Ambassadeur Kucukyilmaz : Les Algériens sont fiers et sincères, tout comme les Turcs
- L'ambassadeur de la Türkiye en Algérie, Muhammet Mucahit Kucukyilmaz, souligne que les deux pays partagent un destin commun et renforcent leurs relations dans tous les domaines pour construire l’avenir

Alger
AA / Alger / Esat Firat
L’ambassadeur de la Türkiye en Algérie, Muhammet Mucahit Kucukyilmaz, a déclaré que la Türkiye et l’Algérie entretiennent des relations historiques et des positions politiques proches reflétant une unité de destin entre les deux pays.
Dans une interview accordée à Anadolu à l’occasion de son deuxième anniversaire en Algérie, Kucukyilmaz a ajouté que ces relations se renforcent continuellement sur des bases sociales, culturelles, économiques et politiques, préparant ainsi un avenir commun plus fort.
Il a poursuivi en expliquant qu’il possédait une connaissance approfondie de l’Algérie avant son arrivée, mais que l’expérience sur le terrain lui a apporté une dimension différente.
« J’avais beaucoup lu sur l’histoire et la réalité culturelle et politique de l’Algérie, et j’ai obtenu des informations précieuses de mon prédécesseur dans la fonction, l’actuelle ministre de la Famille et des Services sociaux, Mahinur Ozdemir Goktas », a-t-il précisé.
« Mais lorsque vous posez le pied sur ce pays, vous réalisez que ce qui est dans les livres ne suffit pas », a ajouté Kucukyilmaz.
Il a souligné : « Nous parlons d’un vaste territoire de 2,4 millions de kilomètres carrés, riche d’une diversité culturelle et climatique, de potentialités économiques et d’une profondeur historique qui ne se comprend que sur place ».
Il a indiqué que la connaissance des habitants de la Türkiye sur l’Algérie se limite souvent à la capitale et au littoral, mais « l’Algérie est bien plus vaste, chaque région possède une richesse différente et une histoire particulière ».
- Similarités entre les peuples
Concernant la société algérienne, Kucukyilmaz estime qu’il existe une grande similitude entre les peuples turcs et algérien.
« Les Algériens, comme les Turcs, sont fiers, libres et sincères. Ils ont combattu inlassablement pour défendre leur pays contre l’occupation (française) et ont triomphé », a-t-il expliqué.
« C’est pourquoi leur fierté nationale est méritée. La Türkiye et l’Algérie représentent dans le monde musulman deux modèles exceptionnels de peuples ayant combattu le colonialisme et obtenu leur indépendance », a-t-il- ajouté.
Kucukyilmaz a évoqué la « décennie noire » qu’a connue l’Algérie dans les années 1990, précisant que la vague terroriste de l’époque avait causé de lourds dégâts au pays.
Cependant, « le peuple algérien, qui a surmonté de nombreuses épreuves dans son histoire, a réussi une nouvelle fois, avec la coopération de son État, à dépasser cette période difficile ».
- Diversité culturelle
L’ambassadeur de la Türkiye a indiqué avoir visité 25 wilayas algériennes sur 58, la diversité culturelle étant perceptible dans chaque région.
« À l’Est, il y a Constantine, Biskra, Batna et Annaba ; à l’Ouest, Tlemcen et Oran ; et dans le Sahara, Adrar, Ghardaïa et Tamanrasset », a-t-il détaillé.
Il a ajouté : « Partout, les traditions, les cuisines et les vêtements diffèrent, mais un point commun demeure : l’hospitalité. Dans chaque maison, on retrouve ce que l’on voit dans la région de l’Anatolie en Türkiye ».
Il a insisté sur la spécificité de la cuisine algérienne et ses liens avec la cuisine turque, poursuivant : « L’Algérie a ses plats propres comme le couscous, le mechoui et le mardoum ».
Il a ajouté : « On trouve aussi sur les tables des plats aux noms connus en Türkiye, comme le borek, la baklava, le dolma, les eriste et la shakshuka. Cela témoigne de la profondeur des liens entre nos deux pays ».
Il a également souligné les similitudes dans les vêtements et les artisanats traditionnels : « Le caftan ici ressemble beaucoup à celui que nous avons, tant en forme qu’en nom ».
« Quant aux métiers d’art, les gravures en cuivre, les styles de décoration et les motifs utilisés sont tout à fait familiers pour nous en Anatolie », a-t-il ajouté.
- La Casbah, Suleymaniye et Fatih
En parlant d’architecture, il a déclaré : « Lorsque vous vous promenez dans les ruelles de la Casbah, vous avez l’impression de vous balader dans les quartiers de Suleymaniye ou de Fatih à Istanbul », expliquant que « la seule différence est qu’ici, en plus de l’héritage ottoman, on respire aussi l’odeur d’Andalousie ».
« Après que Khair-ed-Din Barbarossa eut libéré Alger des Espagnols, il y a intégré les habitants d’Andalousie et leur expérience administrative, ce qui a formé ce mélange culturel unique », a-t-il poursuivi.
Il a aussi indiqué qu’entre 5 % et 20 % de la population algérienne est estimée d’origine turque.
