Les huiles essentielles : Une aubaine pour les exportations rwandaises
-Des économistes alertent, toutefois, ,quant au risque de voir ces nouvelles cultures primer sur celles vivrières et menacer ainsi la sécurité alimentaire du pays

Kigali
AA/Kigali/Henri de Marie
A côté du thé, du café et des minéraux, qui ont représenté 60% de ses exportations en 2016, le Rwanda se tourne désormais vers le développement de nouvelles filières à même de renflouer ses entrées en devise et de diversifier son offre, parmi elles, celle des huiles essentielles..
Durant la phase 2 de son plan économique, le Rwanda, prévoit, en effet, d'accroître ses exportations de l'ordre de 28% d'ici 2020.
Pour atteindre cet objectif, plusieurs actions ont été identifiées dont une diversification de l'offre à travers un développement de nouvelles filières.
Denis Ntirugirimbabazi, président d'une coopérative agricole dans le district de Kamonyi dans le Sud du Rwanda s'est lancé dans la culture de géranium, pyréthrum, eucalyptus et autre patchouli, destinées à l'extraction des huiles essentielles.
Interrogé par Anadolu sur les raisons de ce choix, Ntirugirimbabazi a évoqué la baisse de rentabilité des cultures traditionnelles et l'ambition de tenter une expérience différente.
"La culture du maïs, haricot et d'autres céréales n'est plus rentable pour notre coopérative, c'est pourquoi nous avons décidé d'essayer la culture des plantes à huiles essentielles", explique-t-il.
La culture du maïs et des haricots rapporte en moyenne 2000 dollars par an, chiffre que nous pouvons tripler si l'on se met aux huiles essentielles, note Ntirugirimbabazi.
Nicholas Hitimana est l'un des premiers cultivateurs rwandais à s'être lancé dans cette filière des plantes aromatiques. Une expérience qu'il a démarré en 2004, par l'importation de plantes d'Afrique du Sud.
Aujourd'hui, il cultive 25 hectares de plantations de patchouli, de citronnelle et d'eucalyptus et se dit "optimiste" quant à l'avenir de cette filière "très prometteuse".
"Je suis un agronome de formation et ce n'est que par le travail de la terre que je peux décemment gagner ma vie. J'ai choisi cette filière encore peu connue car elle est lucrative sur le marché international. Ce sont des cultures à grande valeur commerciale." explique-t-il à Anadolu.
Un litre d'huile essentielle peut coûter jusqu'à 200 dollars selon l'Office national du développement des exportations agricoles.
Ces huiles sont principalement utilisées dans la fabrication de certains produits cosmétiques et pharmaceutiques.
Conscientes de l'opportunité de développer une telle filière, les autorités en charge de l'exportation au Rwanda multiplient les campagnes de sensibilisation pour inciter les paysans à s'intéresser à la culture de ces plantes.
Entre 2017 et 2022, les huiles essentielles connaîtront une hausse de 7% sur le marché mondial, selon le cabinet d'analystes "Market Research Future". Pour mieux s'imposer sur ce marché, le Rwanda s'est doté en 2014 d'équipements de pointe pour tester et certifier les huiles essentielles.
"Ce laboratoire est un réel soulagement pour nos exportateurs. jusqu'à récemment, nos exportateurs étaient obligés de dépenser annuellement 300 mille dollars pour faire certifier leurs produits à l'étranger. Or, aujourd'hui, ils ne devront débourser que 250 dollars." a confié à Anadolu Antoine Mukunzi, directeur du laboratoire de contrôle de la qualité au sein de Rwanda Standards Board.
Selon les chiffres de l'office national du développement des exportations agricoles, l'exportation de 14 tonnes d'huiles essentielles en 2014 a rapporté 473000 dollars au Rwanda. Le pays ambitionne de doubler ce chiffres d'ici 2020.
Cependant, certains économistes appellent à la prudence. C'est bien de diversifier les exportations mais il faut instaurer un équilibre sinon la famine va s'installer dans le pays, relève l'économiste Alain Tuyishime, ajoutant qu'attirés par le gain, les agriculteurs auront tendance à privilégier ces plantes aux dépens des cultures vivrières ce qui peut provoquer une inflation car on manquera de nourriture.