Économie, Afrique

Algérie : La guerre aux importations crée l’anarchie dans l’économie nationale (économiste)

Lassaad Ben Ahmed  | 12.02.2018 - Mıse À Jour : 12.02.2018
Algérie : La guerre aux importations crée l’anarchie dans l’économie nationale (économiste)

Algeria
AA / Alger / Selma Kasmi

Au creux de la vague, l’Algérie décide en 2016 de limiter ses importations pour encourager une économie nationale dépendante des hydrocarbures.

Après un feuilleton de plus d’un an et demi de mise en place puis de suppression des licences d’importations, la facture des acquisitions algériennes de l’étranger était bien en deçà des objectifs escomptés : à savoir la réduction de 15% de la facture des importations de 2014.


Pour l‘année 2018, Alger annonce une liste d’environ mille produits interdits à l’importation. Cette mesure changera-t-elle la donne ? Et qu’en est-il des répercussions sur l’ensemble de l’économie algérienne ? Lecture de la situation avec l’économiste Smail Lalmas.

L’Algérie, dixième producteur de pétrole de l’Opep avec 1.5mb/j en 2017, était l’un des pays les plus touchés par la dégringolade des prix du brut qui avaient perdu plus de 60% de leur valeur entre le pic de juin 2014 et décembre 2016.

Alger, dont les recettes pétrolières représentent 94,5% de ses exportations (Statistiques décembre 2017), a vu sa balance commerciale passer d’un excédent de 4,306 milliards de dollars en 2014, à un déficit commercial de l’ordre de 17 844 millions de dollars.

Pour se prémunir contre les diktats des spéculations des marchés pétroliers, le pays décide de diversifier ses exportations en encourageant la production nationale hors hydrocarbures.

Comme premières mesures d’accompagnement de cet objectif (dont la non précision a été longuement décriée par les experts), Alger affiche en mars 2015, sa volonté de réduire de 15% le volume ses importations.

Sur l’année 2016-2017, les importations algériennes étaient soumises à deux types de licences.

Le premier concerne les licences d’importations automatiques : (délivrées par le secteur ministériel concerné), et le deuxième relatif aux licences d’importations non automatiques : destinées à réduire la quantité des importations de produits bien spécifiques comme les véhicules, le rond à béton, le ciment, les câbles etc.

Résultat, la facture des importations de l’année 2016, enregistre un recul de 9.62%par rapport à celle de 2015.

Pour l’exercice 2017, ses importations n’étaient qu’en baisse de 1.6% par rapport à 2016.

Bien loin des 15% escomptés, le ministre algérien du Commerce Mohamed Benmerradi, avoue, le 17 décembre dernier, les limites de cette mesure, en annonçant que «les contingentements quantitatifs d’importations ne pourraient être réinstaurés qu’en cas de nécessité».

La suppression de ces licences d’importations est substituée le 18 décembre dernier, par l’annonce de suppression des importations d’environ 1000 produits dès le mois de janvier 2018.

La nature de ces produits interdits est essentiellement composée de produits agro-alimentaires, du papier, du ciment, des détergents, des produits plastiques finis et semi-finis, des produits hygiéniques, du marbre et du granit, des tapis, de la céramique finie, des glaces et verres, des moissonneuses-batteuses, des articles de robinetterie, des fils de câbles, des meubles, des lustres, des articles électroménagers et des téléphones mobiles.

La facture d’importation de ces produits était de l’ordre de 1.5 milliard de dollars en 2017.

- Cette suppression des produits réussira-t-elle à booster une économie interne et rehausser la balance commerciale ?

L’économiste Smail Lalmas est sceptique. Interrogé par Anadolu, Lalmas, également président d’ « Algérie Conseil Export », estime que «Le commerce internationale ne peut être géré de manière administrative et qu’il faudrait laisser libre-cour aux fondements du commerce, c'est-à-dire, l’offre et la demande, ainsi que la concurrence».

Smail Lalmas tire un bilan hautement négatif d’un an et demi de cette expérience.

«Au lieu de protéger la production nationale, nous avons observé l’émergence d’un monopole de certaines entreprises importatrices. Cela a engendré la fermeture de plusieurs entreprises, notamment celles dépendantes des matières premières importées, ainsi que la liquidation d’un certain nombre de postes d’emplois, et la perte d’investissement », a-t-il observé.

Lalmas indique, à ce sujet, la prolifération concomitante de la contrebande étant donné que l’offre ne répondait plus aux besoins du consommateur.

« Ce dernier, s’est heurté à une augmentation brutale des produits sur le marché », a-t-il observé.


Les répercussions très négatives de cette mesures sur la production nationale, les activités connexes et le portefeuille du citoyen n’est pas prêt de s’arranger avec la suppression de l’importation d’environ 1000 produits, selon l’expert.

Le Président d’ »Algérie Conseil Export », prévoit une multiplication des importations informelles.

Une situation qui, selon lui, va «créer une pression sur le marché et encourager une pénurie de produits, chose qui entrainera une augmentation terrible des prix des marchandises.»

-La valeur du dinar et les réserves en devises menacées



Ces importations – illégales- qui ne passeront pas par le canal bancaire «entraineront une pression sur le marché de la devise illégale», signale Lalmas.

«Nous allons observer une différence terrible entre la valeur de la devise dans les banques et celle sur le marché noir. Cette différence va encourager les importateurs officiels à faire de la surfacturation pour pouvoir profiter de cette différence de taux, donc cette pratique illégale de l’importation va impacter négativement nos réserves en devises », s’est-il inquiété.

Et le spécialiste d’ajouter : « Le marché informel se développera, la corruption va toucher l’administration qui va autoriser de façon illégale la pénétration de ces produits via des pots de vins etc ».

A ce sujet, le président d’ACE suggère l’application d’une taxe intérieure à la consommation qui touche les produits finis importés, pour éviter la surfacturation des produits, qui concerne selon les officiels entre 20 et 30% de la facture des importations.

«Au lieu de protéger l’économie nationale, cette guerre aux importations crée l’anarchie dans l’économie nationale», a regretté Lalmas.

- Laboratoires aux frontières pour protéger le consommateur

L’introduction frauduleuse de marchandises pourrait mettre en péril la santé du consommateur, étant donné que cette marchandise n’est soumise à aucun contrôle de qualité.

Lalmas, alerte contre ces produits sans traçabilité et préconise la mise en place de barrières non tarifaires opérant des contrôles sur les qualités de ces produits.

«J’ai proposé aux responsables la création d’une instance qui prendrait en charge le contrôle des articles importés, en matière de qualité, d’hygiène et de sécurité. Cette instance pourrait être un commissariat d’état pour le contrôle des produits », a-t-il révélé.


Cette mesure doit s’accompagner, selon lui, par l’installation de laboratoires de contrôle au niveau des postes de frontières terrestres et maritimes, lesquels doivent être accrédités par des organismes internationaux pour éviter à l’Algérie tout préjudice juridique.

«Ces laboratoires des frontières qui seront dédiés au contrôle de la qualité, de l’hygiène et de la sécurité des produits importés, doivent avoir une accréditation de la part des organismes internationaux », a-t-il suggéré. Seulement une partie des dépêches, que l'Agence Anadolu diffuse à ses abonnés via le Système de Diffusion interne (HAS), est diffusée sur le site de l'AA, de manière résumée. Contactez-nous s'il vous plaît pour vous abonner.
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