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Algérie: Quand la crise économique rappelle le spectre des "événements d’octobre"

Hatem Kattou  | 05.10.2017 - Mıse À Jour : 05.10.2017
Algérie: Quand la crise économique rappelle le spectre des "événements d’octobre"

Alger

AA / Alger / Karim Kabir

Le paradoxe est saisissant : c’est le jour anniversaire des événements d’octobre 1988 qui ont sonné le glas du parti unique, le Front de libération nationale (FLN), mouvement libérateur, qui s’est accaparé du pouvoir à l’indépendance du pays en 1962, que de nombreuses associations de la Société civile algérienne ont appelé à organiser une manifestation populaire à Bejaia, en basse Kabylie (250 Km Est d’Alger), pour protester contre l’interdiction de l’université d’été que devait organiser la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH) décidée par les autorités locales.

Près de trois décennies après les événements sanglants, appelés communément «évènements d’octobre», qui avaient coûté la vie à 500 jeunes après de violentes manifestations, nées dans le prolongement d’une grave crise économique liée à la chute du pétrole, l’on s’interroge encore en Algérie si les ingrédients à l’origine de ces événements ne sont pas réunis de nouveau.

«Cette commémoration intervient dans un contexte d’incertitude et de lendemains sombres pour le pays livré aux forces du mal et des ténèbres qui s’emploient sans cesse à repousser et à retarder l’émergence d’une Algérie démocratique pour laquelle des enfants, morts en martyrs, ont donné de leur sang pour que cesse la « Hogra » (mépris, ndlr) et l’injustice et pour vivre dans la dignité », commente Abdelouhab Fersaoui, président de l’association "Rassemblement action jeunesse" (RAJ).

Au milieu des années 80, alors que le pays vivait sous le règne d’un parti unique, mais traversé par divers courants idéologiques agissant dans la clandestinité, notamment dans les universités, une grave crise économique le frappe et conduit à un grand soulèvement populaire et à des émeutes d’une rare violence.

Conséquences : le pays s’ouvre au pluralisme, engage des réformes profondes et la démocratie est instaurée. Mais trois ans plus tard, l’arrêt du processus électoral, après la victoire des islamistes au premier tour des élections législatives, plonge le pays dans une grave crise politique et un terrorisme aveugle qui fera deux cents milles morts, plusieurs milliers de disparus et plusieurs milliards de dollars de pertes économiques. *

Au plan économique, le pays passe sous les fourches caudines du Front Monétaire International (FMI). Aidé par une remontée spectaculaire des prix du pétrole, dont la vente constitue la principale ressource, alors que politiquement une Charte pour la paix et la réconciliation est adoptée qui clôt la « guerre civile », l’Algérie retrouve, à partir des années 2000, une certaine prospérité.

Mais la richesse engrangée qui a permis de lancer de nombreux projets, comme la gigantesque autoroute Est-Ouest, allant de la frontière tunisienne à la frontière marocaine sur 1200 Km, la construction de milliers de logements, l’effacement de la dette extérieure estimé alors à près de trente milliards de dollars et d’acheter la paix sociale à travers la distribution de la rente, a aussi encouragé la corruption.

Pire encore, elle n’a pas permis de renforcer la démocratie, ni de mettre en place les instruments pour une économie indépendante des hydrocarbures, encore moins de développer les secteurs comme le tourisme ou l’agriculture.

Politiquement, la révision de la constitution en 2009, qui lève le verrou de la limitation des mandats, achève de consacrer la volonté du pouvoir de Bouteflika de régner sans partage. Les associations et autres partis politiques dénoncent au quotidien des atteintes aux libertés et aux droits.

Et à partir de l’été 2014, et conséquence de la chute des prix des hydrocarbures, le gouvernement est contraint de prendre des mesures dont la réduction des importations, la dévaluation de la monnaie et le gel de certains projets pour faire face à la crise.

«Faute de stratégie de développement et d’un plan de sortie de crise, les pouvoirs publics choisissent la politique de la fuite en avant, à travers l’adoption d’une politique d’austérité contraignant le simple citoyen à payer les errements des décideurs », déplore aujourd’hui Fersaoui dont l’association a appelé à un petit rassemblement à Alger pour décréter les «événements d’octobre », comme «journée de la démocratie ».

«Seule la restitution de la parole au peuple Algérien et la construction d’un État de droit et de justice sociale constituent les vrais leviers pour faire face à la crise», ajoute-t-il.

Si politiquement, il considère que le pays est en démocratie, le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, pour qui les événements d’octobre « ont été provoqués » n’a pas hésité, lors d’un débat récent au parlement, d’assimiler la situation économique du pays à celle ayant précédée…les événements d’octobre.

C’est dire que, par certains égards, tous redoutent une réédition d’un scénario de la crise de la fin des années 80. A la différence qu’aujourd’hui les traumatismes provoqués par le terrorisme ont un effet d’anesthésiant sur la société qui semble sacrifier un peu de ses libertés au profit de sa sécurité.

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