Économie

Tunisie- Pressions sur la liquidité et besoins d’investissement: le dilemme de la BCT

Hatem Kattou  | 03.11.2017 - Mıse À Jour : 03.11.2017
Tunisie- Pressions sur la liquidité et besoins d’investissement: le dilemme de la BCT

Tunis

AA/Tunis/Houcine Ben Achour

La Banque centrale de Tunisie (BCT) n’a pas encore réagi au projet de loi de finances et aux perspectives économiques 2018 présentés par le gouvernement.

Il faut signaler que son Conseil d’administration a modifié son rendez-vous de réunion mensuelle à l’issue duquel l’autorité monétaire publie un communiqué qui établit sa lecture de la situation économique et financière du pays.

Habituellement, la réunion du Conseil intervient le dernier jeudi du mois. Sauf que le mois dernier, ce rendez-vous est intervenu plus tard, au début du mois suivant. Cela semble être également le cas ce mois-ci.

En tout cas, l’ordre du jour du prochain Conseil sera d’une importance notable dans la mesure où il devrait fixer les choix de politique monétaire de l’institut d’émission compte tenu des choix et des objectifs économiques du gouvernement contenus dans le projet de loi de finances et le projet de budget économique.

Il ne fait aucun doute que la BCT a étudié minutieusement les deux projets précités, particulièrement le projet de budget de l’Etat et les projections de croissance économique.

L’autorité monétaire a probablement confronté ces projections avec les siennes puisque la BCT utilise son propre modèle de prévision à court terme de la croissance économique. Dans ces conditions, ces conclusions seraient bonnes à entendre.

Et surtout de savoir si la politique monétaire que comptera adopter l’institut d’émission en 2018 ne fera pas l’objet d’ajustement en cours de route à telle enseigne qu’elle dévierait inévitablement de sa trajectoire initiale, la vidant de tout sens.

C’est ce qu’écrivaient d’ailleurs les auteurs d’une étude publiée en 2014 sur «Les mécanismes de transmission de la politique monétaire en Tunisie» visant à évaluer la pertinence du canal du crédit et du taux d’intérêt pour l’économie du pays : «La BCT élabore chaque année un programme monétaire dans lequel est annoncé un objectif de croissance de la masse monétaire compte tenu du schéma macroéconomique établi au préalable par le Gouvernement".

En l’absence de débats contradictoires sur la teneur des projections, la partie relative à la monnaie était fortement affectée par les prévisions initiales du Gouvernement et des déviations importantes ont été enregistrées par rapport à cette cible. En conséquence, le jugement sur les tensions inflationnistes et les évolutions monétaires avait un caractère assez indicatif et il n’a pas influencé significativement les décisions en matière de taux directeur. »

Ce scénario se réalisera-t-il, une fois encore, pour l’exercice 2018 ? Au regard des résultats économiques qu’afficherait le pays à la fin de l’année et des besoins de financement nécessaires pour réaliser l’objectif de croissance économique, la BCT aura à assurer trois objectifs au lieu d’un seul.

Au côté du ciblage de l’inflation, l’institut d’émission ne pourra pas rester insensible à la dérive de ce qu’il appelle «les facteurs autonomes de la liquidité bancaire» et particulièrement celle du solde des paiements courants et celle du compte courant du Trésor. Cette dérive qui, progressivement, semble réduire inexorablement la portée et l’efficacité de la politique monétaire dans le ciblage de l’inflation, fragiliser le système financier et détériorer le taux de change de la monnaie.

Le taux directeur de la BCT, aiguillon de la politique monétaire, a été relevé par deux occasions cette année, au mois d’avril, de 50 points de base, à 4,75%, et un mois plus tard de mêmes points à 5%. Plus que cela, l’autorité monétaire a pris la décision de plafonner ses injections sur le marché monétaire à 7 milliards de dinars.

Cela n’a pas eu l’heur de donner des signes de détente des besoins de liquidités des banques. Le taux moyen du marché monétaire (TMM) n’a cessé de croître passant de 4,94% en juin à 5,15% en juillet, puis à 5,19% en août et 5,23% à la fin du mois d’octobre 2017, reflétant ces besoins.

Et pas seulement, puisque les banques ont multiplié le recours aux facilités permanentes de prêt à 24 heures. Depuis juillet 2017, elles ont explosé, se situant sur une fourchette de 700 MD à 1 milliard de dinars. Il en est de même du Swap de change qui dépasse les 840 MD actuellement contre une moyenne de 500 MD en début d’année. Cette dernière envolée conjuguée à l’accroissement du service de la dette n’a pas manqué d’impacter négativement sur les réserves en devises et sur le taux de change du dinar.

Les récentes mesures de rétorsion au déficit des paiements courants par le biais de limitations des importations de produits « non nécessaires » et l’introduction de nouvelles mesures fiscales pour limiter le financement du déficit budgétaire de l’Etat par l’emprunt suffiront-ils à calmer les tensions sur la liquidité bancaire ?

Ou faudra-t-il, une fois de plus, à la Banque centrale d’ajuster à la hausse son taux directeur au risque de réduire l’offre de crédit et partant de brider l’investissement ? Un délicat dilemme pour la Banque centrale.

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