COP30 : Dix ans après l’Accord de Paris, les émissions continuent d’augmenter et l’objectif de 1,5 °C s’éloigne
- Alors que les dirigeants mondiaux se réunissent au Brésil pour la COP30, des experts affirment que l’écart entre l’action climatique et les ambitions n’a jamais été aussi grand
London, City of
AA / Londres / Burak Bir
Dix ans après la promesse de l’Accord de Paris d’unir le monde autour de l’objectif climatique de 1,5 °C, les émissions poursuivent leur hausse et les scientifiques avertissent que la communauté internationale manque de temps. Alors que les dirigeants mondiaux se réunissent au Brésil pour la COP30, les experts estiment que l’écart entre ambition et action n’a jamais été aussi important.
Les progrès réalisés depuis 2015 sont « dramatiquement insuffisants », a déclaré Alice Larkin, scientifique du climat et professeure à l’Université de Manchester. « Les émissions de CO₂ issues des combustibles fossiles et des usages industriels ont augmenté de plus de 7 % à l’échelle mondiale depuis 2015, et sans doute entendrons-nous encore cette année qu’elles continuent de croître. »
Le sommet climatique de l’ONU, organisé au cœur de l’Amazonie, vise à traduire une décennie d’engagements en actions concrètes. Pourtant, alors même que les négociateurs se réunissent, les émissions poursuivent leur progression et le budget carbone mondial pour rester sous 1,5 °C est presque entièrement épuisé.
Selon Larkin, le rythme de changement nécessaire est désormais « extraordinaire ». « À ce stade, il faudrait réduire les émissions de plus de 20 % par an à l’échelle mondiale pour éviter un réchauffement de 1,5 °C, car le budget carbone restant est extrêmement limité », a-t-elle indiqué à Anadolu.
Cela signifie qu’il ne resterait « que trois à quatre ans » aux niveaux actuels d’émissions avant que l’objectif ne devienne impossible à atteindre : « Les progrès réalisés et les besoins réels restent en totale contradiction. »
Malgré une participation quasi universelle à l’Accord de Paris, Larkin estime que les pays les plus riches n’ont pas aligné leurs plans de réduction d’émissions sur leur responsabilité historique et leurs capacités.
« Il est irréaliste d’attendre des pays en développement qu’ils n’augmentent pas leurs émissions alors qu’ils cherchent à éradiquer la pauvreté et à améliorer le bien-être humain, avec des ressources bien plus limitées », a-t-elle ajouté.
Elle juge que l’accord a échoué non seulement sur l’ambition, mais aussi sur l’équité et le « techno-optimisme », cette croyance que les nouvelles technologies permettraient à elles seules la décarbonation sans changement sociétal profond.
Les Contributions Déterminées au niveau National (CDN) des pays développés « doivent être bien plus ambitieuses qu’elles ne l’ont été jusqu’à présent », a-t-elle insisté.
- « Les COP doivent être réformées »
Larkin a également rappelé que si la croissance des émissions avait ralenti durant la pandémie, ce recul temporaire a masqué l’incapacité des gouvernements à engager une sortie durable des énergies fossiles. « Cette tendance de croissance plus lente illustre à quel point l’action climatique positive a été insuffisante », a-t-elle souligné.
Interrogée sur la possibilité de voir la COP30 marquer un tournant, elle a exprimé ses doutes. « Il y a toujours un risque que ce soit encore beaucoup de discussions et peu d’actions », a-t-elle dit.
« Au fil des années, j’ai perdu confiance dans ce processus, mais je reconnais aussi qu’il est important que ceux qui ont peu d’occasions d’influencer les décisions – notamment les pays du Sud – disposent d’une tribune lors de ces réunions. »
Elle estime que la structure même des sommets doit être repensée. Les COP « doivent être réformées » et se recentrer sur une transition rapide hors des énergies fossiles, avec une attention accrue portée à « ce que les pays les plus riches sont réellement capables de faire en matière de demande énergétique et de changement social ».
Larkin a souligné que de nombreuses solutions existent déjà – énergies renouvelables, transports efficaces, réduction de la demande – mais qu’elles ne sont pas déployées à l’échelle nécessaire.
Le monde doit trouver des moyens de transformer les sociétés et d’utiliser ces solutions « pour laisser autant que possible les combustibles fossiles dans le sol », a-t-elle affirmé.
- Des progrès actuels « très insuffisants »
Si l’Accord de Paris avait fixé le seuil de 1,5 °C comme une limite de sécurité pour l’humanité, le monde se dirige aujourd’hui vers un réchauffement compris entre 2,3 °C et 2,5 °C d’ici la fin du siècle, selon les projections récentes.
« Il y a eu quelques progrès », reconnaît Tanyeli Sabuncu, responsable climat et énergie au WWF-Türkiye, citant la baisse des trajectoires de réchauffement par rapport au scénario de 4 °C envisagé avant 2015.
Il souligne que les énergies renouvelables produisent désormais plus d’un tiers de l’électricité mondiale et sont moins coûteuses que les nouvelles installations fossiles dans 90 % du monde.
Cependant, il estime que ces progrès restent bien trop lents. « Cela est très loin d’être suffisant pour rester sous le seuil critique. Nous devons aller beaucoup plus loin et beaucoup plus vite et combler l’écart d’ambition », a déclaré Sabuncu. « Nous devons avoir des engagements plus solides et des actions plus déterminées pour éliminer progressivement les combustibles fossiles. »
Sabuncu rappelle que la limite de 1,5 °C reste cruciale pour protéger les populations et les écosystèmes. « Plus les températures augmentent, plus les impacts du changement climatique seront extrêmes », a-t-il souligné.
Il ajoute que même si les températures dépassent temporairement 1,5 °C, il reste un espoir de les ramener en dessous – mais seulement avec une coopération mondiale massive.
« Il est encore possible de dépasser temporairement ce seuil puis de revenir en dessous d’ici la fin du siècle, mais uniquement avec des réductions d’émissions profondes et une restauration et protection accrues de la nature », a-t-il conclu.
*Traduit de l'anglais par Wafae El Baghouani
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