Après la reconstruction des mausolées de Tombouctou, la préservation de "la perle du désert": le nouveau défi du Mali
14 Mausolées sur les 16 que compte Tombouctou, ville classée Patrimoine de l’humanité depuis 1988 par l'UNESCO, avaient été défigurés par les extrémistes en 2012.

Mali
AA/Tombouctou/Baba Ahmed
Un air de sérénité et de spiritualité souffle enfin sur Tombouctou, la «cité aux 333 saints» depuis que les 14 mausolées, détruits, à coup de pioche et de burin par des «djihadistes», il y a de cela trois années, ont enfin retrouvé toute leur splendeur d’antan.
C’est une page douloureuse de l’histoire qui se tourne, et désormais, tous les regards sont rivés sur l’avenir. Population locale, guides religieux et autorités maliennes, n’ont en effet plus qu’une seule volonté : protéger leurs sanctuaires, de nouveau sur pied, de tout fanatisme religieux.
14 Mausolées sur les 16 que compte Tombouctou, ville classée Patrimoine de l’humanité depuis 1988 par l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), avaient été défigurés en 2012, par Al Qaida au Maghreb islamique, au nom de la lutte contre «l’idolâtrie». Les deux autres n'ont pas été touchés.
Certains de ces mausolées remontaient au 13e siècle et leur destruction avait été vécue comme une véritable tragédie pour les communautés du Nord-Mali.
Mais aujourd’hui, ce triste souvenir appartient au passé.
Il aura fallu toutefois attendre près de deux ans pour voir les travaux de reconstruction à l’identique des tombeaux sacrés, s’achever officiellement le 4 février 2016, grâce, notamment à l’appui de partenaires extérieurs et principalement de l’Unesco.
«Nous sommes si heureux de voir ces mausolées à nouveau trôner à Tombouctou et nous ferons tout pour les préserver de toute destruction. Nous espérons vivement que l’Etat, soutenu par le peuple malien, sera en mesure d’assurer progressivement la sécurité au niveau de toute la ville», toujours menacée par des groupes armés, indique Lassana Cissé, directeur du patrimoine culturel du Mali, rencontré par Anadolu.
Tombouctou pourra également compter sur la mission des Nations-Unies déployée au Mali (Minusma), pour ne plus jamais vivre un scénario semblable à 2012, d’après les responsables onusiens.
«Bien sûr c’est aux autorités maliennes de protéger les sites culturels historiques mais cela peut-être fait en collaboration avec l’Unesco et la MINUSMA. Si cela est nécessaire et sur demande, nos collègues de la force sur place et qui sont en contact permanent avec les autorités maliennes, pourront par exemple, procéder à des patrouilles autour des mausolées et sur d’autres sites culturels importants (notamment les Mosquées) » explique à Anadolu Sophie Ravier, chef de l'unité environnement et culture de la Mission onusienne, rencontré à Bamako.
Pour les populations locales, la reconstruction de ces mausolées rend enfin sa richesse perdue à la « Perle du désert », relève Sidi Yahiya, habitant de Tombouctou, qui s’est dit « impressionné par le travail rendu » ajoutant que « la reconstruction a été faite dans le respect total des spécificités architecturales originales ».
«A Tombouctou, les mausolées sont des lieux hautement symboliques, les habitants s'y rendent initialement trois jours par semaine: lundi, jeudi et vendredi pour se recueillir sur les tombes des saints et s'imprégner de leur conduite exemplaire. Leur reconstruction redonne âme à la ville et nous pouvons de nouveau revivre notre spiritualité», témoigne à Anadolu, un autre habitant de la ville, insistant sur la nécessité de «ne plus jamais laisser qui que ce soit toucher à un symbole culturel, qui fédère toutes les communautés.»
Le 4 février dernier, l’UNESCO a remis officiellement les clés des mausolées, dont la reconstruction a démarré en 2014, aux familles en charge de ces tombeaux, lors d'une cérémonie de sacralisation,
Lazare Eloundou, représentant de l’UNESCO au Mali, avait alors rendu hommage au «savoir-faire traditionnel des maçons qui, en utilisant des restes des murs originaux, sont parvenus à reproduire à l’identique chaque mausolée ».
Les maçons se sont appuyés sur le savoir-faire, les traditions locales séculaires, les témoignages d'habitants, et des photos, pour reconstruire au détail près, les tombeaux sacrés.Désormais reconstruction doit rimer avec préservation, avait insisté Eloundou.
Pour l’occasion, les guides religieux avaient, quant à eux, procédé au sacrifice de 14 bœufs dont la viande a été distribuée aux populations locales, à une lecture intégrale du Coran ainsi qu’à une prière collective pour la préservation de leur cité légendaire.
Fondée entre le XIe et le XVIe siècle par des tribus touaregs, Tombouctou a été un grand centre intellectuel de l'islam et une ancienne cité marchande prospère des caravanes. Inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco, les mausolées, mosquées et bibliothèques sont les témoins de l'âge d'or de celle qu'on nomme "la perle du désert", quand elle était un carrefour économique, intellectuel et l'un des centres spirituels et culturels les plus prestigieux du monde musulman.