
AA - Paris - Bilal Muftuoglu
Le Seuil, la maison d'édition du livre critique du roi du Maroc, Mohamed VI, a décidé d'annuler sa publication, après l'implication possible de leurs auteurs, deux journalistes français, Eric Laurent et Catherine Graciet, dans une affaire de chantage envers le roi.
La "relation de confiance" entre les journalistes et le Seuil a été "de facto dissoute", a annoncé lundi la maison d'édition, seulement quelques jours après l'interpellation par la police de Laurent et Graciet, pour "tentative de chantage" et "extorsion de fonds" auprès du royaume du Maroc, en échange de la non-publication de leur livre.
"Dans ces conditions, la publication envisagée ne saurait avoir lieu", a renchéri le Seuil dans sa déclaration alors que les co-auteurs du livre se montraient encore enthousiastes lundi matin à l'idée de la publication du livre, malgré les accusations qui sont portées à leur encontre.
Eric Laurent a pour sa part annoncé qu'il irait "publier ailleurs", ajoutant, "C’est mon ouvrage, (...) c’est mon travail, j’ai le droit de publier ou de ne pas publier".
Selon les journalistes, qui ont accordé pour la première fois leur version des faits depuis l'accusation par le royaume, c'est l'avocat du roi qui leur a proposé de l'argent pour annuler la publication de leur livre révélant des détails sur "le train de vie dispendieux" de la famille royale marocaine.
"On pourrait peut-être envisager une rémunération, une transaction, en contrepartie d’un retrait écrit", aurait affirmé Mounir El Majidi, secrétaire de Mohamed VI, selon Eric Laurent, cité par Le Monde. Ce serait ainsi que le journaliste aurait dit "sans y croire", "Si vraiment on arrête de faire le livre, étant donné le sujet, écoutez… trois [millions d’euros]".
Comme Laurent, Catherine Graciet a aussi confirmé avoir eu des échanges sur une "transaction", en échange de la non-publication du livre, qui selon elle, est "apocalyptique" pour la dynastie marocaine. Elle a pourtant nié toute complicité dans l'affaire, accusant à cet égard le co-auteur du livre seul, et dit être victime d'un "acte de faiblesse".
"Je me suis laissée tenter", confie-t-elle dans son interview lundi pour Le Parisien avant d'ajouter, "Chacun se demande ce qu'il ferait de sa vie avec deux millions d'euros. Et, comme c'est le Palais qui propose l'argent, j'y vois un deal privé entre deux parties".
Laurent et Graciet pourraient faire face à sept ans de réclusion et 100 000 d'euros d'amende pour extorsion de fons et jusqu'à cinq ans de prison et de 75 000 d'euros d'amende pour tentative de chantage.