Après mille jours de Blocus ... où en est le Qatar? (Analyse)
Depuis les premiers jours de la crise du Golfe, le Qatar a œuvré à éviter les incidences du boycott et de l’imposition d’un blocus terrestre via l’unique point d’accès avec l'Arabie Saoudite.

Istanbul
AA / Istanbul / Ihsen al-Fekih
Plus de mille jours se sont écoulés depuis que l'Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis, le Bahreïn et l'Egypte ont rompu toute forme de relation avec le Qatar et bloqué tous les points d’accès, maritime, terrestre et aérien avec ce pays, sous divers prétextes et multiples accusations que Doha nie formellement et officiellement.
Une crise, qui s’est enclenchée, le 5 juin 2017, et qui a clôturé son millième jour, le 29 février écoulé, mille jours durant lesquels le Qatar a invité à la tenue d’un dialogue sans préalables, tout en accusant la partie adverse de vouloir imposer sa tutelle, confisquer la décision et violer la souveraineté de Doha.
Depuis les premiers jours de la crise du Golfe, le Qatar a œuvré à éviter les incidences du boycott et de l’imposition d’un blocus terrestre via l’unique point d’accès avec l'Arabie Saoudite.
Doha s’est employé face à cela à contourner ce blocus en comptant sur soi et en affrontant les défis économiques d’abord.
Il ressort de certains rapports que le Qatar a réussi, après moins de trois ans du boycott du Quartet, à réaliser l'autosuffisance en assurant ses besoins alimentaires hauteur de 80%.
Plusieurs parties ont contribué à alléger les conséquences du boycott et à réduire la crainte de retirer les investissements étrangers injectés dans les projets et les banques qataris, ce qui pourrait aboutir à un effondrement économique. Cet état de fait à incité la Banque centrale du Qatar et plusieurs autres autorités financières gouvernementales à injecter sur le marché, en l’espace de quelques semaines, plus de 38 milliards de dollars, puisés dans les réserves estimatives en devises du Qatar, estimées 340 milliards de dollars.
Des mesures prises pour atténuer la pression exercée sur le taux de change de la monnaie locale par rapport aux devises étrangères, tandis que des rapports internationaux et des experts économiques ont souligné que l'économie qatarie est parvenue à amortir le premier choc du boycott à une vitesse inattendue, tout en réalisant une sorte de reprise économique.
Le Qatar dispose de richesses pétrolières et gazières énormes et d’importantes réserves financières qui lui offrent plusieurs options à même de surmonter les mesures de boycott et d’éviter l’effondrement de son économie voire la baisse des taux de croissance par rapport à leurs niveaux normaux. De plus, la hausse des cours du pétrole et du gaz sur le marché mondial au courant de l’année 2017 a contribué à son tour au développement de l’économie du pays.
Il est possible d’avancer que le Qatar a dépassé tout éventuel risque d'effondrement de son économie. Il semble même que des progrès aient été accomplis dans ce secteur en s’ouvrant sur les différents pays du monde et en allant de l’avant sur la voie de l'autosuffisance. De leur côté, les pays du blocus ont d’autres priorités, celles de la Guerre au Yémen et les réformes internes.
Selon plusieurs médias, les Emirats Arabes Unis et d'autres pays du Quatuor du boycott se sont employés à porter atteinte à l'économie qatarie tout au long de la première année de la crise.
Néanmoins, il ressort des rapports du ministère qatari de l’Economie une croissance économique un taux satisfaisant, la plaçant ainsi parmi les taux de croissance économique les plus élevés de la région.
Les politiques économiques du Qatar devraient se poursuivre avec les mêmes niveaux de succès au cours de la troisième année de la crise, et les prévisions indiquent que la crise se poursuivra une année de plus sans solution.
Doha estime que la poursuite de la crise du Golfe est de nature à influer sur les efforts communs déployés par les Etats-Unis et le Qatar dans la guerre menée contre le terrorisme en Irak, en Syrie et en Afghanistan.
Mais il y a des changements qui sont intervenus dans la vision américaine après l'achèvement des principales opérations de combat contre Daech à la fin de l’année 2017, et le changement dans les stratégies américaines pour focaliser sur l'influence iranienne et les possibilités de former une large coalition, dirigée par Washington, contre Téhéran, et à laquelle des pays arabes participent aux côtés d'Israël.
Quant au président américain Donald Trump, il se concentre, généralement, sur le « chantage » des riches pays du Golfe, à travers une série de déclarations qui montrent que la Maison blanche est dépourvue d’un projet sérieux destiné la résolution de la crise du Golfe. Trump a continué à provoquer ces pays en proférant des déclarations du genre : « Certains pays du
Golfe ne pourront pas résister plus d’une semaine sans la protection américaine »", « Ces pays devraient payer plus d'argent aux Etats-Unis », et ces déclarations se sont répétées en plusieurs occasions.
