Accord de paix entre la République démocratique du Congo et le Rwanda : Que faut-il en retenir ?
- Il s'agit de l'un des accords les plus complets jamais signés entre les deux pays, combinant désescalade militaire, protection humanitaire et réforme économique régionale

Istanbul
AA / Istanbul / Mevlut Ozkan
L'accord signé vendredi à Washington par les dirigeants de la République démocratique du Congo et du Rwanda, sous l'égide des États-Unis, marque une étape timide vers l'apaisement des tensions dans une région secouée par de nouvelles attaques des rebelles du M23. Cette escalade a fait de l'est de la RDC l'une des pires situations d'urgence humanitaire en Afrique depuis des années.
Il reflète la pression internationale croissante en faveur d'une résolution non militaire de la crise et pourrait marquer le début de la fin de l'un des conflits régionaux les plus persistants du continent africain.
Il s'agit de l'un des accords les plus complets jamais signés entre les deux pays, combinant désescalade militaire, protection humanitaire et réforme économique régionale. Même si des obstacles subsistent, il s'agit d'une initiative sérieuse visant à remédier aux causes profondes de la violence et à construire une région des Grands Lacs plus stable et plus prospère.
- Pourquoi et comment cet accord a-t-il été conclu ?
Depuis décembre 2024, le groupe rebelle M23, l'un des nombreux groupes opérant dans l'est de la République démocratique du Congo, a pris le contrôle des capitales provinciales de Goma et Bukavu, aggravant les troubles dans une région en proie aux conflits armés et aux différends miniers. Le groupe affirme toutefois qu'il protège la minorité tutsie.
Le conflit perturbe l'acheminement de la nourriture, des médicaments et d'autres produits humanitaires dans les zones touchées par le conflit. De nombreux endroits restent inaccessibles en raison du manque de sécurité, privant les personnes déplacées des produits de première nécessité.
Depuis des années, la RDC accuse le Rwanda de soutenir les rebelles du M23, ce que Kigali a toujours nié.
De même, le Rwanda accuse l'armée congolaise de s'allier aux Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe armé accusé d'être responsable du génocide de 1994.
En mars, lors de pourparlers surprise à Doha, sous la médiation de l'émir du Qatar, le président congolais Félix Tshisekedi et son homologue rwandais Paul Kagame ont appelé à un cessez-le-feu.
En avril, la ministre congolaise des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, et son homologue rwandais, Olivier Nduhungirehe, ont signé une déclaration à Washington, sous l'égide des États-Unis. Le secrétaire d'État américain, Marco Rubio, a assisté à la rencontre.
Les deux parties se sont engagées à respecter la souveraineté de l'autre et à rédiger un accord de paix pour mettre fin aux hostilités dans l'est de la République démocratique du Congo.
La semaine dernière, à Washington, des équipes techniques des deux pays ont paraphé un projet d'accord en présence de la sous-secrétaire américaine aux affaires politiques, Allison Hooker, avant la signature officielle ministérielle de vendredi, à laquelle a assisté Marco Rubio.
"Nous vous sommes reconnaissants d'avoir réunis les deux parties, et c'est un élément déterminant. C'est un moment important après 30 ans de guerre", a déclaré le secrétaire d'État américain lors de la cérémonie de signature.
De son côté, le ministre rwandais des Affaires étrangères a déclaré qu'un "tournant avait été pris" avec cet accord.
La ministre congolaise des Affaires étrangères a quant à elle déclaré qu'il s'agissait d'un "point de départ et non d'un objectif final", promettant que Kinshasa "luttera certainement et résolument pour que cet accord soit respecté".
Le président américain Donald Trump a signé des lettres adressées à ses homologues rwandais et congolais, dans lesquelles il les félicite d'avoir réglé le conflit et les invite à Washington.
Le processus de Luanda, une initiative diplomatique régionale, a jeté les bases de cet accord en produisant un "plan harmonisé" visant à démobiliser les combattants rebelles et à réduire les tensions. Le nouvel accord s'appuie directement sur cette feuille de route et sur la déclaration de principes de Washington du 25 avril.
- En quoi l'accord vise-t-il à résoudre le conflit ?
La République démontre du Congo et le Rwanda se sont engagés à respecter l'intégrité territoriale de l'autre pays et à mettre fin à toutes les actions hostiles, qu'il s'agisse d'opérations militaires transfrontalières ou de soutien à des groupes armés. La RDC s'est engagée à neutraliser les FDLR et le Rwanda s'est engagé à retirer ses troupes et à démanteler ses défenses frontalières dans un délai de trois mois.
L'accord interdit également aux deux parties de soutenir des groupes rebelles tels que le M23 et les oblige à soutenir les efforts de désarmement, de démobilisation et de contrôle des combattants avant toute réintégration dans la vie civile ou dans les forces de l'État.
Il prévoit également la création d'un mécanisme conjoint de coordination de la sécurité dans un délai de 30 jours, réunissant des responsables militaires et des services de renseignement des deux pays, afin de suivre les groupes armés, de partager des renseignements et de veiller au respect de l'accord. Les États-Unis et le Qatar agiront en tant qu'observateurs.
Le conflit a provoqué le déplacement de millions de personnes. L'accord comprend des dispositions relatives au retour en toute sécurité des réfugiés et des personnes déplacées à l'intérieur du pays, ainsi que des garanties en matière d'accès humanitaire. Les deux gouvernements se sont engagés à travailler avec les Nations unies et les agences d'aide pour soutenir les communautés touchées.
Les parties ont accepté de coopérer avec la Mission de maintien de la paix des Nations unies au Congo (Monusco), en reconnaissant son rôle dans la protection des civils. L'accord a également créé un comité de surveillance conjoint, auquel participent les États-Unis, l'Union africaine et le Qatar, afin de contrôler la mise en œuvre de l'accord et d'assurer la médiation en cas de litige.
Au-delà de la sécurité, l'accord établit un programme tourné vers l'avenir. Dans les trois mois à venir, la RDC et le Rwanda lanceront un cadre d'intégration économique régionale visant à stimuler le commerce transfrontalier, à formaliser les chaînes d'approvisionnement en minerais et à développer des projets économiques communs. Cette initiative devrait impliquer des investisseurs américains ainsi que des organisations régionales africaines telles que la Zone de libre-échange continentale africaine, la Communauté de l'Afrique de l'Est, le Marché commun de l'Afrique orientale et australe et la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs.
La paix dans cette région a été difficile à instaurer, les accords précédents ayant été entravés par la méfiance et la persistance des conflits armés. La mise en œuvre de cet accord dépend de tâches complexes et politiquement sensibles. Les résultats dépendent largement de l'engagement des deux pays et de leurs partenaires régionaux et internationaux.
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