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le Président burkinabé: "Nous sommes condamnés à mutualiser nos efforts" pour lutter contre le terrorisme (Entretien exclusif)

Roch Marc Christian Kaboré plaide pour une action régionale commune et un échange d'informations permanent pour contrer l'hydre terroriste qui ronge le Burkina Faso, le Mali et la Côte d'Ivoire

Mohamed Hedi Abdellaoui  | 02.06.2016 - Mıse À Jour : 03.06.2016
 le Président burkinabé: "Nous sommes condamnés à mutualiser nos efforts" pour lutter contre le terrorisme (Entretien exclusif)

Burkina Faso

AA/ Ougadougou/ Olympia de Maismont

Les pays en ligne de mire du terrorisme, particulièrement au Sahel, sont "condamnés" à mutualiser leurs efforts pour lutter contre ce fléau, a fait savoir le Président burkinabè, Marc Roch Christian Kaboré, dans une interview exclusive accordée à Anadolu.

Frontalier avec un Mali en proie aux attentats d'al-Qaïda, et d'un Niger miné par le groupe Boko Haram, le Burkina essuie régulièrement des attaques imputées à des groupes terroristes. La dernière en date est celle ayant ciblé, dans la nuit de mardi à mercredi, un commissariat à Intangom, aux frontières du Mali.

Kaboré revient également sur les réformes institutionnelles envisagées pendant son quinquennat, démarré il y a 5 mois. Son élection faisait suite à plus d'un an de transition politique que le pays a connue après une insurrection populaire, en octobre 2014. Les Burkinabé contestaient alors un troisième mandat "anticonstitutionnel" que voulait briguer le Président Blaise Compaoré, moyennant une révision de la Charte fondamentale.

Dans cette interview écrite accordée à Anadolu, le Président Kaboré, premier civil à accéder démocratiquement au pouvoir depuis l’indépendance du pays en 1960 parle, ferme et résolument tourné vers l’avenir, de lutte contre le terrorisme, de la préservation d’une démocratie naissante, de l'apurement du passif judiciaire et de l'intégration régionale.

Interview:


AA : La lutte contre le terrorisme qui ronge principalement le Burkina Faso et d’autres pays du Sahel est une question brûlante. Qu’auriez-vous prévu à votre niveau pour contrer l’hydre terroriste, surtout après l’attaque de Ouagadougou et celle de mardi dans le Nord ?

RMCK : Tous les pays du Sahel et hors du Sahel font désormais face au terrorisme, de façon permanente. Rappelez-vous les récentes attaques à Bamako, Ouagadougou et Grand Bassam [Côte d’Ivoire]. Face à cette situation nous sommes condamnés à mutualiser nos efforts dans la lutte contre ce fléau. Et cela passe nécessairement par des échanges d’informations entre nos pays. Dans cette dynamique, les ministres en charge de la sécurité du Sénégal, du Mali, du Burkina et de la Côte d’Ivoire viennent de tenir une rencontre à Abidjan et sont parvenus entre autres à la nécessité d’échanger des informations sur le plan de la sécurité en ce qui concerne nos Etats.

Depuis février 2016, les forces armées nationales participent aux côtés de leurs homologues maliens avec l’appui de la force française « Barkhane » à une opération dénommée « Gabi », à quelques kilomètres de la frontière malienne, au Nord du Burkina.

Cette opération [menée par près de 1200 soldats burkinabè et maliens qui patrouillent de part et d’autre de la frontière séparant leurs deux pays sur environ 200 km, ndlr] vise à neutraliser les groupes armés terroristes qui existent dans cette zone. Selon les spécialistes de l’armée, il s’agit d’actions de reconnaissance aériennes et terrestres, de patrouilles, de bouclages et de fouilles des zones suspectes. L’on ne peut pas dévoiler toutes les stratégies menées, mais la mise en commun des efforts pour venir à bout du terrorisme s’impose aux Etats.

