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Evoluant à Nice, le déplacement d’un footballeur algérien en Israël suscite un tollé

- L'international algérien de l’OGC Nice, Hicham Boudaoui, s'est rendu à Israël avec son club français pour disputer un match contre l'équipe de Beer-Shev’a, dans le cadre de la Ligue Europa

Mourad Belhaj  | 11.12.2020 - Mıse À Jour : 11.12.2020
Evoluant à Nice, le déplacement d’un footballeur algérien en Israël suscite un tollé

Algeria

AA / Alger / Hassan Jibril

Le déplacement du footballeur international algérien, Hicham Boudaoui, en Israël, a suscité une large polémique dans son pays, qui rejette aussi bien au plan officiel que populaire, toute normalisation des relations avec Tel-Aviv.

Ce déplacement est intervenu à l'occasion d'une rencontre disputée par le club français de l’OGC Nice, jeudi, contre l'équipe israélienne de Beer-Shev’a, et qui s'est soldé par la victoire de ce dernier par le plus petit score (1-0), en match comptant pour l’ultime journée de la phase de poules de l'Europa League.

Agé de 21 ans, Boudaoui évolue au sein du club du sud de la France, depuis deux saisons, et avait remporté, au mois de juillet 2019, au Caire, la Coupe d'Afrique des Nations avec son pays.

Depuis plusieurs jours, les réseaux sociaux en Algérie, en particulier Facebook et Twitter, pullulent de polémiques au sujet du déplacement de Boudaoui, mardi, en Israël, tout en détenant un passeport algérien. Les internautes algériens, ont évoqué, entre autres points, le fait que le document de voyage détenu par le joueur sera estampillé du cachet d'un Etat dont l'Algérie ne reconnait pas l’existence.

De nombreux intervenants sur Twitter ont considéré cette visite comme étant une normalisation avec « l'entité sioniste » (Israël), au moment où les autorités supérieures en Algérie rejettent toute normalisation quelle qu’en soit la nature.

A l'opposée, d'autres personnes ont estimé que « cette visite s'inscrit dans le cadre d'un engagement de travail sans plus d'un joueur professionnel envers le club au sein duquel il évolue ».

Le président du « Mouvement pour la Société de la Paix » (MSP, principal parti d'obédience islamique en Algérie), Abderrazak Makri, a estimé que les réactions affichées par les Algériens contre la normalisation dans l'affaire de Boudaoui sont « honorables ».

Dans une publication postée sur sa page officielle du réseau « Facebook », Makri a indiqué qu'il ressort des réactions « l'orientation dominante à l'endroit de la Cause palestinienne dans notre pays ».

Nous devons nous rappeler le cas échéant, a-t-il poursuivi, « nos champions sportifs qui ont résisté et qui n'ont pas été tentés par leurs aspirations personnelles, tels que Fethi Nourine, Zakariya Chentouf, Maryem Ben Mussa et d'autres », dans une référence à des athlètes algériens qui ont refusé de se mesurer à des sportifs israéliens.

Selon Makri, « L'affaire de Boudaoui a eu le mérite de mettre à nu une minorité qui épouse les thèses du sionisme dans notre pays et il est étonnant que certains parmi eux instrumentalisent la religion pour justifier la servitude, comme si on avait affaire dans ce cas aux Juifs et à la religion juive ».

« Ceux-là feignent d'ignorer que la Cause est celle de l'occupation d'une terre, le déplacement d'un peuple, la profanation de symboles sacrés et de conspiration contre une Nation tout entière », dans une référence au peuple palestinien, a-t-il dit.

Makri a ajouté que « la cause est religieuse et touche tous les Musulmans et il faut mettre en place une stratégie qui concerne une Nation tout entière mais pour nous en tant qu’Algériens, il s'agit d'une cause nationale aussi, compte tenu de la spécificité de l'Histoire de l'Algérie ».

Pour sa part, Abdelkader Bengrina, chef du parti de l'Egalité et l'Edification (d'obédience islamique) a souligné que « ce qu'a fait Boudaoui est considéré par tous les Algériens comme étant un voyage assimilé à un pêché ».

