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ANALYSE - Première année de politique étrangère de Joe Biden : Autant de succès que d'objectifs non atteints

- Les efforts du président américain pour reforger les alliances et redéfinir les relations avec ses adversaires ont donné des résultats inégaux

Michael Gabriel Hernandez  | 19.01.2022 - Mıse À Jour : 19.01.2022
ANALYSE - Première année de politique étrangère de Joe Biden : Autant de succès que d'objectifs non atteints

Washington DC

AA / Washington / Michael Hernandez

Le président américain Joe Biden est entré en fonction en promettant de reforger les alliances de longue date de l'Amérique, après les tumultes de l'administration précédente et de redéfinir les relations avec les principaux adversaires.

Un an après, les résultats sont plutôt mitigés.

S'adressant aux diplomates du département d'État, deux semaines seulement après son entrée en fonction, Biden a clairement indiqué qu'il voulait que le monde sache que "l'Amérique est de retour ; la diplomatie est de nouveau au centre de notre politique étrangère".

"Nous allons restaurer nos alliances et nous engager à nouveau avec le monde, non pas pour relever les défis d'hier, mais ceux d'aujourd'hui et de demain", avait-il déclaré.

Et d’ajouter : "Le leadership américain doit faire face à cette nouvelle ère de progression de l'autoritarisme, notamment aux ambitions croissantes de la Chine de rivaliser avec les États-Unis et à la détermination de la Russie de porter atteinte à notre démocratie et de la perturber."

Le ton de rivalité donné par Biden à l'époque continue de résonner aujourd'hui, même si ses promesses de renforcer les alliances traditionnelles et de se réengager dans les organisations internationales ont parfois été bouleversées par l'évolution de la dynamique mondiale.


** L'Afghanistan : Un retrait dans le chaos mené en collaboration avec les alliés


Joe Biden a promis de restaurer la confiance entre les alliés de l'OTAN, fortement ébranlée par l'approche impétueuse de l'ancien président Donald Trump vis-à-vis de l'alliance transatlantique. Il en avait besoin pour mettre fin à la plus longue guerre des États-Unis.

Le retrait des troupes d'Afghanistan, indépendamment de son calendrier, risquait d'être âpre et chaotique. Mais aucun responsable aux États-Unis ou en Europe n'avait prévu l'ampleur de cette débandade.

La résistance de l'ancien gouvernement reconnu par la communauté internationale, qui a tenu tête aux Taliban pendant des mois, voire un an, s'est rapidement estompée à mesure que les Taliban intensifiaient leur offensive militaire dans tout le pays, forçant les forces afghanes formées et équipées par l'OTAN à se rendre et à battre en retraite.

En août, la situation a atteint un crescendo sanglant. Les Taliban ont pris Kaboul alors même que les forces américaines et internationales, ainsi que les diplomates, se trouvaient encore dans la capitale. Des milliers d'Afghans se sont précipités vers l'aéroport international en quête d'une évacuation par les forces occidentales avant la date limite de retrait fixée au 30 août.

Dans le cadre de l'effort international mené par les États-Unis, plus de 124 000 Afghans "à risque" ont quitté le pays par avion, dans ce qui est devenu une des plus vastes évacuations de masse de l'histoire.

Malheureusement, plus de 150 Afghans et 13 membres des forces américaines ont perdu la vie dans un attentat-suicide le 26 août, revendiqué par la filiale afghane de Daech, le groupe terroriste qui n'a fait que gagner en puissance depuis le retrait des forces internationales.

20 ans après l'invasion de 2001, il ne reste plus de militaires américains en Afghanistan, ce qui répond à un objectif clé de la politique étrangère de Joe Biden, qui souhaitait mettre fin à la plus longue guerre des États-Unis.


** La refonte des alliances avec l'Europe se heurte aux aspirations liées au Pacifique


Lorsque les États-Unis ont annoncé, aux côtés de l'Australie et du Royaume-Uni, la formation d'une nouvelle alliance militaire trilatérale connue sous le nom d'AUKUS, ils n'ont pas prévu la violente réaction qu'elle susciterait en Europe.

Le pacte vise ostensiblement à contrer les aspirations régionales de la Chine, mais il s'est accompagné d'un accord par lequel les États-Unis et le Royaume-Uni fournissent à l'Australie le savoir-faire nécessaire pour construire sa propre flotte de sous-marins à propulsion nucléaire.

Cela a conduit à l'annulation d'un important contrat d'armement franco-australien d'une valeur de quelque 90 milliards de dollars, visant à fournir à Canberra des sous-marins à propulsion conventionnelle, ce qui a suscité la colère de Paris, qui a violemment critiqué ce contrat.

