Fête des mères : "Bonjour maman-courage"
- En ce jour où les Tunisiens célèbrent leurs mamans, le titre de la fameuse pièce épique de Berthold Brecht et Margarete Steffin, "Mère courage", interpelle même si les génitrices tunisiennes font souvent davantage et mieux que l'héroïne de l'œuvre…

Tunisia
AA / Tunis / Slah Grichi (*)
Dans l'antiquité, Grecs et Romains fêtaient déjà solennellement, pendant le printemps, leurs divinités-mères Rhea et Cybele, symboles de la fertilité. Cette dimension sacrée de la manifestation de la reconnaissance envers la "mère" n'a résisté que dans certains pays, comme au Portugal ou en Espagne, où les pratiquants se rendent, le premier dimanche de mai, aux églises pour rendre hommage à Sainte Marie, génitrice du Christ, tout en honorant les leurs propres, dans une ambiance généralement festive.
- Transition culturelle
Que ce soit le premier, le second ou le dernier dimanche de mai, le monde célèbre, dans sa majorité et malgré sa diversité religieuse, la fête des mères, au-delà de la symbolique de ce jour de la semaine, réservé au culte chrétien. C'est que la notion de fête, dédiée aux vraies mères biologiques, n'a fait son apparition qu'au tout début du XXè siècle (1908) aux États-Unis, quand le président américain a décrété le "Mother's day", en réponse à l'émouvant appel d'une citoyenne qui venait de perdre sa mère à laquelle elle était très attachée. L'opportun choix du dimanche, jour de repos, était sûrement davantage dicté par des raisons économiques, à savoir éviter une journée chômée supplémentaire, que par d'autres considérations. L'Angleterre a suivi l'exemple en 1914, l'Allemagne en 1932, la France en 1942… Depuis, la Fête des mères au mois printanier de mai se démocratisait et s'étendait au reste du monde, dans sa dimension civile et humaine, indépendamment de son origine sacrée ou spirituelle. Le culturel et l'humain prenaient le dessus sur le divin. Et après tout, quel mal peut-il y avoir à manifester, d'une manière particulière et en un jour convenu, amour et reconnaissance envers celles qui nous ont portés neuf mois durant, qui ont souffert notre mise au monde et les sacrifices qu'elles ont consentis pour nous voir grandir et acquérir de quoi voler de nos propres ailes ?
- La Tunisie n'est pas en reste…
Dès le début des années 1940, les colons français de Tunisie se sont mis, comme leurs compatriotes de l'Hexagone, à célébrer cette fête. Emulation et effet de contagion, des autochtones ont commencé à les imiter et petit à petit, le dernier dimanche de mai est devenu le jour spécial des mères tunisiennes aussi, où les enfants s'ingénient à le marquer par un geste particulier envers elles, façon de réitérer leur amour pour elles. Une désormais tradition, autant généralisée que médiatisée, parce que appuyée par plusieurs versets du Coran et par de très connus proverbes, incitant à entourer les parents, surtout la mère, du maximum de sollicitude, au point de mettre "le paradis à ses pieds".
Que ce soit un bouquet de roses ou une fleur cueillie dans le champs à côté, une sortie pour un petit déjeuner en bord de mer, dont elle serait la reine ou une petite tarte faite maison, un dessin par une main juvénile encore hésitante ou un collier artisanal confectionné avec davantage d'amour que de savoir-faire, n'importe quoi fera briller de joie le regard de la mère, ne serait-ce qu'une embrassade et un simple "âychek (que Dieu te garde), maman", surtout quand les aléas de la vie et ses charges font parfois qu'on ne la voit pas assez…
- La pierre angulaire de la société
En ce jour encore, il est opportun de rappeler ce que les mères -celles en devenir aussi- représentent pour la société tunisienne et pour son développement, en plus de leur rôle dans leurs propres familles où les charges domestiques et l'encadrement des enfants leur incombent, dans la quasi-majorité des foyers et ce, quel que soit le métier ou l'activité qu'elles exercent.
