Côte d'Ivoire: Contrôler l'orpaillage pour embellir le PIB
En Côte d’Ivoire, l’orpaillage clandestin a fait perdre à l’Etat quelques 958 millions de dollars en dix ans, selon les dernières estimations du ministère de l’Industrie.

Cote d'Ivoire
AA/Abidjan/ Issiaka N’guessan
En Côte d’Ivoire, l’orpaillage clandestin a pris des dimensions inquiétantes, durant les dix dernières années, faisant perdre à l’Etat quelques 479,22 milliards de Fcfa soit environ 958 millions de dollars, selon les dernières estimations du ministère de l’Industrie.
Cette situation associée aux impacts négatifs d’une telle activité aussi bien sur l’environnement que sur le tissu social, a poussé les autorités à engager, dès 2014, un ensemble de mesures visant à éradiquer ce phénomène, notamment un "programme triennal de rationalisation de l’orpaillage".
"Face à l'expansion incontrôlée de l'orpaillage dans presque toutes les régions du pays et à ses effets néfastes sur l'environnement et le tissu social, le gouvernement a pris la décision, le 22 octobre 2014, de fermer immédiatement tous les sites illicites d'orpaillage", indique un document d'orientation du ministère de l'Industrie et des Mines dont Anadolu a obtenu une copie.
Selon le Premier ministre ivoirien Daniel Kablan Duncan, ce programme triennal a été élaboré à la lumière d’un rapport du ministre de l’Industrie et des Mines, Jean Claude Brou, qui a tiré la sonnette d’alarme quant à l’ampleur que prennent ces activités clandestines dans plusieurs régions avec des impacts souvent irréversibles.
Ce rapport indique que l'épanouissement de l’orpaillage clandestin a amplement été favorisé par les crises politiques successives vécues par le pays depuis décembre 1999 jusqu’à avril 2011 (date de la crise post électorale).
L'absence de l'administration minière dans certaines régions du pays et la hausse vertigineuse du prix de l'or, qui a atteint jusqu’à 1600 dollars l'once (31,10 grammes) en 2011 contre 250 dollars quelques années plus tôt, sont d’autres facteurs qui ont favorisé le développement de ce secteur clandestin, brassant au passage des milliers de travailleurs, indique la même source.
"Le secteur a généré près de 6600 emplois directs et 18000 emplois indirects en 2015 contre 6800 et 6600 indirects en 2014", selon le document du ministère de l'Industrie.
Des observateurs et des experts, interrogés par Anadolu, estiment que cet engouement pour l'orpaillage clandestin est essentiellement motivé par le gain que l'activité génère, soit environ 10 dollars par jour.
Sans oublier que c'est une activité qui permet d'échapper aux aléas du secteur agricole plutôt saisonnier et tributaire de plusieurs facteurs notamment climatiques et qui plus est ne permet pas de gagner autant.
L'appât du gain n'a pas tardé à séduire même les plus jeunes, poussant plusieurs enfants à quitter les bancs de l'école pour s'y mettre. Un autre inconvénient de taille que le gouvernement veut combattre en contrôlant de près cette activité.
Ainsi, depuis le démarrage effectif du programme gouvernemental en mars 2015, 304 sites clandestins ont été fermés dont 68 dans le Centre, 90 dans le nord et 120 dans l'est du pays, précise une note d'évaluation du ministère de l'Industrie ( juillet 2016).
Pour le gouvernement, la lutte contre l'orpaillage clandestin est d'abord un moyen d’optimiser son secteur minier en augmentant son apport en termes de PIB et en consolidant les investissements porteurs après la levée- en avril 2014- de l'embargo imposé par les Nations Unies durant la crise.
L'objectif du gouvernement est de ramener progressivement les intervenants du secteur informel vers le formel par la formation, le regroupement en coopératives afin de mieux connaître les nouvelles techniques d'exploitation qui préservent la flore et la faune, indique le ministère de l'Industrie.
Aussi et afin d'éviter un retour à l'orpaillage clandestin sur le moyen et le long terme, le ministère prévoit de "formaliser et rationaliser le processus d'exploitation artisanale en poursuivant la délivrance des autorisations d'exploitation minière artisanale et semi-industrielle dans les zones réservées à cet effet, la formation et l'encadrement des artisans miniers autorisés et la réhabilitation des sites abandonnés et ayant fait l'objet d'exploitation illicite", indique le ministère de l'industrie et des Mines.
Interrogé par Anadolu, Séraphin Prao Yao, enseignant chercheur en économie, estime que "la faiblesse" de l'apport des ressources minières dans le PIB ivoirien (5%) incombe, notamment, à "une mauvaise répartition des ressources et au faible nombre de permis d’exploration octroyés".
Estimant que l'initiative de rationalisation entreprise par le gouvernement est louable pour réorganiser le secteur, il a souligné qu'il est également primordial de "revoir la définition des droits de propriété". "Les entreprises exploitent l’or et les ressources au détriment du développement local alors qu'il faut penser à une juste répartition des ressources entre les populations, la société et les multinationales", a-t-il ajouté.
Des priorités qui semblent déjà motiver plusieurs actions gouvernementales.
Ainsi et jusqu'à fin décembre 2015, le gouvernement ivoirien avait octroyé 171 permis d'exploitation minière dont 136 permis pour l'exploration aurifère soit 79,5%.
"La production industrielle de l'or est en constante progression" relève le document du ministère de l'Industrie ivoirien, précisant qu'elle est passée de "7 tonnes en 2009 à 20 tonnes en 2014 et à 23,5 tonnes en 2015" et que "cette tendance à la hausse s'est maintenue malgré la chute des cours des matières premières minérales, en raison notamment de la compétitivité des mines ivoiriennes".
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