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Les événements en Jordanie et les « parties extérieures » (Analyse)

- Des observateurs estiment qu’évoquer une opposition extérieure, qui aurait des liens avec le cercle du prince Hamza, est motivé par le fait que ce dernier a recouru aux querelles politiques pour dévoiler la faiblesse dans la gestion de l'Etat

Fatma Bendhaou  | 07.04.2021 - Mıse À Jour : 07.04.2021
Les événements en Jordanie et les « parties extérieures » (Analyse)

Amman


AA / Amman / Laith al-Jounaidi

Le mystère a enveloppé le communiqué officiel, lu, dimanche, par le ministre jordanien des Affaires étrangères, Aymen al-Safadi, pour clarifier les détails des arrestations qui ont ciblé l'ancien directeur de Cabinet Royal, Bassem Awadallah, un des membres de la famille régnante et d'autres individus et leurs liens avec les propos portant sur l'implication de l'ancien prince-héritier, Hamza Ibn al-Hussein, avec des parties étrangères pour « déstabiliser la sécurité » du royaume hachémite.

Le communiqué a usé de plusieurs termes qui n'étaient pas clairs ou intelligibles, y compris dans leur contexte, tels que « parties extérieures », « activités et mouvements » et « des services de sécurité étrangers », bien qu'il a été affirmé que les investigations sont toujours en cours.


Malgré l'appui immédiat affiché par la majorité des pays au Roi Abdallah II de Jordanie, il n'en demeure pas moins que l'évocation par al-Safadi de parties étrangères et de services de sécurité a provoqué une confusion chez les observateurs et il est devenu nécessaire de procéder à une réelle et franche explication interdisant toute interprétation.


La déclaration officielle jordanienne a évoqué un « suivi global, minutieux et commun », effectué par l'ensemble des services de sécurité (armée, services de renseignement, sûreté générale) durant une longue période.

Ce suivi minutieux a concerné les activités et les mouvements du prince Hamza, de Hasan Ibn Zeyd, membre de la famille régnante, de Bassem Awadallah et d’autres individus, qui auraient ciblé la sécurité et la stabilité du pays.

La déclaration n'a cependant pas dévoilé les détails et la nature de ces activités et mouvements.


En même temps, le communiqué a relevé que ces activités et mouvements ont atteint une phase qui touche directement la sûreté et la stabilité du pays, ce qui a poussé les services sécuritaires à soumettre un rapport au souverain hachémite.


Le communiqué a également dévoilé les efforts entrepris par la famille royale pour traiter l'affaire du prince Hamza, dans le cadre d’un cercle restreint, ce qui confirme que le Palais s'emploie, à travers cela, à éviter au maximum ce qui est considéré comme étant des « différends familiaux », et que l'objectif principal consiste à préserver la situation actuelle sans provoquer de remous ou de vagues.

Le « cercle entourant » le prince Hamza, tel que qualifié par le communiqué, a, selon les premiers éléments de l’enquête transmis des allégations et des messages à des parties à l'étranger, qui englobent ce qui est appelé l'opposition extérieure pour l'impliquer et l'instrumentaliser dans l'incitation contre la sécurité du pays et pour dénaturer la réalité.

C'est dans ce sens que nombre d'observateurs estiment qu’évoquer une opposition extérieure, qui aurait des liens avec le cercle du prince Hamza, est motivé par le fait que ce dernier a recouru aux querelles politiques pour dévoiler la faiblesse dans la gestion de l'Etat après que le poste de prince-héritier lui a été retiré, pour nommer à sa place le fils du souverain.

La déclaration indique que les services de sécurité ont observé les contacts établis par l'épouse du prince Hamza avec une personne qui a des liens avec des services sécuritaires « étrangers », qui lui a offert ses services, tout en garantissant un avion pour la transporter (l’épouse), en dehors du territoire jordanien.

Cela a été considéré, officiellement, par la Jordanie comme étant un indice de plus qui prouve l'implication de parties extérieures dans les activités suspectes qui ont été déjouées pour protéger la sécurité et la stabilité du pays.

