Madagascar veut ses Iles !
La grande-ile, ancienne colonie, poursuit son combat auprès des Nations Unies pour récupérer ses Îles occupées par la France

Antananarivo
AA/Antananarivo/Sandra Rabearisoa
Moins d’un mois avant la tenue d’une nouvelle Assemblée Générale des Nations Unies, au mois de septembre prochain, à New York, aux Etats-Unis, un litige datant de plus d’une cinquantaine d’années qui oppose Madagascar et la France refait une nouvelle fois surface.
Les nationalistes malgaches reviennent à la charge dans la revendication des îles malgaches également appelées îles éparses, occupées par la France depuis des années. Parmi les plus actifs dans cette revendication, l’Association « Nosy Malagasy » (ou ANM), connue en tant que Plateforme pour la restitution des îles malgaches présidée par l’ancienne juge internationale Arlette Ramaroson.
Les îles en question formées de l’île Europa, Bassas da India, l’île Juan de Nova et les îles Glorieuses Éparses, sont situées dans le canal du Mozambique, entre l'Afrique et Madagascar. Elles mesurent quelques dizaines de kilomètres carrés pour Europa (au sud), Juan de Nova et les Glorieuses (au nord).
Appelées «îles Éparses de l'océan Indien» par la France, elles sont administrées depuis 2006 par l'administration des TAAF (Terres australes et antarctiques françaises). Mais pour les nationalistes malgaches, ces îles n’ont d’autres appellations que celle d’ « îles malgaches ».
Ce fut d’ailleurs le terme utilisé par les Nations Unies dans sa résolution n° 34/91 du 12 décembre 1979 à l’issue de l’Assemblée générale de cette époque. Dans ladite résolution, l’ONU réaffirme « la nécessité de respecter scrupuleusement l’unité nationale et l’intégrité territoriale d’un territoire colonial au moment de son accession à l’indépendance».
Par conséquent, les Nations Unies « invite le Gouvernement français à restituer les îles malgaches à Madagascar et lui enjoint d’entamer sans plus tarder l’ouverture d’un dialogue aux fins de négociations en vue de cette restitution ».
Dans une interview accordé à Anadolu, le Professeur Julien Radanoara, enseignant et expert en Relations Internationales soutient que « pour espérer récupérer ces îles, l’initiative doit obligatoirement venir de l’Etat malgache».
« Ce fut le cas pour l’île Maurice, voisin de Madagascar, qui revendique la propriété de l’île Tromelin », rappelle-t-il.
Selon lui, « Madagascar a encore toutes ses chances de recouvrir ces îles malgaches mais cela dépend d’une grande volonté politique des dirigeants ».
Interrogé sur les étapes à suivre, ce spécialiste explique qu' « il faudrait d’abord sensibiliser l’opinion publique nationale, puis celle régionale à travers les organisations telles que l’Union Africaine composée de 54 Etats membres, et par la suite, l’opinion internationale ».
L’objectif serait d’obtenir le maximum de soutient de la part des pays partenaires de la Grande île.
De son côté, Arlette Ramaroson, leader de la plate-forme pour la restitution des îles malgaches se dit prête à tout dans ce combat.
« Nous allons utiliser tous les recours possibles pour une bataille juridictionnelle. Désormais, il n’y a plus à discuter sur la légalité et la légitimité de ces îles en tant que propriété malgache » dit-elle.
« Monsieur le Président, nous vous prions de porter la revendication du peuple devant l’Assemblée Générale des Nations Unies durant votre allocution afin de préserver notre souveraineté nationale », peut-on également lire dans une lettre en date du 14 août dernier adressée par la présidente de l’ANM au Président de la République de Madagascar, Hery Rajaonarimampianina, en vue de la 72ème assemblée générale des Nations Unies, à New York.
Au lendemain de l’élection du président français Emmanuel Macron au mois de mai, l’ANM a également évoqué le dossier dans une lettre adressée au nouveau chef d'Etat de l'Hexagone.
La lettre rappelle que les îles en question étaient des dépendances administratives de la Grande Ile rattachées en 1896 à la France qui déclarait colonie française « Madagascar et les îles qui en dépendent ».
Elles auraient donc dû être restituées à Madagascar lors de la proclamation de son indépendance le 26 juin 1960. « Nul n’ignore le profond attachement de la France pour le respect des droits de l’homme, principe d’ailleurs gravé dans le Préambule de la Constitution française. (…) Nous estimons que la restitution des îles malgaches – libérant le peuple malgache du joug de la servitude de la colonisation – serait un témoignage vivant de ce principe », souligne la même lettre.
L’ANM s'est également dite contre toute option de cogestion qui a été avancée par la France, et prévoit la tenue d’un forum national pour sensibiliser tous les malgaches sur la question.
Chez quelques citoyens, la résignation face à un adversaire de taille comme la France semble avoir eu raison de l’enthousiasme patriotique.
Néanmoins, une large partie de la population se dit en faveur de cette lutte. « Nous devons absolument nous battre pour récupérer ces îles sinon le sang versé par nos ancêtres dans la lutte pour notre indépendance aurait été vain » argumente Jérôme Rabe, un résident de la Capitale.
Surtout que les relations franco-malgaches furent particulièrement douloureuse par le passé. L'insurrection malgache qui eut lieu en 1947 et 1948 sur la Grande Ile, alors colonie française, est, aujourd'hui encore considérée comme l'une des pages les plus sombres de l'histoire coloniale française.
En effet, le soulèvement fut accompagné de massacres de colons français et de Malgaches non-indépendantistes et d'une sanglante répression conduite par l'armée française qui a fait entre 11 mille et 100 mille morts, selon les historiens.
Du côté de la France, la question des iles n'est que très peu abordée.
Elle fut toutefois l'objet d’une rencontre à huis clos entre le président et son homologue français, le 28 juin dernier, au Palais de l’Elysée. « Sur ce dossier, les discussions devront se poursuivre », a indiqué brièvement un communiqué de la Présidence de la République de Madagascar à ce sujet.
Une commission consacrée aux îles éparses vient d’être mise en place au niveau du ministère des Affaires Etrangères malgaches et se penchera davantage sur la poursuite des négociations dans ce sens.