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France : comment les opérations "Place nette" mettent Marseille en ébullition

- Malgré les effectifs et la motivation des forces de l’ordre, les opérations "Place nette" n’empêchent pas le trafic de repartir de plus belle dès le départ des hommes en uniformes.

Feiza Ben Mohamed  | 25.03.2024 - Mıse À Jour : 26.03.2024
France : comment les opérations "Place nette" mettent Marseille en ébullition

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AA / Marseille / Feïza Ben Mohamed

Depuis une semaine, les opérations "Place nette" se multiplient à Marseille avec un objectif simple: porter un puissant coup aux trafics de drogue qui gangrènent la vie des habitants et provoquent chaque année la mort de dizaines de personnes dans des règlements de compte.

Après la venue surprise d’Emmanuel Macron au cœur de la cité de La Castellane, considérée comme une plaque tournante de la drogue, les forces de l’ordre sont plus que jamais mobilisées pour occuper le terrain et gêner la revente de stupéfiants dans les quartiers sensibles de la cité phocéenne et plus globalement dans les Bouches-du-Rhône.

Dans les faits, des camions de Compagnie républicaine de sécurité (CRS) et des unités de police nationale font chaque jour le tour des cités réputées difficiles, s’installent devant leurs principaux accès et empêchent les trafiquants et revendeurs de pouvoir se réinstaller, comme l’a constaté la correspondante d’Anadolu sur place cette semaine.

Mais cette présence, qu’il est impossible de maintenir 24 heures sur 24 sur une longue durée, comporte des limites. De fait, malgré les effectifs et la motivation des forces de l’ordre, les opérations "Place nette" n’empêchent pas le trafic de repartir de plus belle dès le départ des hommes en uniformes.

Vendredi comme samedi soir, à peine les gyrophares éloignés, les points de vente étaient réinvestis par ceux que l’on appelle « les guetteurs » chargés d’avertir les vendeurs de l’arrivée imminente des forces de l’ordre.

« Il faudrait une présence H24 pour qu’on puisse être certains d’être tranquilles », souffle une habitante de la cité des Rosiers, à Anadolu.

Ce quartier du XIVème arrondissement de Marseille a fait l’objet, mercredi, d’une opération "Place nette" mais à peine les autorités ont-elles eu le dos tourné que le trafic a repris sa place, comme c’est également le cas dans d’autres secteurs.

Aux Flamants, une grand-mère installée depuis plus de 40 ans, espère « que la police arrivera à débarrasser le secteur des vendeurs de shit » mais « n’y croit plus ».

« On les voit intervenir. Parfois ils viennent même le soir, avec des torches, ils cherchent les guetteurs mais quand ils arrivent il n’y a jamais personne », poursuit cette marseillaise d’origine algérienne.

Si beaucoup d’habitants s’expriment sur le sujet avec une forme de fatalité, tous soulignent qu’ils sont rassurés par la présence policière particulièrement intense et souhaitent qu’elle soit maintenue même s’ils relèvent que le trafic reprend dès que les autorités tournent le dos.

Et c’est justement ce sujet épineux qui a valu à Aurélien Viers, directeur de la rédaction du quotidien régional "La Provence", d’être mis à pied et convoqué à un entretien préalable à son licenciement.

Jeudi, La Provence faisait sa Une sur l’opération "Place nette" de La Castellane après le départ d’Emmanuel Macron, mais ce choix, qui n’a pas plu au pouvoir en place, a provoqué une intense polémique.

« Il est parti, et nous, on est toujours là », titrait notamment le journal en citant une phrase attribuée à un habitant qui s’exprimait après la venue du chef de l’Etat.

Dans la foulée, le journal a publié un communiqué pour présenter ses excuses à ses lecteurs, estimant qu’ils avaient possiblement été « induits en erreur ».

« La citation en Une et la photo d'illustration qui l'accompagnait ont pu laisser croire que nous donnions complaisamment la parole à des trafiquants de drogue décidés à narguer l'autorité publique », affirmait la direction, tandis que le directeur de la rédaction faisait l’objet d’une mise à pied.

Cette décision prise après des réactions d’indignation « en haut lieu », a provoqué la colère de la rédaction, qui s’est mise en grève pour une durée illimitée.

Dans un communiqué des syndicats de la rédaction du quotidien régional, les signataires indiquent, en effet, que « par cette motion, la rédaction de La Provence se refuse d'exercer ses missions, la peur au ventre, vis-à-vis de sa direction, alors que le métier de journaliste est de plus en plus mis à mal par le pouvoir politique mais aussi par l'opinion publique ».

Les journalistes estiment qu’aucune « faute déontologique n'a été commise » et demandent « la réintégration immédiate du directeur de la rédaction, Aurélien Viers », sous le coup d’une procédure disciplinaire.

Dans les faits, la rédaction pointe une décision possiblement politique dans la mesure où le propriétaire de La Provence, le milliardaire franco-libanais, Rodolphe Saadé, est réputé proche d’Emmanuel Macron.

Dimanche soir, la direction du journal publiait, de ce fait, un communiqué annonçant la réintégration de son directeur de la rédaction et assurait que « les parties s’accordent sur l’importance du principe d’indépendance du journal vis-à-vis de tout pouvoir, qu’il soit politique ou économique, mais aussi sur l’exigence d’une ligne éditoriale non partisane ».

Malgré cette démarche guidée par une volonté d’apaisement avec les salariés en grève, les syndicats, qui n’ont pas été consultés, ont décidé de maintenir le mouvement de contestation.

Et l’inquiétude gagne naturellement d’autres rédactions, puisque l’homme d’affaires vient de faire l’acquisition d’Altice Média, qui détient notamment BFMTV et RMC.

Du côté du ministère de l’Intérieur, Gérald Darmanin se félicite des premiers résultats de ses opérations "Place nette" et indique que ce lundi matin, plusieurs d’entre elles sont en cours du côté de Lille et de sa métropole.

« Plusieurs jours après le lancement de l’opération "Place nette XXL Marseille", les policiers sont toujours massivement présents à La Castellane, multipliant les interpellations (plus de 230 à cette heure, en moins d’une semaine) et les saisies. On continue », a-t-il déclaré dimanche soir sur le réseau social X.

Et de poursuivre lundi matin: « Notre combat contre la drogue et les dealers est total. Nous allons désormais multiplier les opérations que nous avons préparées pendant des mois pour taper très fort ».

Le locataire de Beauvau doit s’exprimer sur le sujet en fin de matinée depuis Roubaix, dans le Nord, où il était en déplacement pour effectuer un point d’étape de l’action des forces de l’ordre contre le narcotrafic.

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