« Extérieurs et étrangers » sont deux termes qui ont suscité la curiosité de nombreux Jordaniens désirant en savoir plus, et qui ont ouvert la porte aux pronostics sur les partis qui ciblent la sécurité et la stabilité du royaume.

Des sites d’information ont rapporté, en citant des sources qu’ils n’ont pas nommées, à l'issue de la conférence de presse du gouvernement, que l'individu qui a offert ses services à l'épouse du prince, travaille pour le compte du Mossad israélien.

Bien qu'aucun commentaire officiel n'ait été émis à ce sujet, il n'en demeure pas moins que la personne concernée est intervenue le lendemain matin, via des médias, Il s'agit d'un homme d'affaires israélien portant le nom de Roy Shaposhnik, qui est l'ami du prince Hamza, et qui a démenti avoir de liens avec les services de renseignement israéliens.


Il convient de noter qu’Israël est lié par un Accord de paix avec la Jordanie, signé en 1994, mais les relations entre les deux pays voisins sont marquées par une sorte de brouille, en particulier après que les autorités d'occupation ont continué à violer les lieux sacrés islamiques dans la ville sainte de Jérusalem, placés sous la tutelle hachémite.


Israël n'a cependant pas dissimulé, via ses médias, qu'il était en contact avec la Jordanie pour prendre connaissance de ce qui s'est passé et que l'on lui avait notifié que la situation était sous contrôle.
Tout cela ne nie pas la volonté et les aspirations d'Israël de neutraliser un défenseur acharné de la Cause palestinienne, bien que cela ne peut être confirmé, sans dévoiler l'identité de la partie étrangère instigatrice du plan.

De plus, des pays arabes de la région ont été pointés du doigt mais ces accusations ont été dissipées par l'initiative prise par les dirigeants et les gouvernements de la région de confirmer leur appui et soutien à la stabilité de la Jordanie et au roi Abdallah II.

L'analyste politique, Ameur Essebeyla, a affirmé à l'Agence Anadolu que la conférence de presse du ministre des Affaires étrangères, Ayman al-Safadi, a « multiplié le nombre de questions dans les esprits des gens au lieu de répondre à leur interrogation principale ».

Il est évident que « lorsque l'on parle d'une intervention étrangère et de l'existence d'informations et de preuves palpables, il faut que l'opinion publique soit informée afin de préserver sa crédibilité, ce qui implique une mobilisation diplomatique directe », a poursuivi Essebeyla.


L’analyste politique a, cependant, indiqué : « C'est pour cela que la conférence de presse devait être consacrée à dévoiler les vérités, au vu de la sensibilité de la question qui constitue un fait inédit dans l'histoire de l'Etat jordanien ».

Concernant les éventuelles parties étrangères, il a lancé : « Je ne veux pas m'engager dans les vicissitudes de la théorie du complot mais si ces preuves matérielles évoquées par al-Safadi existent, il est impératif de les rendre publiques afin de fermer la porte aux rumeurs, aux tiraillements, aux scissions et aux accusations de trahison ».

Il a ajouté que la majorité des pays ont affiché leur soutien direct à la Jordanie sans hésitation, ce qui prouve qu'aucune partie n’a intérêt à porter atteinte à la stabilité du royaume.

De son côté, le juriste et parlementaire, Salah al-Armouti, a déclaré que « l'accusation portée aux personnes interpellées doit être claire. Il n'y a pas de crime sans texte et la constitution martèle que l'accusé est innocent jusqu’à preuve du contraire ».

Il a relevé : « Nous faisons face à un fait inédit dans l'histoire de l'Etat jordanien, raison pour laquelle il faut clarifier les concepts mentionnés dans le communiqué officiel ».

Al-Armouti a souligné que « les noms mentionnés dans l'affaire et les personnes interpellées ont des tribus respectables et qui ont du poids. Ces tribus ont défendu et servi la patrie et elles ne peuvent être impliquées dans une action de nature à porter atteinte à l'intérêt de la nation, en particulier compte tenu des conditions politiques et économiques actuelles ».

