Afrique Subsaharienne: la maîtrise des chocs économiques externes permettra à la croissance de rebondir en 2016 (Analyse)
Le ralentissement économique en Chine,la baisse des prix des matières premières, et la hausse des taux d’intérêt américains ont impacté l'économie africaine en 2015.

Tunisia
AA/Tunis/Esma Ben Said
L’Afrique subsaharienne doit faire face à un challenge de taille en cette année 2016: la maitrise de ses chocs économiques externes qui l’ont fragilisé durant 2015, seule solution pour retrouver une trajectoire de croissance ascendante, s’accordent à dire les experts du continent africain.
D'après le Fonds Monétaire International (FMI) l'Afrique subsaharienne devrait connaitre une croissance économique de 4.25 % en 2016, soit un léger rebond comparé aux 3.75 % enregistrés en 2015 (plus faible taux de croissance économique alors enregistré sur le continent depuis la crise financière mondiale de 1998, ndlr), selon des données publiées le 6 octobre 2015 sur le site de l'instance internationale.
La projection du FMI pour 2016 reste cependant sujette à une maitrise des chocs économiques externes qui ont secoué le continent en 2015 (pour comparaison, le continent affichait 5 % de croissance en 2014), estiment les experts.
Les économies africaines ont en effet été impactées tout au long de 2015 par trois risques externes majeurs, à savoir, le «ralentissement économique en Chine, la baisse des prix des matières premières, et la hausse des taux d’intérêt américains», répertorie Africa Growth Initiative, dans la dernière édition du rapport Foresight Africa, (publié le 8 janvier) qui analyse annuellement les politiques prioritaires du continent africain.
Le ralentissement à 6.9% de la croissance économique du géant asiatique au troisième trimestre 2015 (chiffres officiels chinois), a en effet provoqué une baisse des investissements chinois sur le continent noir de 40 % (soit 1.2 milliards de dollars) durant les six premiers mois de 2015 (une première depuis 2009), détaille pour Anadolu Siré Sy, dirigeant d’Africa WorldWide Group, cabinet conseil en géostratégie, basé à Dakar
Ce ralentissement a également entraîné une baisse drastique de la demande chinoise en matières premières de l'Afrique, et une baisse de 43 % de ses importations lors de la même période, comparé au premier semestre 2014, précise le géoéconome.
En 2015, l’Afrique subsaharienne a également pâti de la baisse du prix des matières premières, du ralentissement de l’économie de ses principaux partenaires commerciaux, et des conséquences économiques désastreuses de l’épidémie Ebola (-20 % de croissance en Sierra Leone).
Un effondrement qui avait conduit le FMI à réviser à la baisse ses prévisions de croissance dès le mois d’avril 2015.
Les pays africains exportateurs de pétrole, à savoir le Nigéria, l’Angola, la Guinée Equatoriale, le Tchad, le Gabon ou encore le Congo Brazzaville, avaient été directement affectés par la chute des cours du brut, selon le Fonds monétaire.
Cependant, à la faveur de la stabilisation des prix des matières premières et d’une amélioration de la fourniture d’électricité dans beaucoup de pays, la croissance devrait rapidement rebondir pour la nouvelle année, révèle un rapport de la Banque mondiale « Perspectives économiques mondiales», publié le 6 janvier.
En troisième lieu, la hausse des intérêts américains ont aussi eu un retentissement sur le continent. Même si cette hausse – la première en près d’une décennie- , n’a été officialisée que le 16 décembre 2015, par la Réserve fédérale, la décision avait été anticipée depuis plusieurs mois et s’était lourdement reflétée sur les marchés déjà depuis le mois d’octobre créant une forte volatilité, souligne le cabinet de conseil dans le domaine du trading « Trad’Afrique », dans un article publié le 17 décembre.
Les taux d’intérêts mis à 0,25 % avec un objectif de 1,5% à la fin de l'année 2016 et de presque 3% d'ici deux ans, (la hausse dépendra toutefois du niveau de l'emploi et de l'inflation aux Etats-Unis) font de nombreux pays africains les grandes victimes de cette nouvelle politique monétaire des USA, prévient Louise Van Cauwenbergh, spécialiste de la région Afrique du Groupe Credendo, l’assureur-crédit public belge.
« En raison des taux de rendements extrêmement faibles, les investisseurs se sont mis en quête d’un rendement ailleurs. Le Nigéria, le Sénégal et le Ghana, notamment, en ont profité pour émettre une grande partie de leur dette en devises fortes. Ils pouvaient ainsi payer un taux moins élevé que s’ils s’étaient intégralement financés sur leur marché intérieur », expose la spécialiste dans une analyse publiée sur le site du Groupe.
Mais ces pays risquent aujourd’hui, de s’en mordre les doigts, puisque, «pour les pays avec un taux de change flottant, la hausse du dollar augmentera le coût du remboursement des dettes. Les pays avec une parité fixe défendent la valeur de leur monnaie en puisant dans leurs réserves de devises. Cela aussi peut avoir de lourdes conséquences », analyse-t-elle.
L’Angola, par exemple, « a déjà introduit des contrôles de change qui privent les importateurs locaux de devises pour payer leurs fournisseurs. Pourtant, il y a de fortes chances que le pays soit finalement contraint de dévaluer sa monnaie, le kwanza, ce qui à son tour accroîtra le coût réel des dettes nominées en monnaie étrangère », alerte Van Cauwenbergh.
Ces chocs externes, s’ils sont majeurs, ils ne condamnent pas pour autant le continent à la perdition, rassure Africa Growth Initiative, dans son rapport.
Néanmoins, seules des mesures appropriées et opportunes pourront faire la différence et aider les économies d’Afrique Subsaharienne à retrouver leur dynamique de croissance à la fois dans le court et le long terme, souligne Amadou Sy, directeur de Africa Growth.
«Reste donc aux décideurs du continent de discuter et ajuster les politiques économiques aussi bien à court qu’à moyen terme», estime-t-il.
Pour cela, Amadou Sy préconise aux gouvernements d’assurer que des politiques budgétaires et monétaires soient mises en place pour surmonter les chocs externes.
Le spécialiste en économie propose également que les pays africains entreprennent sur un moyen et long terme, des réformes structurelles. «Transformer les économies dépendantes du secteur primaire vers une dépendance plus diversifiée», conseille-t-il.
Les réformes structurelles doivent également inclure des réformes dans les secteurs de l’énergie, le transport, la logistique et d’autres secteurs infrastructurels, ajoute l’expert.
Les pays africains doivent non seulement diversifier leur économie de base mais également «apprendre à taxer».
«La mobilisation des ressources intérieures doit être le mot d’ordre pour l’avenir», insiste Sy.
Pour Tédébaye Titimbaye, économiste tchadien, c'est "un grand défi économique régional qui attend l'Afrique, mais qui est bel et bien réalisable puisque malgré le basculement économique mondial de ces trois dernières années, le continent a pu, jusqu'à présent, résister à la secousse socio-économique."
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