AA : Volet réformes politiques, le passage à une cinquième République et l’élaboration d’une Constitution qui répond aux aspirations du peuple burkinabé à la démocratie demeurent toujours le principal objectif du premier trimestre ?

RMCK : Nous nous sommes engagés à l’écriture et à l’adoption d’une nouvelle Constitution consacrant l’avènement de la cinquième République de manière participative et inclusive avec toutes les composantes de la Nation, à travers un processus qui sera mis en place dans les jours qui suivent.

La nouvelle Constitution aura comme particularités majeures: la réduction des pouvoirs du président du Faso, le verrouillage de la limitation du nombre de mandats présidentiels à deux quinquennats, la consécration des principes du dialogue, de la paix et de la stabilité inspirés des réflexions et propositions du collège des sages institué en 1998, la suppression du Sénat et le retour au monocaméralisme, la valorisation de la fonction législative du parlement et le renforcement de son rôle de contrôle de l’action gouvernementale, la rationalisation des institutions du Faso.

En outre, les actions pour la réforme du territoire viseront l’approfondissement du processus de déconcentration et de décentralisation.

AA : De nombreux dossiers sont encore dans les tiroirs de la justice, dont ceux du journaliste Norbert Zongo, de l'ancien président Thomas Sankara, ceux de l’insurrection populaire de 2014 et du coup d’Etat de septembre dernier. Quels mécanismes pour faire avancer les choses et redonner confiance aux Burkinabè ?

RMCK : Après la signature du Pacte pour le renouveau de la justice [mars 2015, ndlr], notre pays s’est engagé vers une véritable séparation des pouvoirs pour rendre notre justice indépendante. Dans le cadre de l’affaire Thomas Sankara, des personnes mises en cause ont déjà été inculpées et des mandats d’arrêt internationaux ont été lancés contre des personnes présumées impliquées. La procédure judiciaire suit son cours. Il en est de même pour d’autres dossiers, dont ceux relatifs aux événements des 30 et 31 octobre 2014 [date de renversement du régime de Blaise Compaoré, ndlr], au putsch manqué du 16 septembre 2015, etc.

AA : L'autre chantier qui vous attend, de l’avis de certains observateurs, concerne la relance économique du pays, pour ainsi redonner confiance aux investisseurs. Qu’avez-vous prévu comme feuille de route, pour atteindre cet objectif ?

RMCK : Sans paix et sans stabilité, il est difficile de parler de relance économique. Nous nous attelons à la sécurisation, en vue d’assurer la stabilité du pays, afin que l’activité économique puisse tourner à plein régime. Avec le retour progressif de la stabilité, après ce que le Burkina a traversé, il n’y a pas de doute que l’activité économique va reprendre. En fin février, le Forum Africallia a regroupé à Ouagadougou, des hommes d’affaires venus des quatre coins du monde. Cette rencontre a connu un succès parce que ces hommes d’affaires ont pris l’engagement d’investir au Burkina, afin de contribuer à la relance économique.

AA : A l’échelle continentale, qui dit intégration régionale, dit projet panafricain qui trébuche encore malgré les efforts fournis dans ce sens. Quels sont les obstacles qui demeurent, aujourd'hui, et quelles en seraient les issues?

RMCK : Les chefs d’Etat de la CEDEAO [Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest, ndlr] ont toujours œuvré pour que l’intégration sous-régionale soit une réalité. Dans ce sens, l’on peut citer la mise en vigueur du Tarif extérieur commun (TEC) [Tarif douanier appliqué par les pays membres d'une union douanière vis-à-vis des pays non membres, ndlr], le 1er janvier 2015. Il y a aussi le processus de création du marché commun.

Ce, pour accroître le volume du commerce intracommunautaire. Pour l’effectivité de la libre circulation des personnes et des biens, la carte biométrique unique soumise aux chefs d’Etat a été adoptée à la dernière conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO en décembre 2015 à Abuja. La mise en commun des efforts pour poursuivre la création d’emplois, surtout au profit des jeunes, notamment par des investissements publics et privés dans tous les domaines a également été prise en compte.

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