Washington a focalisé ses efforts sur la mobilisation des efforts régionaux et internationaux pour contre le rôle et l’influence de l'Iran dans la région. Le Secrétaire d’Etat, Mike Pompeo, pense que la poursuite de la crise du Golfe sans parvenir à une solution est par conséquent dans l'intérêt de l'Iran, selon ce qu’avait indiqué le département d'Etat américain, qui a salué à maintes reprises les efforts déployés par le Qatar pour lutter contre le financement du terrorisme.
La crise du Golfe a été présente en force dans les discussions et débats des conférences et des forums internationaux traitant de la sécurité régionale et de la stabilité internationale, notamment, au cours de la Conférence de Munich sur la sécurité qui a tenu sa 56ème session à la mi-février.
Durant cette Conférence, le ministre qatari des Affaires étrangères, Mohammed Al-Thani, a souligné lors d'une séance-débat sur le thème : « Réduire l'escalade dans le Golfe », que « le
Qatar était et est toujours ouvert au dialogue, et l'Arabie Saoudite assume la responsabilité de l'échec des efforts visant à résoudre la crise du Golfe ».
Le 20 février dernier, le ministre qatari des Affaires étrangères s'est exprimé devant la Commission des Relations étrangères du Parlement européen dans la capitale belge, Bruxelles, et a fait part de la considération de son pays pour les efforts de médiation déployés par l'émir du Koweït, cheikh Sabah Al-Ahmad Al-Jaber Al-Sabah, soulignant que les pourparlers entre Doha et Riyad, qui ont débuté en novembre 2019, ont été suspendus deux mois plus tard par les Saoudiens sans préalable.
Les dernières semaines ont été ponctuées par une escalade politique et médiatique de la part des pays du blocus contre le Qatar après l'échec des pourparlers saoudo-qataris..
Le Qatar n'a pas souffert de l'isolement international comme le prévoyaient les pays du blocus. Au contraire, Doha a accueilli des dizaines de conférences, de tournois sportifs et d’activités intellectuelles, parallèlement à l’exécution de méga projets liés à l'organisation de la Coupe du monde de football 2022.
L'organisation de la Coupe du Monde de football constitue le plus grand défi auquel fait face le Qatar en termes d'infrastructure de la compétition, s’agissant de la construction des stades ou des hôtels ou la réalisation d’autres projets tels que le métro de Doha, ou d’accroître les capacités d’accueil des aéroports et des ports.
En dépit du boycott et de la tentative de lui imposer un isolement international, le Qatar a préservé son rôle d'intermédiaire crédible dans les conflits locaux et internationaux et pour instaurer la sécurité, la stabilité et la paix dans les zones de conflit. Le Qatar a continué également à assurer le soutien aux personnes touchées par les conflits, les guerres et les catastrophes naturelles dans le monde entier, et à fournir des secours à des millions de réfugiés et de personnes déplacées.
Le 29 février dernier, les efforts de médiation déployés par le Qatar ont été couronnés de succès pour signer un accord de paix entre Washington et le Mouvement afghan des « Talibans » après de longues années de guerre, malgré les « agissements de certaines parties pour saper les efforts fournis en vue de restaurer la paix, dès lors que c’est le Qatar qui parraine ces efforts et qui réunit les protagonistes », a indiqué le ministre qatari de la Défense, Khalid al-Attiyah.
L'Etat du Qatar affirme son « attachement à l’unité et à la cohésion du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) », selon les déclarations faites par l'émir du Qatar, Tamim bin Hamad Al-Thani, lors d’une audience accordée à Doha, au nouveau Secrétaire général du CCG, Nayef Al-Hajraf.
Le Qatar a réitéré sa position constante consistant à reprendre le dialogue pour résoudre les différends entre les pays du CCG dans le cadre des principes énoncés dans la Charte du Conseil. Il s’agit essentiellement du respect mutuel entre les six pays du Conseil, des intérêts communs et de la non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays.
Le Qatar estime que « les pays du blocus n'ont pas l'intention de dialoguer, de même qu’ils ne veulent pas que le Qatar quitte le CCG, dans la mesure où le fait que le Qatar demeure au sein du Conseil garantit aux pays du boycott une protection contre les poursuites judiciaires internationales », selon les déclarations du ministre qatari de la Défense, Khaled Al-Attiyah lors d'une conférence organisée à l’initiative de l’Université de Georgetown à Doha, sur le thème « Le Qatar et les leçons tirées après mille jours de blocus ».