Politique, Analyse

France / Présidentielle : Quel choix politique pour les musulmans ?

Fatma Bendhaou  | 21.03.2022 - Mıse À Jour : 22.03.2022
France / Présidentielle : Quel choix politique pour les musulmans ?

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AA / Nice / Feïza Ben Mohamed


Les Français auront à élire, les 10 et 24 avril prochain, leur nouveau président de la République. Celui qui succédera à Emmanuel Macron (peut-être lui-même), aura la lourde tâche de réconcilier la Nation après un mandat marqué par une succession inédite de crises (Gilets jaunes, Covid-19, affaire Benalla, etc).
Mais s’il y a bien une partie de la communauté nationale qui a été malmenée durant ce quinquennat, ce sont indéniablement les musulmans.
Entre propos stigmatisants, fermetures de mosquées et autres dissolutions d’associations, les Français de confession musulmane ont eu à subir un véritable démantèlement de leur tissu associatif, conjugué à l’adoption d’une loi controversée contre un prétendu séparatisme.
Alors que la plupart des Français ont déjà fait leur choix pour la prochaine élection, les musulmans restent tiraillés et peinent à se reconnaître dans l’offre politique qui leur est présentée.


- Les musulmans « orphelins » face à des candidats qui « manquent de courage »


Interrogée par l’Agence Anadolu, Khadija Oulkadi, infirmière et actrice engagée auprès d’associations musulmanes en Île-de-France, s’estime « orpheline du système politique ».
Elle assure qu’aucun des programmes des candidats en position de pouvoir se retrouver au deuxième tour n’est « digne d’obtenir les voix musulmanes ».
Y compris chez ceux qui ne font pas de l’islamophobie un fonds de commerce, elle note « un manque de courage qui les cantonne au silence pour ne pas froisser leur électorat raciste ».
« On se souvient qu’en 2017, Emmanuel Macron n’avait pas commis d’erreur vis-à-vis des musulmans pendant sa campagne mais au final pendant son mandat, c’est le président de la cinquième république qui aura été le plus offensif à leur égard avec une succession de mesures et de lois qui posent clairement problème », note la jeune trentenaire.


- La trahison de Macron


En 2017, Mohamed, cadre dans une grande banque française, a voté pour Emmanuel Macron parce qu’il « incarnait le renouveau » et se présentait « comme un président moderne qui combattait les crispations identitaires ».
Cette année, il a décidé de ne pas lui offrir son bulletin de vote et a même quitté, en 2020, le parti présidentiel auquel il avait adhéré trois ans plus tôt.
Ce père de famille, installé du côté de Strasbourg et adhérent de LREM (La République En Marche), « regrette amèrement d’y avoir cru », et d’avoir « en quelque sorte contribué à l’élection de Macron en lui offrant » son vote.
« S’il n’avait pas agi de la sorte vis-à-vis des musulmans, j’aurais sans doute maintenu mon soutien mais je ne peux plus le faire », explique-t-il.


- La tentation Mélenchon comme alternative ?


Le sujet revient souvent : Mélenchon est-il le seul candidat crédible pour protéger les musulmans de l’islamophobie grandissante qui sévit en France ?
Le candidat et chef de file de LFI (La France Insoumise), a largement critiqué la loi contre le séparatisme et s’est élevé contre le gouvernement notamment le 10 novembre 2019, en se joignant à des dizaines de milliers de musulmans et de militants politiques, pour une manifestation historique contre l’islamophobie.
« Je ne comprendrai pas que les musulmans se posent encore la question du vote Mélenchon. C’est évidemment le seul crédible pour nous », lance Brahim, en charge d’une association humanitaire à Paris.
Ce chef d’entreprise et père de deux enfants a déjà fait son choix, et ce sera Jean-Luc Mélenchon, pour lui comme pour plusieurs membres de sa famille.
Il considère le député comme « en adéquation avec la vision inclusive de la société qu’il aimerait pour le pays ».
« Mélenchon prend énormément de risques au niveau électoral, à chaque fois qu’il dénonce l’islamophobie » et « c’est donc de notre responsabilité de faire en sorte de le soutenir », prévient Brahim.
Il note, par ailleurs, que « chez les autres candidats de gauche », il y a « très peu de courage de ce côté-là ».
Mélenchon fait face, toutefois, a un handicap de taille. Son soutien aux mouvements marxistes-léninistes et même terroristes, comme le PKK, découragera plus d’un musulman de voter pour lui. La logique du « moins mauvais candidat » ne marchera pas à tous les coups.


- « Abstention active »


Dans un entretien accordé à la correspondante de l’Agence Anadolu, le professeur Tariq Ramadan, auteur de nombreux ouvrages sur la question musulmane estime, pour sa part, que « l’abstention active » peut être une solution à condition « d’avoir, derrière, un vrai engagement politique ».
« Il faut s’engager et être des citoyens actifs sur le plan intellectuel, sur le plan de la démocratie participative », plaide le conférencier.
Même son de cloche du côté d’un imam francilien qui a souhaité garder l’anonymat. « Depuis cette loi contre le séparatisme, il nous est impossible de tenir des propos d’ordre politique au sein de nos mosquées », note-t-il avant d’indiquer qu’il essaie « malgré tout de conscientiser les jeunes à l’importance de la participation ».
Il assure « ne pas donner de consignes de vote » mais plutôt inciter « à jouer son rôle de citoyen pour faire bouger les choses ».
« Mélenchon ou un autre, je ne sais pas mais il serait temps pour nous d’arrêter de nous contenter des miettes et d’exiger enfin un projet qui nous convienne », conclut le responsable de culte.

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