

Hatem Kattou  | 03.08.2017 - Mıse À Jour : 03.08.2017
Au Bénin, "fêter" ses morts, bientôt interdit ? Photo d'archives

Benin

AA/ Cotonou (Bénin)/ Serge David Zouémé

Réduction de dépenses rime-t-elle avec fin des réjouissances ? Oui, répond le député béninois Nazaire Sado, qui initie actuellement une réforme visant à encadrer l'organisation des cérémonies funéraires souvent très coûteuses au Bénin.

Au Bénin, le deuil se fête en grande pompe, une façon, dit-on d'honorer les défunts et de leur garantir un destin favorable dans l'au-delà.

Mais les dépenses liées à ces cérémonies funéraires se révèlent bien vite faramineuses dans ce petit pays d'Afrique occidentale, fortement ancré dans le vodoun (croyance) et les pratiques traditionnelles.

'Les dépenses à l'occasion des cérémonies familiales, notamment lors d'un décès constituent un véritable problème pour la majorité des Béninois qui ne savent pas faire autrement que se ruiner par peur d'être rejetés par la société", dénonce Sado, rencontré à Cotonou, la capitale économique, par Anadolu.

D'après l'initiateur de la proposition de loi, de nombreux citoyens sont en effet obligés de s'endetter auprès de leur banque, de vendre des parcelles de terrains ou même leur maison pour payer les frais liés aux cérémonies.

"Nous sommes d'une culture traditionnelle très forte et qui imprègne notre identité, c'est pourquoi, se dérober des pratiques traditionnelles même si elles sont hors de prix, est mal vu par la société, les dignitaires mais aussi les chefs traditionnels des familles, lignées et royautés", soutient-il.

Quand les dépenses sont liées à la mort, c'est d'autant plus difficile, confirme Fidele Agbanménou, infirmière d'une quarantaine d'années, rencontré par Anadolu.

"J'ai perdu mon beau-père le mois dernier et à la tristesse que l'on peut éprouver, s'ajoutent des dépenses asphyxiantes", reconnait-elle.

"En tant qu'infirmière, je touche environ 120 mille Francs Cfa par mois (216 dollars). Mon époux est quant à lui artisan et touche à peine 100 mille Francs Cfa chaque mois (180 dollars). Nous n'avions donc pas de quoi couvrir tous les frais liés au décès", explique la mère de famille.

"C'est pourquoi nous avons dû faire un prêt bancaire de 2 millions FCFA (3,6 mille dollars). Avec cet argent, nous avons pu effectuer les dépenses liées aux cérémonies d'inhumations à savoir : la conservation du corps du défunt à la morgue, l'achat de la tombe au cimetière, l'achat du cercueil, la location du corbillard", énumère-t-elle.

Mais il y a aussi, poursuit Fidele, "l’uniforme de la dépouille, le choix de deux modèles de pagnes (un pour la famille et un autre pour les amis et voisins) à porter pour conduire le corps à sa dernière demeure (cimetière), les rites traditionnels sur la dépouille, les photos et caméras pour immortaliser l’événement, les repas et boissons à offrir aux parents, amis, hôtes et visiteurs imprévus, l’animation culturelle, etc.", détaille-t-elle.

Cette proposition de loi, "permettra de soulager beaucoup de Béninois, qui subissent dans le silence, ces dépenses excessives", se réjouit-elle, avouant qu'elle même éprouve beaucoup de difficulté à rembourser le prêt contracté.

Pour le député Nazaire Sado, cette proposition de loi qui sera introduite à l’Assemblée nationale pour examen et adoption après la session budgétaire qui s’ouvre sous peu, "va permettre de réduire sensiblement les dépenses pour les cérémonies familiales".

La Loi prévoit en effet que les dépenses globales pour les cérémonies familiales au Bénin n'excèdent plus les 500 mille Francs Cfa (900 dollars), dit-il.

La proposition de loi supprime, par ailleurs, les réjouissances (nourritures, boissons et animation culturelles à excès) pendant les cérémonies de décès, poursuit le député.

Elle spécifie enfin que, même si les personnes sont autorisées à rester près de la famille du défunt après les cérémonies, ce séjour des "soutiens" des familles éplorées, ne doit pas excéder les 48 heures à compter de l'inhumation.

Quiconque ne respectera pas cette loi, pourra être interpellé et sanctionné poursuit-il.

Du côté des dignitaires et chefs traditionnels, si l'ont ne s'opposent pas à la réduction des dépenses liées aux cérémonies familiales, on milite cependant pour le maintien et la pérennisation des rites traditionnels.

Dah Avimagnon chef de collectivité familiale à Godomey, aux environs de Cotonou, rappelle que les cérémonies traditionnelles relèvent du patrimoine immatériel du peuple béninois.

"Les cérémonies familiales ou traditionnelles nous permettent de garder un lien avec nos ancêtres et nos divinités. Ce qui est pour nous une source de bonheur. Si au nom des dépenses excessives, on doit supprimer des parties de rites ou pratiques traditionnelles qui facilitent la communication avec les dieux, j’ai bien peur que cela ne se retournent contre nous", conclut-il.

Seulement une partie des dépêches, que l'Agence Anadolu diffuse à ses abonnés via le Système de Diffusion interne (HAS), est diffusée sur le site de l'AA, de manière résumée. Contactez-nous s'il vous plaît pour vous abonner.
A Lire Aussi
Bu haberi paylaşın