AA/Istanbul - Rabia Ali

Alors que la France se prépare pour le second tour de l’élection législative cruciale de dimanche, des changements significatifs et des alliances stratégiques sont en vue, les analystes mettant en garde contre les "temps incertains" à venir.

Le Rassemblement national (RN), dirigé par Marine Le Pen et Jordan Bardella, vise à former le premier gouvernement d'extrême droite en France depuis la Seconde Guerre mondiale, après avoir obtenu plus de 33 % des voix et 39 sièges au premier tour, avec ses alliés.

Le RN a obtenu à lui seul le chiffre impressionnant de plus de 9,37 millions de voix.

Pour lui barrer la route, l'alliance centriste Ensemble pour la République, soutenue par le président Emmanuel Macron, et le Nouveau Front populaire de gauche, collaborent au second tour, mais il n'est pas encore certain qu'ils y parviennent.

Le Nouveau Front populaire a obtenu plus de 8,9 millions de voix lors du premier tour du 30 juin, soit près de 28 % des voix, et est arrivé en deuxième position avec 32 sièges, tandis qu'Ensemble pour la République a terminé en troisième position avec un peu plus de 20 % des voix et seulement deux sièges.

L'Assemblée nationale française, la chambre basse du Parlement, compte 577 sièges et un parti doit obtenir au moins 289 élus pour former un gouvernement avec une majorité absolue.

Avec un total de 76 députés élus au premier tour, il ne reste plus que 501 sièges à pourvoir lors du second tour.

Comme beaucoup d'autres, l'analyste politique Alexander Seale pense que le premier tour a montré que le "très gros pari" de Macron de dissoudre le parlement et d'annoncer des élections rapides après la victoire du RN aux élections européennes s'est retourné contre lui.

"La France est confrontée à des temps incertains", a-t-il averti.

- Peut-on bloquer la progression de l'extrême droite ?

En politique française, il existe un terme spécifique pour désigner ce que les partis du centre et de la gauche tentent de faire pour le second tour, il s’agit du "front républicain".

L'utilisation la plus récente de cette stratégie a eu lieu lorsque Marine Le Pen avait une chance de battre Macron lors de l'élection présidentielle de 2022, a rappelé Seale.

À l'époque, les centristes, les hommes politiques de gauche et les hommes politiques de droite se sont tous rassemblés pour tenter de battre l'extrême droite.

Avant le scrutin du 7 juillet, plus de 200 candidats arrivés en troisième position au premier tour se sont désistés.

Parmi eux, 131 candidats du Nouveau Front populaire et 82 d'Ensemble pour la République, selon le quotidien français Le Monde.

Avec l'exclusion du candidat le plus faible, les électeurs ont un choix direct entre le candidat d'extrême droite et le challenger le plus fort, ce qui augmente les chances de ce dernier.

Seale a souligné que cette stratégie avait particulièrement bien fonctionné en 2002, lorsque Jean-Marie Le Pen, le père de Marine, était opposé à Jacques Chirac au second tour de la présidentielle.

Chirac, un conservateur, l'avait emporté avec 82 % des voix.

Aujourd'hui, Seale estime que le front républicain "s'éloigne vraiment" et que de plus en plus de personnes sont susceptibles de voter pour l'extrême droite.

"Il y a toutes sortes de raisons à cela. Les gens sont au chômage, ils n'ont pas d'opportunités, alors ils pensent que s'ils votent pour l'extrême droite, quelque chose pourrait changer", a-t-il spécifié.

Des sondages récents suggèrent toutefois que cette stratégie pourrait fonctionner dimanche et empêcher le RN d'obtenir une majorité.

Un sondage réalisé par la société de recherche Harris Interactive pour les médias français a montré que le RN et ses alliés pourraient obtenir entre 190 et 220 sièges, bien loin d'une majorité.

Seale a assuré que Marine Le Pen restait très confiante dans ses chances d'obtenir la majorité, mais qu'il y avait beaucoup de questions et que le dernier mot revenait aux citoyens français.

- Quels sont les autres scénarios ?

Si le RN l'emporte, la France entrera dans une période de "cohabitation", c'est-à-dire de partage du pouvoir, avec un président et un Premier ministre issus de partis différents, comme cela s'est produit à plusieurs reprises dans les années 1980 et 1990.

Dans un tel système, le pouvoir exécutif du président diminue car il doit laisser plus de place au Premier ministre, en l'occurrence Jordan Bardella, chef du RN.

Compte tenu de la position actuelle du RN, des questions ont été soulevées quant aux projets d'avenir de Macron, mais le président a déclaré qu'il avait l'intention de rester en poste jusqu'à la prochaine élection présidentielle en 2027.

L'autre issue est un parlement sans majorité, où aucun parti n'a la majorité.

Dans ce cas, Macron "s'efforcera de trouver une majorité pour les lois qu'il adoptera", a déclaré Seale.

Un parlement sans majorité comporte son lot d'inconnues et de défis, a-t-il ajouté.

"S'ils n'ont pas de majorité, Macron devra réfléchir à qui nommer comme Premier ministre", a-t-il ajouté.

"Il pourrait s'agir d'un membre d'une grande coalition, mais une coalition fonctionnera-t-elle ? Je ne le pense pas, car tous ces dirigeants politiques sont égocentriques", a-t-il conclu.