Algérie : Célébration du 3e anniversaire du « Hirak » sur fond d’interrogations sur l'avenir du changement
- Inattendue, la révolte populaire, qui a commencé un certain 22 février 2019, a surpris tout le monde et plus particulièrement les dirigeants du pays à l’époque, qui ne s’attendaient pas à une telle mobilisation à travers tout le pays.

Algeria
AA/Alger/Aksil Ouali
Les Algériens célèbrent, ce mardi 22 février 2022, le 3e anniversaire du mouvement populaire « Hirak », ayant poussé à la porte de sortie l’ancien Président Abdelaziz Bouteflika qui s'apprêtait alors à briguer un 5ème mandat à la tête de l’Etat. Inattendue, la révolte populaire, qui a commencé un certain 22 février 2019, a surpris tout le monde et plus particulièrement les dirigeants du pays à l’époque, qui ne s’attendaient pas à une telle mobilisation à travers tout le pays.
Lancés quelques jours auparavant sur les réseaux sociaux, les mots d’ordre de ce qui a été, ensuite, appelé « Hirak » du 22 février, ont trouvé échos dans les quatre coins du pays. Toutes les catégories sociales ont rejoint le mouvement pour donner suite à d’impressionnantes marches qui ont ébranlé le régime Bouteflika. Absent déjà de la scène depuis des années en raison de son impotence, l’ex-chef de l’Etat a été défendu, dans un premier temps, par ses soutiens, avant de reculer sur l’option du 5ème mandat en proposant une période de transition d’une année.
Forte à l’époque, la rue a décliné « l’offre » en exigeant le départ de tout le monde au nom du slogan : "Yetnahaw Gâa (Ils vont tous partir)". Les manifestants réclamaient alors un "changement radical du système de gouvernance".
Faisant le dos rond dans l’espoir de voir une baisse en intensité de la mobilisation populaire, Abdelaziz Bouteflika a été contraint d’annuler la présidentielle prévue pour le 18 avril 2019 et de démissionner, quelques semaines plus tard. Un premier acquis pour ce mouvement qui en demandait encore plus. Mais peine perdue. Trois ans après que reste-t-il du Hirak ? A-t-il réalisé ses objectifs ? Le changement demandé s’est-il concrétisé ?
En décembre 2019, soit près d’une année après le début de ce mouvement, une élection présidentielle a été organisée, sans drainer des foules d’électeurs. Un nouveau président, en l’occurrence, Abdelmadjid Tebboune, a été élu au premier tour en devançant largement ses concurrents. Mais la mobilisation de la rue est restée intacte, des mois durant, malgré, comme le souligne la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (LADDH) dans une déclaration signée avec d'autres ONG nationales et étrangères, « la répression systématique qui a ciblé les activistes » et le « verrouillage des champs médiatique et politique ».
- Pandémie, suspension des marches et arrestations
Pourtant, les responsables du nouveau pouvoir avaient salué, dès les premières semaines du Hirak, "les bienfaits de ce mouvement qui a sauvé le pays d’une véritable catastrophe". Il est même inscrit dans le préambule de la nouvelle constitution, adoptée en novembre 2020, sous le titre de "Hirak béni". Mais pendant ce temps, l’étau a commencé à se resserrer sur le mouvement, qui a été contraint de suspendre ses marches en raison de la pandémie de Covid-19 qui s’est propagée dans le pays, dès le début du mois de mars 2020.
Profitant de cette « trêve sanitaire », le pouvoir a multiplié des arrestations d’activistes et de militants, considérés comme les plus influents du mouvement. Cette stratégie se poursuit toujours, avec l’emprisonnement, selon le Comité national pour la libération des détenus d'opinion (CNLD), de plus de 300 personnes accusées « d’incitation à attroupement non-armé » et « d’atteinte à l’unité nationale ». Parmi ces détenus, il y a des hommes politiques, des avocats et des journalistes.
« Cette politique vise à enterrer définitivement le Hirak. Mais elle est contreproductive. Les élites politiques et militaires ont fait perdre au pays une opportunité historique d’aller vers une transition politique en douce, si elles avaient décidé de construire sur les valeurs du Hirak », souligne le sociologue Nacer Djabi, dans une contribution publiée, dimanche 21 février, par le quotidien londonien Alquds Al-Arabi.
Ce n’est pas l’avis du pouvoir algérien qui pense que le Hirak « a été dévié de sa trajectoire ». Pour le Président Tebboune, dans une déclaration faite dimanche à partir du Qatar où il était en visite d’Etat, « la démocratie responsable est un objectif à atteindre pour l’Algérie, mais il faut faire la différence entre la liberté d’expression et l’invective ». Cet argument est rejeté par les partis et des acteurs de l’opposition qui "appellent au respect de la volonté populaire et à l’arrêt de la répression".
« La voie d’une solution à la crise politique du pays existe toujours. Elle passe par la soumission du pouvoir de fait actuel à la volonté du peuple algérien et à ses exigences démocratiques et sociales et ce par la promulgation, dès maintenant, de mesures politiques qui pourraient constituer un prélude à l’ouverture d’un débat national démocratique et sans exclusion permettant la participation de tous les courants politiques et l’expression de toutes les opinions citoyennes du peuple algérien », estiment les forces du Pacte pour l’alternative démocratique (PAD), une coalition de plusieurs partis de la mouvance démocratique, dans un communiqué rendu public à la veille de la commémoration de ce 3e anniversaire du Hirak.
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