Tunisie : Tataouine, après la grogne, la tempête ?

Tunisia
AA / Nacer Talel
Alors que les tergiversations et les tiraillements politiques continuent à persister au sommet de l’État, alimentant ainsi, les sentiments de colère et de mécontentement social, dans un contexte où l’épidémie de la covid-19 continue de provoquer des dégâts à tous les niveaux, la situation à Tataouine, au sud de la Tunisie, s’oriente plutôt vers un blocage, voire une nouvelle escalade.
Jeudi, les meneurs des protestations d’el-Kamour, en signe de refus de ce qu’ils qualifient comme “la non tenue” de promesse faites par le gouvernement, ont essayé d’atteindre l’une des principales vannes de pétrole pour, encore une fois, arrêter le pompage.
Mais l’armée tunisienne les a empêchés. Ils se sont alors dispersés dans la région en barricadant plusieurs routes reliant entre les différentes délégations du gouvernorat de Tataouine.
Le conflit ne date pas, au fait, d’aujourd’hui. L’année dernière, des jeunes chômeurs à Tataouine ont fermé la principale vanne de pompage de pétrole pour exiger la réalisation d’un accord conclu avec les autorités en 2017.
Après plusieurs semaines de blocage, une commission gouvernementale a enchaîné des discussions avec les jeunes et les autorités locales pour s’accorder sur les démarches à effectuer pour mettre en œuvre les différents termes de l’accord.
Quelques mois après, les jeunes ont estimé que la commission n’a pas tenu ses promesses, évoquant une trahison.
Ils se sont réunis, samedi, pour décider des prochaines démarches, entre-autres, un ultimatum de 3 jours à ladite commission pour la réalisation de l’intégralité de l’accord de 2017.
Les jeunes affirment être prêts, le cas échéant, à se diriger en grand nombre au désert d’el-Kamour pour couper l’approvisionnement en pétrole.
À la cité « Ennour », Yassine et ses congénères ont installé leur tente après un appel lancé par Tarek El-Hadded sur les réseaux sociaux. Des pneus prêts à être brulés, des lots de pierres qui serviront à bloquer les routes, sont aussi à disposition, mais aussi des détergents qui, selon les jeunes, serviront à nettoyer les lieux en cas de dénouement.
Sur les murs fraîchement tagués, on peut lire « Le peuple veut mais vous (gouvernement) ne voulez pas… », « Appliquer l’accord » , « Libérez nos amis » (ceux qui ont été arrêté dans le désert entrain d’acheminer des marchandises de contrebande et qui ont participé aux manifestations).
Sur l’avenue principale, une autre tente a été installée. Hamza, jeune de 25 ans, que nous avons rencontré l’année dernière dans le désert d’el-Kamour, est déjà prêt à toutes les éventualités.
« L’année dernière, Said Ar’Oud et Taher faisaient l’aller-retour entre el-Kamour et Tataouine pour approvisionner les protestataires. Le jour où on a réussi à fermer la vanne, les deux ont parcouru le trajet plus de 4 fois. Taher était au volant lorsque leur voiture s’était renversée et ils avaient perdu la vie. Avant eux, en 2017, Anouar Sokrafi avait été écrasé par une voiture de la Garde nationale… On n’est pas ici pour s’amuser, c’est pour eux que nous tenons à arracher leurs droits, qui sont les nôtres ».
Pour Tarek El-Hadad, les gouvernements qui se sont succédés ont tous failli à tenir leurs promesses.
« Nous avons perdu l’espoir d’avoir un gouvernement honnête. Nous avons perdu nos amis qui sont sortis pour la dignité, le travail et la liberté, les mêmes slogans que le peuple Tunisien a scandés en 2011. Quand nous avons fermé la vanne, l’année dernière, le Premier ministre a déclaré que les pertes étaient estimées à 800 millions de dinars. Alors on demande où est-ce qu’il est passé tout l’argent qu’ils gagnaient depuis des années et des années. Nous n’avons rien vu de cela à Tataouine ».
Jeudi dernier, lorsque Tarek et ses amis avaient essayé de fermer la vanne, les militaires tunisiens les ont empêchés.
« Nous respectons l’armée nationale, et nous sommes prêts à se sacrifier pour elle. Mais ceux qui nous ont frappés, ne sont pas les nôtres, ils protègent les intérêts de compagnies. Nous les respectons mais ils doivent nous respecter aussi, parce que la souveraineté est au peuple, qu’ils le veuillent ou pas ».
Pour Khalifa Bouhawach, un autre jeune sit-inneur, “Tataouine est, aujourd’hui, à une croisée de chemins, un tournant dans le processus de négociations. Des décisions ont été prises après plusieurs sessions de négociation entre toutes les parties prenantes, que seule leurs application en inégalité peut résoudre les problèmes de Tataouine en matière de chômage, d’infrastructure, de développement et de création d’un environnement propice à l’investissement ».
Il ajoute qu’« à la fin de l’ultimatum, toutes les parties doivent travailler pour l'application et la mise en œuvre de ces décisions. Ce sont nos droits légitimes, pour qu’on puisse avancer et s’occuper de sujets plus importants. Revenir au point de départ n’est pas dans l’intérêt d’aucune partie. Ni nous, ni le gouvernement, ni les compagnies (pétrolières), ni la société, ni les responsables dans ce pays, ne doivent oublier que seul le traitement des problèmes sociaux pourra apaiser les tensions. »
Joint par téléphone, Adnen Yahyaoui, membre de l’Union régionale du travail à Tataouine, indique qu’une réunion entre les gouvernent et le comité des négociations de Tataouine aura lieu mardi à Tunis.
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