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Burundi: Une économie chancelante après trois ans de crise

-Si le Burundi faisait partie des pays les plus pauvres de la planète bien avant 2015, la crise politique et sécuritaire, qui le secoue depuis cette date, n'a pas arrangé les choses, affectant une population déjà vulnérable.

Nadia Chahed  | 21.05.2018 - Mıse À Jour : 22.05.2018
Burundi: Une économie chancelante après trois ans de crise

Bujumbura

AA/Bujumbura/Jean Bosco

Trois ans de crise politique ont affecté le Burundi aussi bien socialement qu'économiquement. Délaissé par ses principaux partenaires financiers, le pays fait face à une situation économique très difficile, affirment des spécialistes interrogés par Anadolu.

Si le Burundi faisait partie des pays les plus pauvres de la planète bien avant 2015, la crise politique et sécuritaire, qui le secoue depuis cette date, n'a pas arrangé les choses, affectant une population déjà vulnérable.

Ainsi, l'année 2017 a-t-elle été marquée par une nette récession économique, indique la Banque mondiale (BM) dans un document publié en octobre 2017.

S'agissant des facteurs de cette récession, l'institution financière internationale évoque notamment "la fragilité de l’environnement politique, la faiblesse de la consommation privée, la contraction de la production alimentaire liées à des chocs climatiques, et des migrations forcées (réfugiés et personnes déplacées à l’intérieur du pays)".

Si l’inflation est restée modérée, à 6,0 %, soit en-deçà du niveau de convergence de 8 % convenu dans les accords d’intégration régionale de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE), les réserves de change sont très faibles et restreignent considérablement les importations, même pour ceux que le gouvernement considère comme prioritaires tels que le carburant et les médicaments, rapporte la même source, notant que "les autorités essayent d’accroître les ressources domestiques pour palier l’arrêt de l’appui budgétaire extérieur".

Avec près de 65% de sa population vivant en-dessous du seuil de la pauvreté, le Burundi se classe à la 180ème place sur 186 pays de l’Indice de développement humain. La pauvreté touche principalement les petits agriculteurs en milieu rural. L’économie burundaise est largement tributaire de l’agriculture, qui emploie 90 % de la population, même si les terres arables sont extrêmement rares, note encore la BM.

La pauvreté affecte surtout les zones rurales, souligne la BM évoquant une "insécurité alimentaire alarmante", le Burundi arrivant dernier au classement sur l’Indice de la faim dans le monde de 2013.

Pour l'institution financière mondiale "le Burundi fait face à de nombreux défis pour parvenir à réduire la pauvreté : faiblesse de l'économie rurale, forte dépendance vis-à-vis l’aide au développement, politique économique qui ne permet pas de répartir équitablement les ressources, vulnérabilité aux chocs environnementaux, et forte croissance démographique avec un taux fécondité de 6,4 enfants par femme".

"Ces trois dernières années, la pauvreté est devenue structurelle au Burundi", déplore pour sa part Faustin Ndikumana, économiste et président de l’ONG Parole et Action pour le réveil des consciences et l’évolution des mentalités (Parcem).

S'exprimant dans une déclaration à Anadolu, il note qu'avec ses 300 dollars de PIB ( produit Intérieur Brut) "le Burundi est le dernier pays de la sous-région (Communauté d’Afrique de l’est (CAE) puisque les autres pays membres de cette communauté ont un PIB par habitant qui dépasse les 600 USD".

En effet les indicateurs économiques se sont encore dégradés depuis que ses principaux partenaires financiers ont tourné le dos à Bujumbura, accusée de "violations des droits de l’homme" en marge de la crise politique et sécuritaire déclenchée en avril 2015 au lendemain de l'officialisation par le président ¨Pierre Nkurunziza de sa candidature pour un troisième mandat jugé illégal par l’opposition et la société civile.

Pour pousser les autorités burundaises à dialoguer avec l’opposition, l’UE a pris la décision, depuis le 14 mars 2016, de suspendre son aide directe au gouvernement burundais. cette mesure restrictive a été reconduite en octobre dernier jusqu’au 31 octobre 2018.

Plusieurs pays occidentaux lui avaient emboîté le pas, notamment la Belgique, la France, l’Allemagne, la Suisse, la Hollande et les Etats Unis.

Des sanctions qui ne pouvaient qu'alourdir les charges du pays dont le budget était financé à plus de 50% par des appuis extérieurs, l’UE y participait à elle seule à hauteur de 20 %.

Privé d’aides européennes, Bujumbura mise désormais sur une dynamique interne pour financer le budget. le budget 2018 sera financé à plus de 70% par des impôts et taxes. L’objectif ultime est, pour les autorités burundaises, de financer le budget de l’Etat à 100%, sans rien attendre de l’extérieur.

La fragilité de l’économie burundaise se traduit aussi par la dépréciation vertigineuse du franc burundais (FBU). «En l’espace de trois ans, la monnaie burundaise s’est dépréciée par rapport au dollar américain à hauteur de près de 60℅», a déclaré à Anadolu Gilbert Niyongabo, professeur à la Faculté de l’Economie à l’Université publique du Burundi (UB).

En avril 2015, un dollar s’achetait à 1700 Fbu ( franc burundais) contre 2700 Fbu en avril 2018. Soit" le taux de dépréciation monétaire le plus élevé dans l'histoire du pays", souligne Gilbert Niyongabo.

Cette dévaluation continue de la monnaie impacte les prix des produits et services de base, souligne dans une déclaration à Anadolu Gabriel Rufyiri, président de l’Observatoire de lutte contre la corruption et les malversations économiques (OLUCOME).

Il cite à titre d’exemple, le prix d'un sac de ciment qui s’achetait à 18.000 Fbu (10 usd) en avril 2015 et qui s’achète aujourd’hui à 32.000 Fbu (18 usd); soit près du double en trois ans.

Par ailleurs, l’insécurité prévalant dans le pays a inhibé l’esprit entrepreneurial et poussé certains opérateurs à délocaliser leurs activités dans les pays de la sous-région comme l’Ouganda et la Tanzanie. «Un bon nombre de restaurateurs, d’opérateurs qui avaient investi dans l’import-export ont fui le pays, ils font les mêmes activités dans les pays voisins», note-t-il encore.

Certains secteurs sont plus affectés que les autres. "Cette crise a sérieusement impacté l’activité économique, en particulier le secteur de l’hôtellerie où une bonne partie du personnel a été licenciée, sans visiteurs, les hôtels tournent au ralenti", a déclaré à Anadolu Marie Josée Inès Mpundu, présidente de la Chambre sectorielle Hôtellerie et tourisme au sein de la Chambre Fédérale de Commerce et d'Industrie du Burundi (CFCIB).

Si le Burundi souffre de problèmes économiques structurels, la crise politique qui le secoue depuis plus de trois ans a empiré la situtaion.

"Depuis son indépendance, le Burundi a connu une grande instabilité politique et de nombreux épisodes de violence. Après l’accord de paix d’Arusha, en 2000, le pays a connu une relative stabilité qui a favorisé une reprise économique. Cependant, la réélection en 2015 de Pierre Nkurunziza à la présidence a déclenché une crise politique qui a fait des centaines de morts". indique la BM à ce propos.










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