En effet et à titre d'indication, outre sa prédominance dans des secteurs comme le journalisme, l'enseignement primaire et secondaire ou la médecine publique, le gent féminine dont la scolarisation a flirté avec les 100% (99,8), représente 68% des inscrits en études supérieures, 69% des détenteurs de Doctorat, 57% des chercheurs et 66% des diplômés supérieurs en agronomie. Pourtant, dans la vie active, les femmes sont défavorisées par un déséquilibre à l'avantage des hommes.
Dans le secteur public, elles ne sont, par exemple, présentes dans les hauts postes qu'à un taux de 37% et de seulement 31 pour les fonctions à responsabilité. Parmi les directeurs généraux, elles représentent 31% et 30 pour les directeurs. Idem pour les études universitaires où elles sont pourtant dominantes en tant qu'étudiantes, elles ne sont que 20% à être dans la catégorie des professeurs du supérieur, 28 dans celle des maîtres de conférences et 47 parmi les assistants. Par contre, elles représentent 57% du cadre enseignant en médecine.
Dans le domaine de l'entreprenariat, elles ne représentent toujours que 10% au milieu de 90% d'hommes d'affaires. Quant au secteur politique, une régression notable de sa présence est relevée, ces dernières années. Mais malgré ces "anomalies", la mère demeure la colonne vertébrale de la famille et partant, de la société, autant en milieu urbain que rural. Et c'est toujours à elle de tenir le foyer, même si le pénible travail agricole, encore un exemple, est à près de 70% assuré par des femmes.
- Ces mères qui résistent…
Hélas, l'homme tunisien ne prend pas toujours conscience de l'importance de l'apport de la mère de ses enfants dans la famille, d'où la montée des cas de violence domestique et même de féminicides (jusqu'à un par semaine), surtout depuis l'apparition du Coronavirus et les périodes de confinement qui s'en sont suivies. Les agressions auraient pris, à coup sûr, une autre ampleur sans le Code du statut personnel, les lois et les projets qui tendent à protéger la femme, en général et la mère en particulier qui, souvent, souffre le pire et à son détriment, pour maintenir le foyer et sauvegarder les enfants.
Mais quand le père est irréductible, que la violence est récurrente, il est heureusement des associations, des services et des programmes du ministère de la Famille, de la Femme, de l'Enfance et des Personnes âgées qui peuvent venir en aide aux mères en détresse. En effet, il existe des opportunités de création de projets pour qu'elles acquièrent une indépendance et une maîtrise économiques, des aides pour stopper l'abandon scolaire et surtout des centres d'hébergement et d'encadrement "Amen" (sécurité), passés en moins de deux ans, de un à onze. A l'horizon de 2024, les 24 gouvernorats en compteront au moins un, tous gérés par des associations avec les fonds publics du ministère.
Mais rien ne saurait être plus pénible pour une mère qui a peu ou trop souffert pour ses enfants, qui les a autant que possible entourés et dorlotés, que de les voir l'oublier, la négliger ou pire…la délaisser.
Qu'en ce jour, plus que les autres, on lui offre, enfants, jeunes et adultes, la gratitude par, au moins, un "en ta fête, bonjour. Je t'aime, maman". Elle ne demande pas plus…
(*)Slah Grichi, journaliste, ancien rédacteur en chef du journal La Presse de Tunisie.
Gaza : Israël affirme avoir récupéré le corps d’un citoyen thaïlandais à Rafah
Arabie saoudite : Le prince héritier salue les efforts de l’État pour le succès du Hajj
Emmanuel Macron attendu à Monaco ce samedi pour une visite d'État de deux jours
Chine : Pékin espère que la France s’opposera à l’« ingérence » de l’OTAN dans la région Asie-Pacifique
Gaza : 17 Palestiniens tués par des frappes israéliennes au 2e jour de l’Aïd al-Adha
Dépeches similaires