« La loi est claire, a-t-il poursuivi, et le texte ne supporte aucune interprétation, ce qui implique de mettre à nu la vérité sans aucune tergiversation qui serait de nature à ouvrir la porte aux conjectures et à compliquer la situation ».


Al-Armouti a mis l'accent sur la nécessité de déterminer les parties extérieures concernées, dans la mesure où le fait de « ne pas déterminer avec exactitude ces parties ne sert point les intérêts extérieurs de la Jordanie ».


De son côté, Badr al-Madhi, professeur de sciences politiques à l'université germano-jordanienne, a estimé que « la Rue jordanienne espérait que la déclaration gouvernementale soit plus claire pour éviter de semer l’équivoque, dont ont souffert les Jordaniens pendant 24 heures ».

« La déclaration censée clarifier les choses, a-t-il poursuivi, a accru la déconcertation de la Rue jordanienne et ce, en raison des liens évoqués entre le prince Hamza, qui avait appelé à une réforme globale de l’Etat jordanien, et celui qui est entièrement responsable de l'échec de la gestion économique et politique de l'Etat, à l'époque où il occupait des postes de premier plan dans les hautes sphères du Pouvoir jordanien (dans une allusion à Bassem Awadhallah) », a-t-il relevé.


Pour ce qui est des interventions étrangères, al-Madhi a évoqué ce qu’il a qualifié de « contexte malsain des relations jordano-israéliennes qui prévaut depuis plusieurs années et l'attaque méthodique et délibérée lancée par les hommes politiques israéliens contre le royaume, notamment, après que Tel-Aviv a obtenu ce qu'il souhaitait, à savoir l'établissement de relation directes et amicales avec certains parties arabes, où résidait Awadhallah ».


Interrogé sur sa vision de la suite des événements, al-Madhi a affirmé que « l'institution royale jordanienne est historiquement apte à maîtriser la relation entre les membres de la famille hachémite, de nature à garantir la stabilité et l'unité de la décision, ce qui se refléterait positivement sur la stabilité de la société et de l'Etat ».


Quant au texte de la Constitution et de son opinion au sujet de l'implication d'un prince dans une affaire qui touche la sûreté nationale, le professeur de droit constitutionnel à l'université jordanienne (publique), Leith Nasrawin, a souligné que la « loi fondamentale jordanienne n’a prévu aucun texte portant sur l'immunité des princes ».


« Il y a seulement l'article 30 de la Constitution qui prévoit que le roi est la tête de l'Etat et qu'il est ainsi préservé de toute responsabilité pénale. Ainsi, l'immunité en matière pénale dans la Constitution et exclusivement limitée à la personne du Roi, sans englober les autres membres de la famille régnante », a-t-il expliqué.


Au sujet de la probable libération des personnes interpellées, compte tenu de l'inexistence d’accusations franches, Nasrawin a relevé que « cela relève des attributions du parquet général », précisant, à ce propos, que les informations livrées par le gouvernement dans son communiqué, à ce sujet, demeurent des informations assez vagues et « d'ordre général ».


La Jordanie avait annoncé samedi des interpellations qui ont touché l'ancien chef du cabinet Royal et d’autres individus, après un suivi sécuritaire minutieux, tandis que le journal américain « The Washington Post » a évoqué une « prétendue conspiration pour renverser le roi Abdallah II de Jordanie ».


Le ministre jordanien des Affaires étrangères, Aymen al-Safadi, a souligné, au cours d'une conférence de presse animée dimanche, qu'il ressort des premières investigations l'implication du prince Hamza, demi-frère du roi, avec des parties extérieures et avec « l'opposition à l'étranger », dans des tentatives de « déstabilisation du pays et d’incitation des citoyens contre l’Etat ».


Bien que le commandant de l'armée jordanienne a démenti, dès les premiers instants, la séquestration du prince Hamza et son assignation à résidence, il n'en demeure pas moins que ce dernier a diffusé un enregistrement vidéo pour confirmer le contraire.

*Traduit de l'arabe par Hatem Kattou

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