Burundi : Le thé détrône le café à la production et à l’export
La privatisation de la production du café a été bénéfique aux commerçant, mais pas aux caféiculteurs

Burundi
AA/Bujumbura/Yvan Rukundo
Introduit à l’époque coloniale, le café n’est plus la culture la plus rentable à l’export. Il est désormais devancé par le thé, aussi bien à la production qu'à l'exportation.
Les statistiques de la Banque centrale de la République du Burundi (BRB), montrent que les deux filières ont suivi des tendances opposées, ces dernières années.
Alors que la production du thé s’accroît, d’une année à l’autre, celle du café, au contraire, dégringole d’une saison à l’autre.
En effet, la production du café a chuté de 23 mille 309 tonnes en 2012 à 11 mille 865 tonnes en 2013, puis 15 mille 159 en 2014, 13 mille 657 en 2015 et 16 mille 646 en 2016.
En revanche, la production du thé est passée de 8 mille 648 tonnes en 2012 à 10 mille tonnes en 2013, puis 11021 en 2014, 11145 en 2015 et 10873 en 2016.
Pour les quatre premiers mois de l’année 2017 (janvier avril), la Banque centrale fait état d’un revirement total. La production du café a dégringolé à 1922 tonnes de café vert, alors que le thé a réalisé 3495 tonnes.
Ainsi, le thé devient, désormais, le premier produit exporté, avec 9.2 millions de dollars d’entrées dans la caisse de l’Etat, contre 3.1 millions de dollars pour le café.
Ce revirement est dû à la privatisation, en 2009, de la filière du café, selon Gabriel Rufyiri, économiste et président de l’Observatoire de la lutte contre la corruption et les malversations économiques (Olucome).
«Cette privatisation n’a pas produit les résultats escomptés et a été bénéfique pour les commerçants au détriment des caféiculteurs.», affirme-t-il.
Avec la libéralisation, analyse-t-il, contrairement au secteur théicole, les caféiculteurs se sont sentis lésés. «Le prix d’un kilo de café cerise a été fixé par les nouveaux gestionnaires de la filière à 0.2 dollar alors qu’il était à 0.3 dollars.»
Toutefois, pour le thé, nuance-t-il, cette politique a boosté le secteur.
«Lancée effectivement en 2012, elle a donné un coup d’accélérateur à la production et a poussé le seul Office public de thé au Burundi (OTB) à la concurrence.»
En conséquence, le prix d’un kilogramme de feuille de thé est passé vite de 0.08 dollar à 0.2 dollar. Et les théïculteurs, impressionnés par cette hausse des prix, sont devenus plus motivés pour augmenter la production.
Spécificités différentes pour chaque filière
Il faut noter, par ailleurs, que la cueillette du thé se fait régulièrement (deux ou trois fois par mois), tandis que le café donne une seule récolte par an, voire en deux ans ou plus.
Avec la concurrence, l’OTB a enregistré en 2015, pour la première fois, une production record de plus de 11.000 tonnes de feuilles vertes.
En outre, poursuit-il, à côté des grandes plantations publiques, des plantations relevant de l’usine Prothem (Promotion du thé de Mwaro), la seule usine privée dans ce domaine, se sont ajoutées pour contribuer à cette augmentation.
Contrairement au café cultivé au niveau national, le thé étant cultivé seulement dans six provinces : Cibitoke (Nord-ouest) ; Kayanza (nord) ; Muramvya et Mwaro (centre ; Bururi (sud) et Bujumbura dit rural (Ouest).
En se désengageant, l’Etat a poussé les producteurs au découragement : «Au lieu de continuer à entretenir leurs vergers, ils y ont planté des cultures vivrières comme le haricot, le maïs, etc., qu’ils jugent très importants», commente le président de l’Olucome.
Pire encore, le renouvellement des vieux caféiers n’a pas été possible. La confédération nationale des caféiculteurs donne un effectif de 1.650.000 caféiers qui devaient être remplacés.
La privatisation a entraîné également des perturbations dans le paiement. En témoigne, détaille la même confédération, dans deux provinces du Nord (Ngozi & Kayanza), très productives, depuis 2015, plus de 12 mille caféiculteurs n’ont pas encore tous reçu leur argent évalué à plus de 607 mille dollars.
Il ajoute que le moindre relâchement des pouvoirs publics dans l’encadrement pousse les caféiculteurs à l’abandon. En effet, justifie-t-il, jusqu’à aujourd’hui, les Burundais gardent un mauvais souvenir du café.
«C’est avec la chicotte que cette plante d’exportation a été introduite dans le pays. Et toute la production est acheminée vers l’étranger. Seule une petite poignée d’intellos burundais dégustent le café.»
Bref, se résume-t-il, les Burundais le considèrent comme une "culture des Blancs, de domination des colonisateurs".
«Sa culture et son entretien étaient obligatoires jusqu’à la fin de la 2ème République», renseigne-t-il, évoquant également l’accroissement de la population qui a entraîné une expansion urbaine et un rétrécissement des terres cultivables.
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