« On reconnaît ces familles à leurs noms comme Sari, Kara, Barutcu, Telci. Certaines viennent directement d’Anatolie, d’autres descendent des familles Qul-Oglu (les Kouloughlis), descendants des janissaires », a-t-il précisé.
Il a rappelé que le chef Ahmed Bey, connu pour son rôle dans la résistance à l’occupation française, était lui aussi issu des Qul-Oglu.
« Lorsque vous descendez dans les marchés, les gens évoquent soit leurs origines turques, soit vous parlent avec des mots qu’ils ont appris des séries turques », a-t-il raconté.
« Une fois, un commerçant a voulu offrir un rideau à ma femme dans sa boutique ; ce petit geste témoigne de la sincérité de leur affection », a conclu Kucukyilmaz.
- Les « années perdues »
À propos de la période post-ottomane en Algérie, Kucukyilmaz a qualifié les années 1830 à 1962, durant lesquelles le pays était sous occupation française, d’« années perdues ».
Il a expliqué que les circonstances de l’Empire ottoman avaient empêché la poursuite des liens étroits, et « dès l’indépendance, la Türkiye a été l’un des premiers pays à reconnaître l’Algérie, ouvrant son ambassade à Alger en 1963 ».
Il a souligné que la Türkiye avait apporté un soutien important à la révolution algérienne contre le colonialisme, ajoutant : « Parfois, certains essaient de faire croire que la Türkiye n’a pas soutenu la lutte algérienne, mais la réalité est différente ».
« Selon Alparslan Turkes (homme politique de la Türkiye décédé et fondateur du Parti du mouvement nationaliste), 200 canons et 20 000 fusils ont été envoyés aux moudjahidines algériens via la Libye », a-t-il raconté.
« Le Premier ministre de la Türkiye décédé Adnan Menderes a coordonné cette aide avec le Premier ministre libyen de l’époque », a-t-il ajouté.
- La Palestine au cœur du consensus
Kucukyilmaz a affirmé que les deux pays adoptent des principes proches en politique étrangère, expliquant que la cause palestinienne constitue le point de convergence majeur entre eux.
« Nous sommes d’accord pour ne pas intervenir dans les affaires intérieures des États, pour nous opposer au colonialisme et pour résoudre les problèmes de la région depuis l’intérieur, pas de l’extérieur », a-t-il précisé.
Il a souligné que « l’Algérie est l’un des rares pays à soutenir la cause palestinienne autant que la Türkiye, ayant accueilli la proclamation de l’État de Palestine en 1988 ».
« Aujourd’hui, elle se tient aux côtés de la Türkiye face au génocide en cours à Gaza ».
Avec le soutien américain, Israël commet depuis le 7 octobre 2023 un génocide à Gaza, causant 64 964 morts et 165 312 blessés parmi les Palestiniens, ainsi qu’une famine ayant tué 428 Palestiniens dont 146 enfants.
- Coopération dans les transports et l’éducation
Sur les priorités des relations bilatérales, Kucukyilmaz a indiqué que l’augmentation des échanges entre les deux pays constitue un domaine clé de coopération.
Il a précisé que le nombre de vols hebdomadaires entre la Türkiye et l’Algérie est passé de 35 à 80, et qu’avec le début des opérations des compagnies Pegasus et Ajet, les prix des billets ont considérablement baissé.
Dans le domaine de l’éducation, « 79 étudiants algériens ont obtenu cette année des bourses d’études en Türkiye, en plus de l’envoi par la présidence algérienne de 200 élèves méritants en Türkiye, ces programmes représentant le meilleur investissement dans l’avenir », selon Kucukyilmaz.
Il a indiqué qu’environ 1600 entreprises turques sont actives en Algérie, avec des investissements atteignant 7,7 milliards de dollars, ajoutant que le volume des échanges commerciaux dépasse 6,5 milliards de dollars, avec pour objectif de le porter à 10 milliards.
Il a aussi évoqué le lancement des écoles « Maarif » de la Türkiye et du centre culturel turc Yunus Emre à Alger.
Depuis 2015, l’Agence turque de coopération et de coordination (TIKA) réalise des projets très réussis, avec 26 projets exécutés dans 15 wilayas rien que l’année dernière.
Cette année, de nouvelles sections d’enseignement primaire ouvriront dans une école Maarif, et l’Institut Yunus Emre a déjà commencé ses activités.
La Banque agricole de la Türkiye ouvrira une agence début 2025, et un nouveau consulat général a été inauguré à Oran. La construction d’un nouveau bâtiment pour l’ambassade et le consulat est en cours, selon Kucukyilmaz.
Il a insisté sur le fait que ces efforts institutionnels donnent une grande confiance dans l’avenir aux deux pays et peuples.
« Lorsque ces efforts seront achevés, nos relations ne seront pas seulement plus solides, mais aussi les liens d’amitié entre nos peuples seront fondés sur des bases plus solides.
Nous transmettons en réalité un héritage historique commun de 316 ans vers un avenir plus prospère », a conclu Kucukyilmaz.
*Traduit de l'arabe par Wafae El Baghouani
Seulement une partie des dépêches, que l'Agence Anadolu diffuse à ses abonnés via le Système de Diffusion interne (HAS), est diffusée sur le site de l'AA, de manière résumée. Contactez-nous s'il vous plaît pour vous abonner.