Candidat à la Présidentielle de 2019, Bengrina a qualifié, donc dans une publication diffusée sur son compte « Twitter » le voyage de Boudaoui en Israël comme étant « indigne pour tout algérien où qu'il soit ».

Il a appelé « les responsables des secteurs de l'information, de l'éducation et de l'orientation en Algérie à intensifier leurs efforts pour assurer une meilleure prise de conscience auprès de nos jeunes, afin d'éviter qu'ils ne soient la proie de pareils errements que nous espérons qu'ils ne se reproduiront plus et que leurs auteurs présenteront des excuses ». Pour sa part, Hafidh Darraji, le célèbre journaliste et commentateur algérien à BEIN Sport, a qualifié l'épisode en question d'un « non-événement ».

Dans un post publié sur son compte « Facebook », Darraji a écrit que « cette affaire ne doit pas constituer un événement qui nous préoccupe et qui nous mène à mettre en doute les intentions et les positions ».

Selon Darraji, « le joueur professionnel, même si c'est un international, appartient à son club et non pas à la sélection de son pays, et le club de Nice est un club français et non pas algérien, pour que l’on soit poussé à prendre position ».

Il a tenu à préciser que « Celui qui réclame une réaction du sélectionneur national ou de la fédération de football ou même des autorités algériennes est dans son tort ».

Darraji a expliqué cela par le fait que Boudaoui représente son club, compte tenu de son engagement, étant lié par un contrat professionnel en tant que joueur, loin de ses convictions politiques ou religieuses, qui demeurent inchangées pour tous les algériens où qu'ils soient ».

« Celui qui pense que le déplacement du joueur avec son équipe aux Territoires palestiniens occupés porte atteinte à la réputation et à la position de l'Algérie vis-à-vis de la Cause palestinienne à tout faux », a-t-il souligné.

« Toute cette affaire peut être résumée en un simple engagement professionnel sans plus. Il ne s'agit pas de normalisation ou d'une reconnaissance d'une entité que l'Algérie ne reconnait point », a-t-il relevé.

Pour sa part, Kamel, le frère de Hicham Boudaoui, a tenté d'expliquer sur son compte « Facebook » la situation difficile que traverse le joueur international.

« Mon frère a déployé des efforts avec la direction de son club pour qu'il soit dispensé d’effectuer ce déplacement dans les Territoires palestiniens occupés mais, la direction a prétexté des arguments du genre les multiples blessures au sein de l'effectif et la désignation d'un nouvel entraîneur à la barre technique du club », a-t-il dit.

« Toute la famille évolue sous une pression terrible depuis plusieurs jours à cause de cet incident », a ajouté Kamel Boudaoui, affirmant que son frère Hicham est « encore jeune et c'est ce que doivent comprendre les algériens ».

Cette polémique coïncide avec une autre soulevée après l'annonce faite, jeudi, par le président américain, Donald Trump, de l'approbation du Maroc de normaliser ses relations avec Israël, ce qui a été affirmé par Rabat, ultérieurement dans la journée dans un communiqué publié par le Cabinet Royal.

L'Algérie ne reconnaît pas Israël et rejette l'établissement de relations avec l'Etat hébreu, indiquant qu'elle demeure attachée à la décision de la Ligue des Etats Arabes, fondée sur la création d'un Etat palestinien indépendant, aux frontières du mois de juin 1967, avec Jérusalem comme capitale.

Cette position a été réaffirmée par le président Abdelmajid Tebboune, au mois de septembre dernier, quand il a souligné « qu'il existe une course vers la normalisation avec l'entité sioniste, à laquelle l'Algérie n'a pas participé et ne participera pas, dans la mesure où la Cause palestinienne est sacrée ».

Les Emirats et le Bahreïn ont signé, le 15 septembre dernier, à Washington, les Accords d’Abraham portant normalisation de leurs relations avec Israël. Les deux pays du Golfe ont été suivis, le 23 octobre, par le Soudan qui a annoncé être favorable à une normalisation similaire.


*Traduit de l’Arabe par Hatem Kattou

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