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« Oussekine », le devoir de mémoire par Disney+

- La série revient sur la mort du jeune Malik Oussekine après son passage à tabac par des policiers à Paris, en 1986

Fatma Bendhaou  | 16.05.2022 - Mıse À Jour : 23.05.2022
« Oussekine », le devoir de mémoire par Disney+

France

AA/Nice/Feïza Ben Mohamed

Depuis le mercredi 11 mai, la série « Oussekine » est disponible en quatre épisodes sur la plateforme Disney+ après avoir été présentée en avant-première au Grand Rex à Paris.

Il aura fallu presque 36 ans, pour que l’histoire de Malik Oussekine, arrive sur nos écrans, pour un indispensable travail de transmission de la mémoire.

Créée par Antoine Chevrollier, et co-écrite avec trois scénaristes dont la talentueuse écrivaine Faïza Guène, la série, qui revient sur la mort du jeune étudiant après son passage à tabac par des policiers à Paris, était très attendue.


- Malik Oussekine, l’étudiant devenu symbole des crimes policiers


Malik Oussekine avait 22 ans lorsqu’il a croisé la route de voltigeurs de la police française cette nuit du 5 au 6 décembre 1986.

Les faits se situent trois ans à peine après la marche pour l’égalité et contre le racisme, qui protestait contre les crimes racistes et autres ratonnades venus ôter la vie à des dizaines de jeunes issus de l’immigration, dans les années 70 et 80.

Alors que les voltigeurs sont déployés pour réprimer les derniers manifestants engagés contre la loi Devaquet, Malik Oussekine croise la route de trois d’entre eux alors qu’il rentre d’un club de jazz qu’il a l’habitude de fréquenter.

Sans aucune raison, ils le prennent pour cible, à coups de pieds et de matraques, et le laissent pour mort dans le hall d’un immeuble alors même qu’il tentait désespérément de leur expliquer qu’il n’a rien fait.

Malgré l’intervention des secours, Malik Oussekine sera déclaré mort, dans la même nuit, à son arrivée l’hôpital Cochin, mais le rapport d’autopsie souligne qu’il était en réalité décédé avant même sa prise en charge.

Le jour de son enterrement au cimetière du Père Lachaise, plus de 600 mille manifestants défilent à Paris en sa mémoire et celle du jeune Abdel Benyahia, tué un jour avant lui par un policier en état d’ébriété.


- Le combat pour une justice qui ne viendra jamais


L’histoire de Malik Oussekine ressemble à celle de dizaines d’autres Français issus de l’immigration et sa famille rencontrera les mêmes difficultés pour obtenir une justice aux abonnés absents.

En 1990, les deux policiers mis en cause dans ce meurtre sont condamnés à 5 et 2 ans de prison avec sursis et échappent ainsi à une peine ferme.

D’un point de vue administratif, le premier est mis en retraite tandis que le second est sanctionné par un déplacement d’office.

Le déni de justice est terrible mais il s’inscrit dans une logique déjà très présente en France dans les affaires de crimes policiers qui touchent les jeunes issus de l’immigration. Les policiers ne sont que très rarement condamnés et lorsqu’ils le sont, les peines infligées sont loin d’être à la hauteur des attentes des familles.

Ce courageux et épuisant combat pour la justice, mené par la famille de Malik Oussekine, est magistralement raconté dans la série de Disney+.

« On voulait aller derrière le portrait figé qu’on a vu de Malik sur les pancartes des manifestations (…) pour montrer que derrière le symbole, derrière le nom, il y a une histoire réelle, une douleur », raconte au HuffPost, Faïza Guène.

Et cette douleur de la famille, évoquée par la scénariste, est aussi celle de toute une génération de l’immigration post-coloniale et de la jeunesse maghrébine.

Ce que la presse a longtemps appelé « la génération Oussekine », définit ce pan de la société, longtemps ciblé par le racisme mais déterminé, malgré les processus de criminalisation systématique, à obtenir justice et rétablir sa dignité.

Et l’affaire Malik Oussekine n’a évidemment pas échappé aux réflexes classiques visant à faire de la victime, un coupable.

Dans la série, une phrase particulièrement marquante est lancée par le personnage de Robert Pandraud, ministre délégué à la Sécurité.

« Attention, si on ne trouve rien (pour incriminer Malik Oussekine), ils vont nous en faire un martyr », lance-t-il dans une phrase lourde de sens.

36 ans plus tard, Malik Oussekine est toujours un symbole et le combat de ses proches pour la justice, un exemple.

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