Türkİye, Afrique

Abdoulaye Dieye: Le Sahel fait face à une crise sécuritaire mais reste "une zone d’opportunité et d’espoir"

- Abdoulaye Mar Dieye, Coordonnateur spécial du Secrétaire général de l’ONU pour le développement au Sahel, rappelle que cette crise ne reflète qu’"un aspect" de la réalité de la région.

Mevlüt Özkan  | 30.07.2025 - Mıse À Jour : 30.07.2025
Abdoulaye Dieye: Le Sahel fait face à une crise sécuritaire mais reste "une zone d’opportunité et d’espoir"

Istanbul

AA / Istanbul / Mevlut Ozkan - Fatma Esma Arslan Ozdel


Alors que les violences et l’instabilité s’intensifient dans le Sahel, la région reste engluée dans une crise sécuritaire complexe qui menace des millions de personnes, tout en masquant des défis sociaux et économiques plus profonds.

Les troubles qui secouent le Sahel trouvent leurs origines dans un mélange de tensions ethniques, de gouvernance défaillante et de la prolifération des groupes extrémistes.

Abdoulaye Mar Dieye, Coordonnateur spécial du Secrétaire général de l’ONU pour le développement au Sahel, rappelle que cette crise ne reflète qu’"un aspect" de la réalité de la région.

« Le Sahel est plus profond et plus vaste que le simple prisme de la crise. C’est aussi une zone d’opportunités et d’espoir », a-t-il déclaré à Anadolu, depuis Dakar.

Sans nier l’ampleur des difficultés, Dieye souligne que la crise sahélienne est trop souvent réduite à l’insécurité au nord du Mali, alors qu’elle trouve ses racines dans la destruction de la Libye, point de départ de la propagation des groupes terroristes dans la région.

Depuis 2012, le Mali est en proie à une crise sécuritaire durable, alimentée par des groupes séparatistes armés et des réseaux terroristes, particulièrement actifs dans le nord et le centre du pays.

« Le monde a une dette immense envers les pays sahéliens, et cette dette n’a toujours pas été payée », insiste Dieye.


- Une crise “purement économique”

Selon lui, la persistance de l’instabilité s’explique en grande partie par l’absence de développement : les zones frontalières délaissées par l’État et frappées par la pauvreté deviennent des terrains fertiles pour les groupes terroristes.

Ayant interrogé d’anciens combattants djihadistes, Dieye affirme que la plupart d’entre eux n’avaient qu’une connaissance très limitée du Coran, ce qui remet en cause le discours idéologique souvent avancé.

« Ils n’avaient pas de travail, et les terroristes leur donnaient un peu d’argent. Alors ils les ont suivis. Ce que l’on voit aujourd’hui dans le terrorisme, ce n’est pas l’idéologie, c’est purement économique. »

Le haut responsable onusien réfute l’idée que l’Afrique, et le Sahel en particulier, seraient des régions pauvres. Il cite l’exemple du Mali, riche en ressources naturelles, en particulier en or.

En 2024, selon le World Gold Council, le Mali était le deuxième producteur d’or d’Afrique et le onzième au niveau mondial. Un potentiel dont l’exploitation optimale pourrait doubler le PIB du pays, estime Dieye, sans compter le coton et d’autres minerais.

« Ces pays ne sont pas pauvres. C’est la gestion des ressources qui a été désastreuse. C’est cela qu’il faut corriger. »


- Dieye : « Le terrorisme n’a pas de frontières »

Le risque sécuritaire au Sahel ne se limite pas à un seul pays, avertit Abdoulaye Mar Dieye. « Le terrorisme n’a pas de frontières », insiste-t-il, évoquant son expansion du nord du Bénin et du Togo jusqu’à Grand-Bassam en Côte d’Ivoire.

Il salue les efforts du Sénégal, qui a renforcé ses défenses militaires à la frontière malienne tout en reconnaissant que la lutte contre le terrorisme dépasse l’action militaire. Dakar a investi massivement dans le développement humain et la modernisation des zones frontalières.

Les Nations unies, précise-t-il, soutiennent des projets transfrontaliers regroupant la Mauritanie, le Sénégal et le Mali, ainsi que le Sénégal, la Guinée-Bissau et la Guinée, afin de renforcer les communautés frontalières, souvent vulnérables à l'influence terroriste.

« Quand il y a deux frontières, c’est encore gérable. Mais à trois frontières, ça devient problématique », explique-t-il. « Ce sont là les foyers où le terrorisme prend racine et se développe. »

Dieye souligne aussi l’importance de l’ancrage spirituel au Sénégal. La présence des deux grandes confréries soufies, la Tijaniyya et le Mouridisme, qui prônent la piété et rejettent la violence, joue selon lui un rôle clé dans la stabilité du pays.

« C’est un capital fort pour le Sénégal, pas seulement pour la lutte contre le terrorisme, mais aussi pour la stabilité sociale », estime-t-il.


- Le rôle de la Türkiye dans le développement du Sahel

Selon Dieye, la diplomatie douce est un levier d’engagement efficace, notamment dans une région riche en industries extractives, car elle favorise l’acceptation locale.

Il annonce son intention de visiter un institut technologique en Türkiye, afin d’explorer les possibilités de coopération dans la formation des jeunes sahéliens aux technologies de pointe, notamment dans les secteurs industriel et minier.

« Il y a là une niche immense où la Türkiye peut investir. Elle est reconnue pour son développement technologique, c’est un pays très avancé dans ce domaine, et cela ouvre un champ prometteur. »

La diplomatie douce d’Ankara lui a permis de s’ancrer solidement dans le Sahel, affirme Dieye. Les Nations unies encouragent ce partenariat "gagnant-gagnant", qui pourrait faire de la Türkiye un acteur de premier plan du développement et du commerce dans la région.

« Le système des Nations unies, qui accorde aussi beaucoup de valeur au partenariat avec la Türkiye, est prêt à se rendre disponible à la fois pour la Türkiye et pour les pays sahéliens afin de favoriser le développement économique, social et la stabilité politique dans la région », conclut-il.


* Traduit de l'anglais par Sanaa Amir


Seulement une partie des dépêches, que l'Agence Anadolu diffuse à ses abonnés via le Système de Diffusion interne (HAS), est diffusée sur le site de l'AA, de manière résumée. Contactez-nous s'il vous plaît pour vous abonner.