Afrique

L'Afrique face aux mouvements sécessionnistes

-"La formation d'un Etat est un processus historique, conflictuel, involontaire et largement inconscient" (Bruce Berman - John Lonsdale).

Esma Ben Said  | 26.01.2018 - Mıse À Jour : 28.01.2018
L'Afrique face aux mouvements sécessionnistes

Tunis

AA/Tunis/Slah Grichi

En Afrique, quand le mot est lancé, justifié ou pas, avec ou sans aucune chance d'aboutir, il est synonyme dans le meilleur des cas de troubles et une dégradation socio-économique; dans le pire de guerres civiles -parfois fratricides-,avec des variantes entre les deux. Le plus dangereux c'est que, quel que soit le déroulement des événements qui s'ensuivent, il perdure...ses conséquences aussi.

Scission, c'est le mot. Un mot qui fait peur, même quand ceux qui le revendiquent recourent à des termes mobilisateurs d'adeptes et de sympathisants, comme autodétermination, libération ou indépendance, nonobstant leurs desseins altruistes de convaincus ou intéressés d'opportunistes. Il signifie dans les faits fracture, un nouvel ordre incertain, une aventure à l'aboutissement flou, du sang, beaucoup de sang, déplacement de populations...

Il fait même peur à la communauté internationale et à ses grands décideurs qui oscillent, dans ces cas, entre deux principes fondamentaux qui dictent leurs décisions dans les sphères de l'ONU : l'intégrité territoriale et le droit à l'autodétermination. Comment démêler deux concepts, élevés au rang de valeurs, qui sont diamétralement opposés, lorsque le conflit est interne et ne concerne pas un envahisseur étranger?

Pourquoi et comment déboute-t-on les doléances de cette partie sécessionniste et accepte-t-on celle d'une autre? Les décisions ne sont souvent pas objectives, encore moins unanimes. A la tête du "client" et à celle de son vis à vis, selon qu'il a ou n'a pas les faveurs des grosses pointures du monde, on privilégie ce concept ou celui-là. Pour les justificatifs qui camouflent l'aspect intéressé de la "chose", il y a toujours des kyrielles de juristes, d'historiens et de diplomates pour s'en charger.

Le politique et l'économique d'abord, le reste ne peut que suivre. Mais quand il n'y a pas de gros intérêts en jeu, les mêmes arbitres se mettent à jongler avec les mots, à pousser vers des solutions conciliatrices comme une décentralisation plus poussée, une certaine autonomie ou même un système fédératif, pour éviter le sécession.

C'est ainsi que Khartoum a été amené à négocier et à accepter l'"indépendance" du Soudan du Sud, après un référendum qui faisait suite aux accords de paix signés en 2005 au Kenya, tout comme l'Ethiopie a laissé, par le même cheminement, l'Etat érythréen naître.

Au Maroc, en Somalie, au Nigéria, au Sénégal et au Cameroun, pour ne citer que ces pays, le Sahara occidental, Le Somaliland, le Biafra, la Casamance et l'Ambazonie, la plus récente "république" à s'auto-proclamer indépendante, n'ont pas eu et n'auront probablement pas de sitôt les mêmes faveurs de la communauté internationale qui a privilégié le principe de l'intégrité territoriale à celui du droit à l'auto-détermination, malgré les soutiens qu'ils ont pu trouver ou trouvent toujours auprès de pays frontaliers. Une autonomie variable est le maximum qu'ils ont ont obtenu ou espèrent avoir, à moins que les pouvoirs centraux ne décident, délibérément ou par la réalité du terrain, de s'en séparer.

QUATRE FACTEURS POUR UNE SCISSION

Les velléités autonomistes et / ou indépendantistes ne sont à vrai dire pas le propre de l'Afrique et ne diffèrent pas, sur plusieurs points, de celles qui se sont manifestées - tantôt pacifiquement, tantôt avec grande violence- et se manifestent encore en France ou en Espagne, par exemple avec les Corses d'un côté, les Catalans de l'autre, en plus des Basques en commun.

Le désir de se séparer du pouvoir central ne peut émaner que d'une communauté distincte concentrée sur un territoire, ou plus exactement dans une région déterminée, qui a sa langue et sa culture (parfois même sa religion) propres et qui présente des motifs de mécontentement qui va du sentiment de marginalisation jusqu'à celui de la persécution. Soit trois facteurs essentiels aisément repérables dans l'ensemble des pays africains et européens cités en exemples, auxquels s'ajoute un quatrième propre au continent du Sud, à savoir les effets à retardement et les séquelles combien profondes de la colonisation.

Nous nous contenterons de deux Etats où l'influence de cet élément a été déterminante. Il s'agit de la Somalie, où le sud (Somaliland) a été soit une colonie soit sous protectorat britannique alors que le nord était colonisé ou administré par les Italiens surtout, et ce de la fin du XIXè siècle jusqu'à l'aube des années 1960. Cette séparation imposée a laissé se développer petit à petit une culture, un état d'esprit et des modes de vie nouveaux et diamétralement opposés ici et là, créant un cassure que l'indépendance puis l'unification du Nord et et du Sud n'a pu souder.

L'effondrement de l'Etat et la guerre civile a précipité l'annonce unilatérale de retrait du Somaliland de l'union.

Idem pour la crise actuelle au Cameroun où le Congrès national du Cameroun du Sud a commis l'imprudence de décréter la scission en annonçant la naissance de l'Ambazonie, la région anglophone du pays englobée dans ce qui a été appelé le Cameroun du Sud, une colonie britannique, en opposition au Cameroun du Nord occupé par les Français.

L'argument essentiel présenté par cette décision serait la volonté majoritaire de la population, "historiquement indépendante", à majorité Igbos, de revenir sur la réunification en 1961 des deux parties dans une République fédérale, avant que le président Ahmadou Ahidjo ne fasse voter par référendum l'Etat unitaire. Indépendamment de la position de Yaoundé qui récuse l'étendue de cette volonté, l'argument ne tient pas, car il n'y avait qu'un seul Cameroun bien avant la Première Guerre mondiale, lorsqu'il était sous protectorat allemand (1884 - 1914). Là aussi, la colonisation et ses relents ont sévi, jusqu'à faire occulter l'histoire d'un pays.

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