Afrique

Au Tchad, être un "enfant nomade", éloigne de l'école

-Selon le ministère tchadien de l’Éducation, seulement 2% d’entre eux, seraient scolarisés, contre 74% des enfants issus des familles sédentaires.

Lassaad Ben Ahmed  | 21.03.2018 - Mıse À Jour : 21.03.2018
Au Tchad, être un "enfant nomade", éloigne de l'école

Chad

AA/N'Djamena/Mahamat Ramadane

En Afrique subsaharienne, l'accès à l'école et l'apprentissage scolaire représente une véritable problématique pour de nombreux pays.

Même si tous les pays du continent noir ne sont pas touchés par une sérieuse crise de l'éducation, la Banque Mondiale avance tout de même le chiffre de 50 millions d’enfants censés fréquenter le primaire ou le premier cycle du secondaire (soit près d’un quart des effectifs des classes d’âge concernées) et qui n’ont jamais été scolarisés ou ont abandonné leurs études, d'après un document intitulé « Perspectives : L’école au service de l’apprentissage en Afrique » (mars 2018).

Ainsi, des pays comme le Tchad, le Liberia ou encore la République centrafricaine et le Soudan du Sud, sont « en retard » quant à l’accès universel à l’éducation primaire. La plupart de ces pays ne sont pas parvenus à développer leur système éducatif en raison de conflits ou d’instabilité politique.

C’est notamment le cas du Tchad, dont les autorités en charge de l’éducation ont du mal à élargir l’accès à l’éducation aux enfants des éleveurs nomades.

Ces enfants ont généralement beaucoup de difficultés à aller à l’école. Pire encore, selon le ministère tchadien de l’Éducation, seulement 2% d’entre eux, seraient scolarisés, contre 74% des enfants issus des familles sédentaires.

- La mobilité des campements rend difficile la scolarisation des enfants nomades -

D’après de nombreux pédagogues du pays, l’environnement écologique et social, et les problèmes associés à la gestion de l’école en milieu pastoral nomade, rendent difficiles l’existence d’un système scolaire adapté.

La faible densité de la population empêche la création de classes adéquates et pérennes.

Selon Abdelkérim Moussa, pédagogue, interrogé par Anadolu, cette situation d’inaccessibilité à l’école des enfants nomades se complique davantage avec la mobilité des campements qui amène parfois les populations nomades à parcourir plusieurs centaines de kilomètres au cours de l’année pour trouver des pâturages à leurs bétails.

Quand les enfants se déplacent avec leurs familles, ils ne peuvent fréquenter régulièrement un établissement scolaire.

D’après le pédagogue, les calendriers scolaires aussi ne sont pas adaptés aux rythmes de la mobilité des campements des éleveurs nomades.

D’un autre côté, les enseignants qui doivent parcourir des centaines de kilomètre dans la brousse pour scolariser ces enfants nomades, sont très mal payés, mal équipés et peu motivés par les autorités en charge de l’éducation.

À cela s’ajoute, d’après certains acteurs du système éducatif du pays, la faiblesse du suivi pédagogique des écoles en milieu pastoral et nomade, par les inspecteurs, à cause du manque de moyens de déplacement.

Les enfants, quant à eux, ne disposent d’aucun matériel scolaire ou didactique.

Ils se contentent d’écrire leurs leçons sur des morceaux de bois taillés, à l’aide des charbons de bois.

- Le changement climatique et les conflits ne facilitent pas la tâche -

Avec le changement climatique qui engendre parfois des précipitations saisonnières irrégulières, des sécheresses, rareté des cours d’eau, les éleveurs nomades sont obligés de migrer des centaines de fois par année, à la recherche de nouveaux pâturages.

Avec la mauvaise répartition des points d’eaux sur l’ensemble du territoire, ces derniers étaient obligés de s’éloigner avec leurs enfants, des villes et des villages pour abreuver leurs troupeaux.

Avec l’insécurité au lac Tchad lié aux attaques terroristes de Boko Haram, la guerre civile au nord de la république centrafricaine, les éleveurs nomades sont contraints de s’isoler avec leurs enfants dans les brousses, pour éviter les kidnappings de leurs progénitures et la confiscation de leurs bétails par des groupes armés contre rançons exorbitantes.

Selon l’association des éleveurs peuls du Tchad «Kawtal», entre 2016 et fin 2017, au moins 150 enfants nomades ont été enlevés par les groupes armés qui exigent des rançons variant entre grosses sommes d’argent et troupeaux.

C'est ce qui pousse les nomades à s’isoler avec leurs enfants, au détriment de l’école.

- Des efforts pour la scolarisation des enfants nomades -

Soucieuses d’offrir un avenir digne à leurs enfants, les familles des éleveurs nomades tentent de s’organiser par groupes de campements pour favoriser leur scolarisation en dépit de nombreux obstacles liés à la discrimination socioculturelle, au climat et à la situation géographique.

Par manque d’écoles dans les campements, les enfants nomades marchent plusieurs heures, traversant des brousses et côtoient des fauves sauvages dangereux, pour rejoindre des écoles communautaires, dans les villages.

Certaines familles sont persuadées par les autorités et se sont installées de manière sédentaire : les vieillards, les femmes et les enfants en bas âge peuvent rester à la maison, tandis que les hommes en âge de travailler partent s’occuper des troupeaux.

Le ministre tchadien de l’Education, Ahmat Khazaly Acyl, a expliqué à Anadolu que le gouvernement tchadien avec l’appui des partenaires, a financé cette année, l’élaboration des programmes scolaires et des manuels didactiques adaptés au système scolaire des nomades.

Il a également formé environ 302 instituteurs spécialisés pour scolariser les enfants des nomades, en prenant en compte des critères socioculturels de ces éleveurs.

L’objectif est, selon le ministre, de scolariser environ 15% les enfants nomades et alphabétiser au moins 10% des éleveurs nomades, les trois prochaines années.

Une ambition réaliste mais paraît difficile à atteindre, si l’on prend en compte les multiples facteurs empêchant la scolarisation de cette frange de la population tchadienne, qui n'est pourtant pas des moindres : 3,5 millions de nomades, dont près tiers sont des enfants.


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