Le putsch d’Alger, un conflit franco-français*
- Alors que le processus qui mènera lentement à l’indépendance de l’Algérie est déjà entamé, et que la guerre fait des ravages, des militaires français tentent alors, dans un geste désespéré, un dernier tour de force. C’était le 21 avril 1961.

France
AA/Nice/Feïza Ben Mohamed
Il y a 61 ans, débutait le 21 avril 1961, le putsch d’Alger, mené par quatre généraux français qui souhaitaient garder l’Algérie, en dénonçant la politique du général De Gaulle, estimant qu’il « abandonnait » le pays.
Alors que le processus qui mènera lentement à l’indépendance de l’Algérie est déjà entamé, et que la guerre fait des ravages, plusieurs militaires tentent alors dans un geste désespéré, un tour de force pour conserver leur colonie.
L’épisode durera à peine cinq jours.
- Retour sur les faits
Dans la nuit du 21 au 22 avril, les putschistes mènent une offensive sur plusieurs points stratégiques et s’emparent de l’aéroport d’Alger, de la radio, du palais d’été ainsi que du gouvernement général d’Alger.
« L’armée a pris le contrôle de l’Algérie et du Sahara (…). L'Algérie française n'est pas morte (…) Vive l'Algérie française pour que vive la France », annoncera le matin du 22 avril Radio Alger, renommée Radio France pendant la nuit.
Le putsch, mené par les généraux Maurice Challe, Edmond Jouhaud, André Zeller, en liaison avec le général Raoul Salan qui les rejoint le 23 avril, semble réussi dans un premier temps.
Plusieurs ministres et hauts gradés de l’armée française sont arrêtés par la junte militaire et envoyés à In Salah, dans le Sahara.
« Ce pouvoir a une apparence : un quarteron de généraux en retraite. Il a une réalité : un groupe d'officiers, partisans, ambitieux et fanatiques », tacle alors le général De Gaulle dans un message aux Français, considérant que les putschistes « ne voient et ne comprennent la nation et le monde que déformés à travers leur frénésie ».
Il prévient également que « leur entreprise conduit tout droit à un désastre national » et « ordonne que tous les moyens, je dis tous les moyens, soient employés pour barrer partout la route à ces hommes-là, en attendant de les réduire ».
Sa position est claire, il interdit « à tout Français et, d'abord, à tout soldat d'exécuter aucun de leurs ordres ».
« Françaises, Français ! Voyez où risque d'aller la France, par rapport à ce qu'elle était en train de redevenir », exhorte alors le chef de l’Etat.
Dès le lendemain, le 24 avril 1961, l’insurrection essuie ses premières difficultés face à une forte résistance.
La radio est rapidement reprise par le gouvernement et les putschistes, qui n’ont pas réussi à attirer davantage de militaires dans leur entreprise de sédition, sont contraints d’abandonner.
Rapidement, deux des putschistes, Maurice Challe puis André Zeller, se rendent tandis qu’Edmond Jouhaud et Raoul Salan entrent dans la clandestinité pour prendre la tête de l'Organisation armée secrète (OAS).
Néanmoins, l’état d’urgence promulgué dès le début des événements restera en vigueur pendant plusieurs mois pour éviter toute nouvelle sédition.
- Un pastiche mal pensé, mal exécuté
« Ce putsch est comme un pastiche mal pensé, mal exécuté et terminé piteusement comparé aux événements du 13 mai 1958 » estime, dans une déclaration à l'Agence Anadolu, Razik Metiche, chroniqueur à France Maghreb 2 et diplômé de sciences politiques.
Rappelant que « la plupart des putschistes furent arrêtés et condamnés », Razik Metiche assure que « De Gaulle a mis au pas de manière définitive l'armée française sur le thème de l'Algérie » et « exploité l'événement pour renforcer son pouvoir et vilipender les fanatiques jusqu’au-boutistes ».
« Enfin le général De Gaulle en plein putsch procéda à un essai nucléaire le 24 avril » pour envoyer un « double message » visant à dire qu’il a « toujours la main même en plein putsch » et qu’il « dote l'armée française en compensation de la perte de l'Algérie française avec les meilleures armes au monde », poursuit le spécialiste.
Pour Marine Vengeon, militante des droits humains et diplômée d’histoire, ce putsch « est avant tout un conflit franco-français entre pouvoir politique et pouvoir militaire ».
« Si l’on devait résumer grossièrement les nœuds à l’origine du putsch d’Alger on dirait que le pouvoir politique ne parvenait plus à maintenir éloignée l’armée en dehors de la sphère politique », affirme à AA la jeune femme, engagée en soutien aux mouvements décoloniaux.
- Une aubaine pour De Gaulle et son projet politique
« De Gaulle en profite alors pour accélérer les choses et annonce à peine un mois plus tard des négociations avec le FLN à Evian, tandis que les négociations se déroulent tout au long du reste de l’année 1961 les conflits armés ne cessent toujours pas », rappelle Marine Vengeon.
Elle estime qu’au fil « des interventions et des propos que tient de Gaulle » il est aisé de comprendre « que l’indépendance de l’Algérie n’est peut-être pas sa volonté première ».
« Il aurait certainement souhaité une solution d’Etat associé comme il l’a à plusieurs reprises proposé, mais il a très certainement compris avant les autres que la décolonisation de l’Algérie était inévitable », conclut-elle.
L’historien Maurice Vaïsse, auteur d’une ouvre de référence sur le sujet, affirme, quant à lui, dans un entretien au journal Le Monde, que « le putsch d’Alger a marqué un pas très net vers la présidentialisation du pouvoir sous la Ve République ».
Une analyse partagée par Razik Metiche qui pointe le fait que lors de l’accession de De Gaulle au pouvoir, « les partisans de l'Algérie française pensaient avoir trouvé l'homme idoine pour rétablir l'autorité de la France en Algérie, mais très tôt le général donne des signes de velléités de dialogue avec le FLN et de légitimation de leur combat ».
« Dès septembre 1959, il parle d'autodétermination du peuple algérien et en 1960 cette idée fait son chemin et est perçue comme une trahison par les pieds noirs et par les cadres de l'armée française en Algérie », conclut-il.
C’est la fin d’une ère pour la France, qui perdra la guerre d’Algérie dans la douleur.
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