AA / Ankara / Askin Kinagan

L’historien et professeur israélien Ilan Pappé a affirmé que les politiques agressives du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu sont directement liées à l’affaire en cours devant la Cour pénale internationale (CPI), estimant que ce dernier cherche à retarder les procédures en intensifiant les conflits régionaux.

Dans un entretien accordé à Anadolu, Pappé a expliqué que Netanyahu tente de détourner l’attention de l’affaire de la CPI, particulièrement à un moment critique.

« Il cherche à ne pas attirer l’attention sur son procès, alors qu’il entre dans une phase difficile, où il est interrogé par le procureur. Il utilise Gaza et la guerre contre l’Iran comme prétexte pour demander un report du procès de deux ou trois ans en raison d’un conflit prolongé. C’est son ambition personnelle », a-t-il déclaré.

Selon lui, les partenaires de la coalition d’extrême droite de Netanyahu, en particulier les sionistes messianiques, sont mus par une vision idéologique visant à étendre le contrôle israélien bien au-delà des frontières actuelles.

« Ce sont des sionistes messianiques qui considèrent cette période comme une fenêtre d’opportunité pour recourir à la force et transformer radicalement la réalité, en créant un Grand Israël englobant la Cisjordanie, Gaza et même au-delà. Ils rêvent d’un royaume israélite ancien, tel qu’évoqué dans l’Ancien Testament, qui ferait trembler toute la région. »

Pappé a également mis en garde contre le silence relatif des États-Unis, notant néanmoins que certains dirigeants européens commencent à formuler des appels sans précédent en faveur de sanctions ou de sanctions partielles contre Israël. Il a toutefois souligné que ces déclarations doivent être suivies d’actes concrets et d’une pression politique accrue.

Il a rappelé que toute décision contraignante au sein de l’Union européenne requiert l’unanimité, laquelle est bloquée par des pays alliés d’Israël comme la République tchèque, la Hongrie ou l’Estonie.

Concernant la complaisance de nombreux gouvernements européens, Pappé a souligné l’héritage toujours pesant de la Shoah, tout en critiquant la médiocrité des dirigeants actuels :

« Nous avons probablement affaire à une génération de politiciens jeunes, très centrés sur eux-mêmes, de faible niveau, sans véritable vision. Ce ne sont pas des leaders. Leur seule obsession est leur réélection. Tant qu’ils pensent que soutenir Israël est bénéfique pour leur carrière, ils continueront à le faire. S’ils estiment qu’un changement de cap est nécessaire pour leur avenir politique, ils le feront. »

S’agissant des accusations de montée de l’antisémitisme, Pappé estime que le récit est trompeur.

« Il y a, bien sûr, des antisémites dans le monde, des gens qui haïssent les Juifs parce qu’ils sont juifs », reconnaît-il. « Mais Israël affirme que toute personne critique à l’égard du sionisme ou d’Israël est antisémite. Ce n’est pas vrai. »

« Je ne pense pas qu’il y ait une montée de l’antisémitisme », poursuit-il. « Il y a une montée de la colère face aux agissements d’Israël. Certains perdent leur sang-froid, d’autres agissent de manière légitime, en rejoignant les manifestations et les mouvements de solidarité. »

« De nombreuses personnes engagées en faveur de la Palestine sont juives. On ne peut donc pas parler d’antisémitisme. Aux États-Unis par exemple, plusieurs des voix les plus critiques à l’égard du génocide à Gaza sont juives. »

Il conclut : « Il s’agit là d’une propagande israélienne : ils veulent faire croire que l’antisémitisme est en hausse. En réalité, c’est l’hostilité envers la politique israélienne qui grandit, et pour de bonnes raisons. Il faut faire attention à ne pas accepter leur définition biaisée de l’antisémitisme. »

* Traduit de l'anglais par Sanaa Amir