Afrique/Tabaski: Facebook au service du souk
- A l’approche de la fête de Tabaski, les points de vente de moutons se multiplient et chaque vendeur y va de sa technique en recourant, de plus en plus, aux réseaux sociaux

Cameroon
AA/Yaoundé-Béni (RDC)-Niamey/ Anne Mireille Nzouankeu-Al-hadji Kudra Maliro-Illa Kané
D’un pas rapide, Abdoulaye Abakachi avance dans le marché de moutons de la capitale camerounaise, Yaoundé.
Il se dirige avec assurance vers un comptoir, discute un moment avec le vendeur et repart avec un mouton, pour la Tabaski (Aïd el Adha), célébrée lundi, au Cameroun. Il ne s’est pas arrêté dans d’autres comptoirs, pourtant, il assure qu’il ne connaissait pas ce vendeur avant d’arriver dans ce marché.
En fait, Abakachi a lu un message publié dans un groupe sur le réseau Facebook auquel il appartient. Ce message disait : «A l’attention de ceux qui veulent acheter le mouton du sacrifice, merci de vous rendre chez Oumar, comptoir numéro 8 au marché des moutons. Votre prix sera le nôtre », explique-t-il à Anadolu en montrant son téléphone portable.
«C’est la première fois que je lis des annonces de ce genre. J’ai trouvé que c’était une bonne approche. Nous sommes à l’ère des nouvelles technologies et c’est intéressant de les utiliser », explique l’acheteur, rencontré à Yaoundé par la correspondante d’Anadolu.
«A l’approche de la fête de la Tabaski, les bergers viennent des villages avec les moutons. Il y a donc un surnombre de vendeurs et beaucoup de points de vente improvisés. Les gens préfèrent acheter leurs moutons près de chez eux au lieu de parcourir de longues distances pour arriver jusqu’au marché. J’ai pensé à utiliser les réseaux sociaux pour me faire connaître », explique Oumar Babadjo, vendeur de moutons à Yaoundé. Et la technique marche.
«J’ai vendu six bêtes depuis ce matin, quatre des six acheteurs sont venus grâce aux annonces publiées sur les réseaux sociaux », affirme-t-il.
Boukar, lui aussi vendeur de moutons, a décidé, pour sa part, de publier les photos de ses bêtes dans un autre groupe Facebook. Il raconte qu’il a opté pour cette méthode tout à fait par hasard. «Un jour, un ami qui était en voyage et qui voulait acheter une bête pour sa famille m’a demandé de lui envoyer quelques photos pour qu’il puisse facilement faire son choix. Il a choisi une bête et je suis allé la déposer chez lui », se souvient Boukar.
«Après cette expérience, je me suis dit qu’il y a certainement d’autres personnes qui sont dans la même situation et j’ai commencé à poster des photos sur facebook », ajoute-t-il.
La plupart de ses clients sont des travailleurs ou chefs de famille disposant de peu de temps libres. C'est la raison pour laquelle il a également opté pour un service de livraison à domicile. Boukar assure qu’il vend près de 70 pour cent de ses bêtes, après avoir montré leurs photos.
Cette année, le prix des moutons a varié entre 50 000 Fcfa (90 USD) et 150 000 Fcfa (272 USD) dans la plupart des villes du Cameroun, un pays où les Musulmans sont estimés à 20%, selon des chiffres officiels. Si les commerçants qui utilisent internet pour vendre, font de bonnes affaires, les vendeurs classiques, eux, se plaignent, pour leur part, d’avoir moins d’affluence que les années précédentes.
«Les clients marchandent beaucoup. On peut discuter pendant une heure pour un seul mouton. Depuis le matin j’ai vendu un seul mouton. C’est décourageant», a déclaré à Anadolu, Abdoulkarimou , vendeur de moutons. Les clients rencontrés par Anadolu rattachent ce marchandage à la dégradation du pouvoir d’achat des ménages pour qui la fête du mouton a lieu une semaine seulement après la rentrée scolaire, cette année.
«Nous avons dépensé tout notre argent pour payer l’école de nos enfants et les fournitures scolaires. Nous sommes obligés de serrer la ceinture pour avoir un mouton», dit Ibrahim Youtap.
Ce recours aux réseaux sociaux pour acheter le mouton de l'Aïd n'est pas propre au Cameroun. Il est en effet de mise dans d'autres pays du continent tels le Niger où prés de 95% de la population est de confession musulmane.
"Cette année, les réseaux sociaux, notamment, facebook et whatsapp, ont été considérablement mis à profit pour la vente de moutons", témoigne Souley, père de famille, rencontré par Anadolu dans le marché de Niamey, la capitale nigérienne.
"Il y a deux mois, j’ai créé une page sur facebook où j’ai mis les photos des moutons que je voulais vendre pour l’Aïd et beaucoup de clients m’ont contacté avant de venir chercher leurs moutons", a déclaré à Anadolu, Idrissa Oumarou, un jeune enseignant qui se réconvertit en vendeur de moutons à chaque fête de Tabaski. Oumarou se dit satisfait de cette méthode qui lui a permis de vendre rapidement et sans peine ses moutons.
"Contrairement aux années précédentes je n’ai pas perdu du temps à courir dans les marchés ni à négocier le prix", se réjouit Balkissa Ousmane qui dit avoir acheté le mouton de l'Aïd sur facebook. Elle n'est d'ailleurs pas la seule à avoir opté pour ce moyen d'autant que les autorités municipales de Niamey ont décidé l'interdiction de la vente de moutons dans la rue et dans des marchés de fortune, fait qui a poussé de nombreux fidèles à recourir aux réseaux sociaux pour acheter leurs moutons de Tabaski.
Dans d’autres contrées, les méthodes traditionnelles cohabitent difficilement avec la modernité. A l'approche de l'Aïd, les musulmans de la République démocratique du Congo (RDC) (10% selon des chiffres officiels), ont envahi le marché central de Béni (Est) pour ainsi renouer avec les bousculades et les marchandages à n’en pas finir.
"J'ai essayé de créer un événement Tabaski sur facebook, mais je n'ai reçu qu'une poignée de confirmations de participation. J'ai donc abandonné l'idée et renoué avec ce que je faisais chaque année, la méthode classique quoi !", témoigne Ali, la vingtaine, étudiant et vendeur de moutons occasionnel.
Moutons, chèvres, vaches et riz étaient les produits phares, quelques jours avant l’Aïd. A Beni, le prix de la bête choisie pour le sacrifice coûte à son preneur les yeux de la tête: « Une chèvre qu'on achetait il y a une semaine à 60 dollars, se vend aujourd’hui à 100 dollars », témoigne Zainab Rashid, rencontrée par le correspondant d’Anadolu au marché central de Béni.
Contacté par Anadolu, Docteur Kabunga Ndanga, inspecteur vétérinaire de la région de Béni a expliqué la hausse des prix du bétail aux attaques des rebelles ougandais ADF, qui ont fui leurs villages délaissant leurs animaux.
Il a, en outre, indiqué que les animaux exposés dans le marché de Béni provenaient, en grande partie, de l’Ouganda voisin.
Plaidant pour l’entraide et la solidarité pendant cette fête spirituelle, Cheikh Ali Amin, représentant régional de la communauté islamique de Béni, a appelé tous les musulmans aisés à soutenir « les moins nantis de leurs frères ». Il a, par ailleurs, appelé ses concitoyens à prier pour le rétablissement de la paix à Béni.
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