Afrique

Congo-Brazzaville: A Pointe-Noire, les pêcheurs mènent la barque

- Près de 30 mille Béninois et Congolais pratiquent la pêche artisanale sur la plage Songolo, à Pointe-Noire (Extrême-Sud)

Slim Jerbia  | 08.06.2017 - Mıse À Jour : 09.06.2017
Congo-Brazzaville: A Pointe-Noire, les pêcheurs mènent la barque

France

AA/Pointe-Noire/ Rosie Tshanda

A peine arrivé dans le village des pêcheurs de Songolo, situé dans le quartier Raffinerie, à Pointe-Noire (l’Extrême-Sud du Congo-Brazzaville), qu’aussitôt une odeur de poisson frais chatouille nos narines.

Ici, tout semble tourner autour de la pêche artisanale. Celle-ci se fait aux moyens de pirogues, comme dans la plupart des pays ouest-africains. Pas moins de 30 mille pêcheurs congolais et béninois se côtoient sur la plage de Pointe-Noire, selon les chiffres de l’Association pour la promotion des initiatives communautaires de la pêche.

Mais la vie, à Songolo, est loin d’être un long fleuve tranquille. Les pêcheurs confient en effet être confrontés à plusieurs difficultés parmi lesquelles l’insécurité foncière, le prix élevé d’une campagne de pêche, le manque de débarcadère et d'embarcadère moderne, sans oublier la concurrence de la pêche industrielle, mieux outillée.

Cette plage de la Raffinerie dite plage de Songolo, les pêcheurs y sont depuis sept années. « Depuis la délocalisation forcée de la concession du Port Autonome de Pointe-Noire, en 2010 », renseigne Innocent Ballo, un Béninois venu rendre visite à ses frères pêcheurs, rencontré par Anadolu.

Accoudé sur une pirogue, il se remémore : « A l’époque, j’étais propriétaire d’une station d’essence qui desservait l’ancienne plage en carburant pour les pirogues. Je me souviens encore du jour du déguerpissement, j’ai perdu ma station d’essence à cause de cette histoire ».

Un souvenir amer qui ne l’empêche pas de regarder vers l’avenir avec espoir : « Je fais autre chose maintenant, je ne vis plus à la plage, je vis loin d’ici mais mes frères et sœurs eux, sont restés ici et j’aime venir leur rendre visite».

Sur ce nouveau site de la Raffinerie, les choses semblent aller bon train. Pirogues sont arrimées sur le sol à la « dalle ». C’est ainsi que l’on nomme l’embarcadère et débarcadère des pêcheurs.

Ngoma Jean Sévérin est un patron pêcheur. Il organise des « campagnes de pêche », c’est-à-dire qu’il fait partir une équipe de pêcheurs en pleine mer. Une campagne coûte approximativement 300.000 CFA, (600 USD) dit-il à Anadolu.

« Mais cette somme ne tient pas compte de la bonne ou de la mauvaise pêche. Que nous ayons des bénéfices ou non, je dois assurer les salaires des pêcheurs », explique-t-il encore.

Une caisse de poissons se vend quant à elle « 5000 CFA, (10 USD). Mais il arrive que les prix augmentent jusqu’à 20.000 CFA la caisse, (40 USD), selon les saisons », ajoute le marin.

Pour ramener des caisses remplis de poissons, les pêcheurs passent plusieurs heures, voire plusieurs jours, en mer.

« Là par exemple, mes pêcheurs sont partis hier à 20h et sont rentrés à 6h du matin. Certaines campagnes durent une journée, d’autres trois. Pour ces diverses campagnes on prévoit généralement des lampes, des bougies, du carburant, du pétrole, de la nourriture, des torches et des piles », énumère-t-il.

A l’arrivée des pêcheurs, les poissons sont déchargés par les godailleurs, terme qui désigne ceux qui exercent des métiers connexes tels que : aider à l’embarcation des pirogues, au déchargement des poissons ou encore à l’arrangement des filets.

A côté de ces godailleurs, on retrouve des « koroman » qui, grâce à leurs charriots, aident les femmes à soulever les poissons jusqu’au goudron, ainsi que des nettoyeurs, chargés d’écailler et de vider les poissons.

« Le Belge », est godailleur sur la plage de Songolo. « J’aide au déchargement des poissons, à soulever les caisses, bref je suis un homme à tout faire ici. C’est de ce que je fais que dépend ma rémunération qui est faite en nature, càd en poissons que je revends ensuite au détail pour avoir de l’argent », confie le jeune homme à Anadolu, tout en déchargeant des caisses de poissons.

La pêche artisanale, un terme générique qui fait référence à la pêche maritime artisanale à la différence de la pêche maritime industrielle, souffre toutefois de la concurrence qualifiée de déloyale des industriels chinois, qui arrivent très tôt écouler leurs poissons avant même que les marins artisanaux ne soient revenus de leurs campagnes.

Une situation que déplore Kassa Yaovi Guy Serge, vice-président de l’Association pour la promotion des initiatives communautaires de la pêche, rencontré par Anadolu.

Heureusement, dit-il, les travaux du Projet d’Etudes pour l’amélioration de la chaîne de valeurs des produits halieutiques PECHVAL, projet qui porte sur la construction d’un centre de pêche artisanal, lancé depuis 2012, prennent bientôt fin. Ce projet initié par le Ministère de l’Agriculture, de l’élevage et de la Pêche du Congo, bénéficie d’un financement à hauteur d’environ 6 millions de dollars USD de la part de l’agence Japonaise de Coopération Internationale au Congo JICA .

Ce projet concerne le traitement de produits halieutiques au moment du débarquement, de la transformation et de la commercialisation. Une question qui semble être une préoccupation majeure des pêcheurs.

« Ce projet va beaucoup nous aider car il a été la cause fédératrice de plusieurs d’entre nous au sein de notre association. Nous pourrons ainsi avoir des voies et moyens pour conserver nos poissons invendus et éviter ainsi les pertes occasionnées par les invendus et la concurrence déloyale que nous subissons », commente Guy Serge.

Mais en attendant d’en arriver là, les pêcheurs artisanaux qui n’ont pas accès aux crédits encore moins aux subventions de l’Etat, continuent à faire la part belle des consommateurs de harengs, requins et autres poissons qui sont pêchés au large de l’océan Atlantique.

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