Chad
AA / N'Djamena / Mahamat Ramadane
L’aide publique au développement (APD) à destination de l’Afrique est-elle vraiment efficace ? Les experts africains en doutent, estimant que les fonds ne bénéficient pas toujours aux plus démunis.
- APD, état des lieux
Selon des données publiées le 11 avril 2018 par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l’aide publique bilatérale versée par les pays membres du Comité d’aide au développement (CAD) au Continent s’est élevée à 27 milliards de dollars en 2016, dont un montant de 24 milliards de dollars a été affecté à l’Afrique subsaharienne.
En termes de pourcentage cela signifie une baisse réelle de 0,5 % s’agissant de l’Afrique dans son ensemble et de 0,7 % dans le cas de l’Afrique subsaharienne, selon les mêmes données.
D’après Hamit Kérima, chercheur au Centre national d'appui à la recherche du Tchad, l’Afrique subsaharienne aurait bénéficié, auprès des pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), de plus de six cents milliards de dollars d’aide depuis les premières de l'indépendance de ces pays.
Plus d’un demi-siècle après, la plupart des pays subsahariens restent toujours dépendants de ces fonds destinés à soutenir les pays surendettés dont les économies sont les plus faibles au monde.
Un bilan qui a remis en cause l’efficacité de cette aide publique au développement à équilibrer la croissance socioéconomique des pays bénéficiaires.
Certains experts du continent ont souvent critiqué la gestion de ces fonds qui, selon eux, ne sont pas vraiment utilisés pour soutenir le développement socioéconomique des pays bénéficiaires mais profitent, plutôt, à maintenir les agents des institutions internationales et des organisations non gouvernementales.
L’économiste zambienne Dambisa Moyo, dans son ouvrage «L’Aide fatale : les ravages de l’aide inutile et de nouvelles solutions pour l’Afrique», souligne d'ailleurs que l’aide publique au développement est un business qui fait vivre des milliers de fonctionnaires internationaux et des consultants étrangers.
Pour elle, l’assistance financière continue d'être pour une grande partie des pays africains en développement un total désastre sur le plan économique, politique et humanitaire.
Entre 1970 et 1988, quand le flux de l'aide à l'Afrique était à son maximum, le taux de pauvreté des populations s'est accru de façon stupéfiante : il est passé de 11% à 66%.
«Adressée directement aux gouvernements, l'aide est facile à subtiliser. Ainsi, elle encourage la corruption à grande échelle et fragilise le pouvoir, objet des plus vives convoitises. Plus grave encore, l'aide sape l'épargne, les investissements locaux, la mise en place d'un vrai système bancaire et l'esprit d'entreprise», souligne-t-elle dans son ouvrage.
Depuis plusieurs décennies, l’aide publique au développement est octroyée régulièrement à l’Afrique subsaharienne, sans pour autant produire le résultat attendu, notamment celui de sortir les pays bénéficiaires de la pauvreté, souligne à Anadolu l’économiste tchadien Issa Abdelmamout .
Il estime que l’aide publique au développement ne permet pas vraiment de financer des grands projets de résiliences au profit des populations vulnérables, mais au contraire, elle sert, pour la grande partie, à financer des œuvres humanitaires, qui finissent par rendre dépendants les pays pauvres bénéficiaire de ces fonds.
«Malgré l’échec flagrant de cette aide publique au développement, les pays de l’OCDE et l’ONU continuent d’octroyer ces fonds aux pays africains sans aucune exigence de résultat. On se demandait si ce fond n’est pas une prime au mauvais élève ?», s'est-il exclamé.
Pire encore, estime l’économiste centrafricain, Kérim Mahamat Adamou, interrogé par Anadolu, l’aide publique au développement sert des agendas cachés.
Elle permet d'influencer les pouvoirs publics des pays bénéficiaires. Il estime que les pays donateurs utilisent ces fonds, en cas de besoin, comme moyen de pression pour faire plier les dirigeants africains, déjà habitués à cette aide financière, afin de préserver leurs intérêts économiques.
Pour le ministre tchadien de la Planification du développement, Issa Doubragne, l’aide publique au développement, a fait ses preuves et a aussi montré ses limites dans certains pays d’Afrique subsaharienne.
Par ailleurs, il estime que l’échec de ce programme dans certaines régions du Continent ne doit pas être imputé aux pays donateurs.
Pour le ministre, l’aide publique au développement, n’est pas, en soi, un mauvais programme mais comme tout argent facile, sa gestion, n’est pas optimale parfois et a suscité beaucoup de critiques.
« Au Tchad, l’aide publique au développement a joué un grand rôle dans les secteurs de la santé, de l’éducation et de l’action sociale. Entre 1996 et 2003, elle a permis aux autorités tchadiennes de rehausser de 11% la couverture sanitaire du pays et à augmenter de 8% les infrastructures scolaires».
L'usage est, donc, aussi important que l'allocation.