Bénin: Ces mariages qui ne durent que le temps du jeûne
Ces mariages, généralement célébrés dans les mosquées, sont souvent motivés par la volonté d'obéir à Dieu, témoignent des jeunes mariés et des islamologues.

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AA/ Parakou (Bénin)/ Serge David Zouémé
A Parakou, ville à majorité musulmane située à plus de 400 kilomètres de Cotonou, dans le Nord du Bénin, le mois du Ramadan rime avec la célébration de mariages collectifs.
Ces mariages, généralement célébrés selon la tradition musulmane dans les mosquées, sont souvent motivés par la volonté d'obéir à Dieu, témoignent des jeunes mariés et des islamologues.
En effet,"le mariage est sacré pour la femme. Le prophète a dit que si la femme croit en Dieu et qu’elle jeûne pendant le ramadan auprès de son mari, elle ira directement au paradis. Et comme nous voulons tous le paradis, la femme s’empresse pour se marier afin de vivre le ramadan chez son mari", explique la prêcheuse Amziath Faouzi,
« A moins d’un mois du Ramadan, nous avons déjà célébré une dizaine de mariages à la mosquée centrale de Parakou et nous prévoyons au total une vingtaine avant la fin du mois du jeûne», a déclaré à Anadolu Youssouf Moukaïla, Imam de cette mosquée.
Issa Moutiwou, quadragénaire, islamologue à la mosquée de Yéboubéri, également à Parakou, affirme lui aussi, que le nombre de mariages connait, toujours, une hausse à l'approche du mois du ramadan.
Seulement, ces mariages décidés, généralement, à la hâte ne font, souvent, pas long feu. Certains ne durent même que le temps du mois du jeûne, donnant lieu à des séparations en dépit des efforts déployés par les prêcheurs pour éviter de tels scénarios.
Rachidath M’Po, 29 ans, jeune musulmane de Parakou, divorcée quatre mois seulement après le mariage raconte à Anadolu sa triste expérience. « J’avais 27 ans lorsque je me suis mariée, c'était à la veille du Ramadan parce que je tenais à vivre les grâces de Allah le miséricordieux en cette période de jeûne. Tout s’était bien passé mais quatre mois après le mariage, mes beaux-parents ont estimé que je n’étais plus la femme qu’il fallait pour leur enfant et c’est là que nos problèmes ont commencé", déclare-t-elle.
Pour la socio-anthropologue, Mariam Fousséni, 52 ans, lorsque le mariage est décidé de façon précipitée à la veille du Ramadan, il y a de fortes chances qu’il aboutisse à un échec. « Dans de tels cas, les conjoints n'ont souvent pas le temps ni l'occasion de se connaître ni de se préparer à la vie conjugale. Au lendemain du mariage, ils se rendent compte qu’en réalité, ils ne se connaissent pas vraiment au point d’aller au mariage et fonder ensemble un foyer. Donc après le jeûne, les conjoints mariés verront resurgir leurs vieilles habitudes, ce qui donne lieu aux conflits dans les ménages et la solution, c’est le divorce parce qu’ils ne s’acceptent plus du tout », explique-t-elle à Anadolu.
Youssouf Moukaïla, prêcheur à la mosquée centrale de Parakou, déplore la fragilité de ces mariages qui, à l’en croire, serait souvent due à la méconnaissance totale et mutuelle des conjoints avant d’aller au mariage. Pour qu’un mariage prospère, a-t-il conseillé, ‘’il faut d’abord bien se connaître, se comprendre et se respecter".
Issa Moutiwou, islamologue à la mosquée de Yéboubéri, rappelle de son côté, que "le mariage est un acte de foi, d’amour et de dévotion à Allah qui doit traverser les générations jusqu’à la mort".
D'ailleurs, et en vue d'éviter ces séparations les imams et les prêcheurs de Parakou insistent sur la prévention des divorces dans leurs sermons et prêches aux jeunes couples et aux futurs mariés, ajoute-t-il.
«En tant que leaders religieux, c’est notre manière d’aider à la consolidation des couples mariés et à prévenir les divorces qui deviennent nombreux à Parakou au sein de notre communauté musulmane », conclut Youssouf Moukaïla.
L'Islam est la religion la plus pratiquée au Bénin (27,7% de la population), selon une enquête publiée par le quotidien Matin Libre, en avril 2016.