Nouveau Modèle algérien de Croissance: Absence de leviers de mise en œuvre

Alger
AA / Alger / Khadija Baba Ahmed
Transformer structurellement son économie, la diversifier pour la sortir de sa dépendance des hydrocarbures et assurer une réelle transition énergétique pour faire décoller le développement du pays sont autant d’actions, et d’autres encore, que décline le « nouveau Modèle de Croissance Economique » approuvé, récemment, par le gouvernement algérien et qui vient enfin d’être officiellement publié. Si la velléité de sortir de la crise multiforme que traverse le pays est bien là, elle bute toutefois sur l’absence de leviers, d’outils et de mesures opératoires à même de faire des ambitions affichées une réalité à l’horizon fixé, à savoir, 2030.
Le nouveau Modèle de Croissance publié fixe les objectifs économiques jusqu’en 2030 et les trajectoires budgétaires de l’Etat jusqu’à 2019. Le programme d’exécution se décline en trois phases : une première phase qui va de 2016 à 2019 et qui, espèrent les rédacteurs de ce plan, assurera le décollage de cette nouvelle politique de croissance ; la deuxième étape qui se situe de 2020 à 2025 est définie comme la phase de transition, alors que l’étape 2026-2030 devra assurer stabilité et convergence en assurant aux différentes variables de l’économie leur valeur d’équilibre.
Transformation structurelle de l'économie
Une transformation structurelle de l’économie est programmée: une part plus importante des différents secteurs dans la valeur ajoutée est envisagée. Une croissance soutenue du PIB hors hydrocarbures, soit 6,5% par an, sur la période 2020-2030, constitue la trajectoire retenue dans ce nouveau modèle.
Le doublement de la contribution du secteur industriel dans le PIB, soit 10% contre 5% actuellement, devra être opérée. Ainsi, la part de l’industrie manufacturière dans le PIB, par exemple, passera de 5,3% actuellement à 10% en 2030.
Quant au secteur agricole, il s’agit d’en assurer la modernisation en vue d’atteindre la sécurité alimentaire interne et de diversifier les exportations de ce secteur. L’agriculture devra atteindre une croissance annuelle de 6,5%. Sur la période 2020-2030, le PIB par habitant dont il est prévu une augmentation de 2,3 permettra, selon les rédacteurs du document « de placer l’Algérie dans les pays à revenu élevé ».
Alors que les services marchands seront maintenus dans leur taux de croissance actuel, soit 7,4%, le Bâtiment et Travaux Publics BTP devra connaitre un ralentissement avec, à terme, une croissance de pas plus que 1,7%.
Comme de bien entendu, l’énergie prend dans cette nouvelle approche de l’économie algérienne, une part très conséquente dans les changements à opérer. Une transition énergétique, dont on parle tant depuis plus une dizaine d’années, est envisagée et devra permettre à terme de diviser par deux le taux de croissance annuel de la consommation interne d’énergie qui passerait ainsi de 6% par an, en 2015 à 3% en 2030 et ce, « en donnant un juste prix à l’énergie et en n’extrayant du sous-sol que ce qui est strictement nécessaire au développement ».
Dans ce domaine, et pour assurer de la solvabilité au nouveau Modèle de développement et partant, assurer une « réduction du gap entre les importations et les exportations hors hydrocarbures », deux orientations seront conduites : la mise en place d’une politique soutenue, conséquente d’efficacité énergétique et de développement des énergies renouvelables, ce qui permettra de dégager un surplus d’hydrocarbures à exporter et la deuxième action consistera à accélérer le rythme d’exportation hors hydrocarbures par une exportation dans le secteur de l’agriculture, de l’industrie et des services.
Ajustement budgétaire, hausse des recettes fiscales ordinaires
Au plan organisationnel, la gestion pluriannuelle du budget sera assurée avec une projection sur 3 ans des lois de finance et une loi organique qui les encadrera.
Le budget de l’Etat connaîtra, selon les concepteurs du document « une amélioration des recettes de la fiscalité ordinaire de sorte qu’elle puisse couvrir l’essentiel des dépenses d’investissement ». La fiscalité hors hydrocarbures augmentera chaque année de 11% pour atteindre une couverture de 84% des dépenses de fonctionnement, elle n’a été en 2014 que de 47%. Quant au recouvrement de la TVA, le nouveau modèle prévoit d’améliorer son recouvrement, d’augmenter son taux pour les produits de luxe importés et de mettre en place une « revue des exemptions fiscales ». La fiscalité locale et notamment l’impôt foncier, actuellement très en deçà de ce qu’il devrait être, sera plus et mieux collectée.
En support à ce nouveau modèle, six axes stratégiques ont été tracés comme ligne directrice à ce nouveau modèle. Sans qu’on en cite le détail, et au risque d’être réducteur, relevons la nature de ces axes. Le premier est relatif à la stimulation de la création d’entreprises en se focalisant sur certains secteurs critiques pour créer une dynamique de changement. Le deuxième volet concerne la mise en place d’un système national d’investissement rénové, hors énergie, en particulier dans les équipements publics, la poursuite de la réforme du système bancaire et le développement d’un marché des capitaux. Le troisième axe porte sur la politique industrielle « dont l’objectif de diversification projeté impose de fortes accélérations des secteurs ».
La territorialisation du développement industriel par la réorganisation de la gestion du foncier industriel et son intégration constitue le quatrième axe tandis que le cinquième, relatif à l’énergie, appuie fortement sur la nécessité d’assurer la sécurité énergétique et la diversification des ressources à travers un programme d’efficacité énergétique adossé à un programme industriel et technologique des énergies renouvelables. Enfin, le sixième et dernier axe porte sur la gouvernance du nouveau modèle de croissance, en fait, un accompagnement par une administration économique efficace et l’octroi aux acteurs d'une plus grande autonomie.
Quelles mises en oeuvre et par qui?
Vaste programme que ce nouveau modèle de croissance qui aborde tous les points essentiels à revoir dans le système économique algérien actuel. Un modèle dont les projections à long terme ont pour socle la projection d’un avenir plus clair au plan économique dans la mesure où l’on passe très nettement d’une économie administrée, au moins dans la volonté affichée, basée sur la rente, à une économie dont la croissance est assurée par l’entreprise.
Il reste toutefois qu’il manque l’essentiel à ce modèle. Par quelles ressources humaines, par quels managers sera-t-il mis en œuvre et quelles sont les modalités d'application de ce catalogue de velléités. Quelles garanties seront assurées à ceux qui seront chargés de le mettre en œuvre, sachant que jusqu’à ce jour, le minimum de liberté et d’autonomie n’est pas assuré aux managers. Il reste aussi, et là la réponse est loin loin d’être aisée, de savoir quel levier enclencher en direction de tous ceux qui ont perdu confiance dans les dirigeants eu égard aux nombreuses promesses et aux programmes sans lendemain.