Algérie : Pour parer la crise, le Gouvernement recourt à la «planche à billets»
- Confrontée à une grave crise économique, conséquence de la chute drastique des prix du pétrole d’où elle tire l’essentiel de ses recettes en devises (94 %)

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AA/Alger/Karim Kebir
Confrontée à une grave crise économique, conséquence de la chute drastique des prix du pétrole d’où elle tire l’essentiel de ses recettes en devises (94 %), l’Algérie envisage de recourir dans les prochaines semaines au financement non conventionnel pour résorber son déficit budgétaire estimé à 20 milliards de dollars.
Dans ce contexte, un projet de loi portant amendement de la loi relative à la monnaie et au crédit « pour autoriser la banque d’Algérie à acquérir directement des titres qui seront émis par le trésor » a été déposé au parlement.
Il s’agit, en d’autres termes, de faire tourner la « planche à billets ».
«Le recours au financement par emprunt contracté par le Trésor auprès de la Banque centrale est un impératif et non une option », a déclaré lundi le premier ministre, Ahmed Ouyahia, lors de la présentation du Plan d'action du gouvernement devant les membres du Conseil de la Nation (sénat).
« Le non recours à ce mode de financement empêchera le versement des salaires des fonctionnaires et des indemnités des députés », a-t-il justifié.
«Si ce financement n'est pas appliqué en novembre, cela conduira à un arrêt total de l'économie (…) même les représentants du peuple ne percevront pas leurs indemnités et pas seulement les fonctionnaires », a-t-il encore ajouté.
Il faut dire que le recours à la « planche à billets » constitue « la dernière cartouche » pour le Gouvernement, selon la formule de l’ancien ministre des finances, Abderrahmane Benkhalfa, d’autant que le président algérien refuse à son exécutif de recourir à l’endettement extérieur.
Aussi, le gouvernement a déjà épuisé toutes ses «économies» cumulées durant ces dernières années grâce aux revenus pétroliers.
Non seulement, le fond de régulation des recettes, espèce d’épargne crée durant les années 2000, a été asséché, mais les réserves de change ont également fondu en l’espace de trois ans, passant de près de 200 milliards de dollars à 97 milliards d’ici la fin de l’année en cours.
Pour parer à la crise survenue à partir de 2014, le gouvernement a recouru à toutes sortes d’artifices dont la dépréciation du dinar, de près de 30 %, le gel de plusieurs projets d’investissements et la réduction des importations.
Mais cela semble insuffisant au regard des besoins de l’économie algérienne.
Reste que le recours à la planche à billets ne fait pas l’unanimité.
«La planche à billets ressemble à la création de la fausse monnaie par un faussaire. La planche à billets, c’est de la fausse monnaie. Ce n’est autre que dépenser plus qu’on ne gagne », observe l’ancien chef de Gouvernement, Sid Ahmed Ghozali dans un entretien au journal électronique TSA (tout sur l’Algérie).
« L’endettement interne non-conventionnel va avoir un effet immédiat : la dévaluation du dinar et la chute du pouvoir d’achat des Algériens. Ce mode de financement se fera au détriment des couches vulnérables et des classes moyennes de la population actuelle mais aussi de la population future. En fait, c’est manger le pain de nos enfants », selon lui.
«Le trésor, à défaut de fonds disponibles dans la société, ou chez des créanciers compréhensifs extérieurs, finira par être tenté par cette fausse solution. Mais dans l’état actuel de la répartition des revenus et pouvoirs d’achat dans le pays, cette tentation, qui va encore gonfler les passifs de la Banque d’Algérie, va avoir des répercussions désastreuses aussi bien sur l’économie que les franges les plus vulnérables de la société.
L’émission monétaire sans contrevaleur productive ou en détentions de devises, n’est pas une stratégie, ce sera un aveu d’échec et pas une solution », expliquait, de son côté, récemment, dans les colonnes d’un quotidien spécialisé, l’expert financier, Ferhat Ait Ali.
Mais le gouvernement qui a pu acheter la paix sociale, à travers la distribution de la rente durant les dernières années et qui lui avait permis d’éviter la « contagion » du « printemps arabe », continue à rassurer. Ahmed Ouyahia a promis que les subventions qui permettent à de nombreux ménages d’accéder aux produits de base ne seront pas touchées.
«Ce financement exceptionnel sera limité à une durée maximale de cinq années, et sera accompagné de réformes économiques et financières pour rétablir l'équilibre des finances publiques ainsi que l'équilibre de la balance des paiements », a expliqué aux sénateurs, Ahmed Ouyahia.
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