Le président français Emmanuel Macron a rappelé les ambassadeurs de son pays aux États-Unis et en Australie et a appelé publiquement l'Europe à réduire sa dépendance militaire vis-à-vis des États-Unis, dans ce qui a constitué la pire crise diplomatique entre alliés sous la présidence de Joe Biden.

Les tensions se sont depuis lors apaisées, mais les effets durables de cette crise demeurent entiers.


** Chine : Les tensions de l'ère Trump persistent malgré la volonté de redéfinir les relations


L'accord AUKUS n'était qu'un aspect du recentrage des États-Unis sur l'Asie. Il s'est accompagné de la volonté de Biden de renforcer les liens avec les principaux alliés asiatiques que sont le Japon et la Corée du Sud.

Il n'est donc pas surprenant que la première invitation de la Maison Blanche à un dirigeant étranger ait été adressée à l'ancien Premier ministre japonais, Yoshihide Suga, suivi rapidement par le président sud-coréen, Moon Jae-in, qui s’est rendu à Washington un mois plus tard.

Et, après avoir convoqué une réunion virtuelle des puissances du Pacifique que sont l'Australie, l'Inde et le Japon, le président Biden les a réunis en personne à Washington en septembre, pour le tout premier sommet en personne au niveau des dirigeants de ce que l'on appelle la Quadrilatérale.

Au cœur de cette effervescence diplomatique, la Chine, qui s'affirme de plus en plus dans la région, et, dans une moindre mesure, la Corée du Nord, qui a procédé à des essais de missiles balistiques dans la région au mépris des résolutions et des sanctions des Nations unies.

Les provocations de Pyongyang, qui aurait notamment testé des missiles hypersoniques, ont jusqu'à présent empêché la levée des sanctions internationales, ce que la Corée du Nord réclame avant de reprendre les pourparlers sur sa dénucléarisation.

Bien qu'il se soit engagé à redéfinir les relations avec la Chine en passant de la confrontation à une relation de rivalité, Joe Biden n'a pas mâché ses mots sur la façon dont il considère la Chine et son président Xi Jinping, affirmant à plusieurs reprises que son homologue est déterminé à redéfinir l'ordre mondial et à asseoir la suprématie de l'autoritarisme sur la démocratie.

"C'est un combat entre les démocraties du XXIe siècle et les autocraties", a déclaré le président américain lors de sa première conférence de presse en mars. "Nous devons prouver que la démocratie est porteuse d'avenir", avait-il souligné.

Le mois où Joe Biden a tenu ces propos a également été marqué par un désormais tristement célèbre sommet entre les États-Unis et la Chine en Alaska, qui a dégénéré en un échange d'injures, inédit sur la place publique, entre les hauts diplomates américains et chinois.

Un sommet virtuel tenu en novembre entre Biden et Xi a été nettement plus courtois, mais n'a pas débouché sur une avancée majeure dans les relations sino-américaines, les deux pays continuant à se renvoyer la balle sur fond d'inquiétudes de Washington concernant la répression des droits de l'Homme à Hong Kong et d'avertissements concernant une éventuelle invasion de Taïwan.


** Biden aspire à la stabilité avec la Russie, mais peine à y parvenir


Le président américain a terminé son premier voyage à l'étranger en juin par un face à face très attendu avec le président russe, Vladimir Poutine, dans ce qui a été présenté comme un effort pour construire une relation "stable et sans surprises" avec le Kremlin.

Ce sommet n'a cependant pas permis d'apaiser les tensions bilatérales, les deux hommes cherchant à trouver un consensus sur une multitude de questions, du contrôle des armements aux allégations américaines de cyberattaques russes.

Les ambassadeurs des États-Unis et de la Russie ont toutefois réintégré leur poste dans les capitales des deux pays, ce qui constitue une avancée relativement modeste.

La rencontre virtuelle de deux heures entre Poutine et Biden, en décembre, est intervenue alors que Moscou commençait à rassembler des effectifs militaires le long de sa frontière avec l'Ukraine pour la deuxième fois en 2021. Ce déploiement n'a fait que se poursuivre, totalisant désormais plus de 100 000 soldats, ainsi qu'un important soutien en artillerie et en véhicules blindés.

Les tensions sont restées vives en janvier à la suite d'une cyberattaque contre le gouvernement ukrainien, que l'Europe a imputée à la Russie. Les États-Unis et leurs alliés européens ont mis en garde contre des sanctions économiques "dévastatrices" à l'encontre de Moscou, si la Russie devait de nouveau envahir l'Ukraine, après avoir annexé la péninsule de Crimée en 2014.


*Traduit de l’Anglais par Mourad Belhaj

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