Monde

Césars 2025: des voix engagées pour un monde plus juste

- Lors de la 50ᵉ cérémonie des César, plusieurs lauréats ont porté des messages forts sur la justice sociale, la mémoire et la déshumanisation

Ümit Dönmez  | 01.03.2025 - Mıse À Jour : 04.03.2025
Césars 2025: des voix engagées pour un monde plus juste Source: Canal+

Ile-de-France

AA / Paris / Ümit Dönmez

Les Césars 2025 ne se sont pas contentés de récompenser les meilleures productions cinématographiques de l’année. La cérémonie a aussi été l’occasion pour plusieurs lauréats de délivrer des messages engagés, interpellant sur des enjeux sociaux et politiques majeurs, qu’il s’agisse de la justice sociale et de la précarité, du rôle des services publics, de la montée des extrêmes ou encore de la mémoire et des mécanismes de déshumanisation dans les conflits contemporains, notamment en Palestine.

- Gilles Perret : "Rendre visibles les invisibles"

Le réalisateur haut-savoyard Gilles Perret, récompensé du César du meilleur documentaire pour La ferme des Bertrand, a saisi l’opportunité de son discours pour défendre une certaine idée du collectif. "Je pense à l'hôpital public, je pense à l'école publique, je pense à la cotisation sociale, je pense à l'impôt et toutes les structures collectives qui nous permettent de faire société", a-t-il déclaré en recevant son prix.

Son documentaire, qui retrace la vie de trois frères paysans sur plusieurs décennies, s’inscrit dans cette volonté de donner une visibilité à ceux qui sont souvent oubliés. "En tout cas, ce César m'incite à continuer dans la voie que j'essaie de tracer : rendre visibles les invisibles", a-t-il affirmé avec conviction.

Mais au-delà du documentaire, son discours a pris une tournure plus politique, dénonçant le manque de place accordée aux voix des plus précaires dans le débat public. "Dans un pays où on tend plus facilement le micro à des milliardaires qui se plaignent plutôt qu'aux 10 millions de pauvres", a-t-il martelé avant de poursuivre : "Dans un pays où les dirigeants, pour rester en place et pour ne pas contrarier les puissants, préfèrent s'allier à l'extrême droite fasciste plutôt que de poser la question du partage des richesses et de la protection de la planète."

Se voulant averti face aux dangers de l’histoire, il a mis en garde : "Attention, méfions-nous. Cette histoire, on la connaît déjà. Cette petite musique mortifère, on l'a déjà entendue. C'était celle des années 30, où déjà à l'époque, on disait 'plutôt Hitler que le Front populaire'." Avant de conclure, il a lancé un appel au monde du cinéma : "J'ai trop souvent l'impression que dans le monde du cinéma, on regarde parfois trop souvent ailleurs et que la maison brûle et on filme ailleurs." Et de terminer sur une note d’espoir : "À la fin, c'est quand même nous qu'on va gagner".

- Jonathan Glazer : "La déshumanisation des personnes qui se trouvent de l’autre côté de nos murs"

Le réalisateur britannique Jonathan Glazer, lauréat du César du meilleur film étranger pour La zone d’intérêt, n’était pas présent à la cérémonie. Son message a été lu par David Grumbach, producteur du film.

Après avoir remercié l’Académie, le Festival de Cannes et ses partenaires, Glazer a immédiatement inscrit son œuvre dans un contexte brûlant. "Le fait que tant de personnes soient venues voir le film est extraordinaire. Le fait qu’il soit autant d’actualité est alarmant", a-t-il souligné.

Dans La zone d’intérêt, le réalisateur s’attache à montrer la banalité du mal en suivant la vie d’un officier SS et de sa famille, vivant à proximité immédiate du camp d’Auschwitz. Une manière d’explorer la mécanique de la déshumanisation.

Mais son discours a dépassé la seule évocation du passé pour résonner avec les drames contemporains.

"Aujourd’hui, la Shoah et la sécurité juive sont utilisées pour justifier les massacres et les nettoyages ethniques à Gaza", a-t-il dénoncé, en référence à la guerre menée par Israël dans l'enclave palestinienne ; une guerre ayant coûté la vie à près de 50.000 personnes dont la majorité sont des enfants et des femmes.

Glazer a poursuivi en établissant un parallèle entre son film et l’actualité au Moyen-Orient : "Après les massacres du 7 octobre et la prise d’otages en Israël, il s’agit dans un cas comme dans l’autre d’actes de terreur contre des innocents rendus possibles par la déshumanisation des personnes qui se trouvent de l’autre côté de nos murs."

Avant de conclure en soulignant que cette réflexion sur l’effacement de l’humanité est au cœur de son travail : "C’est la zone d’intérêt".

- Le cinéma, un miroir du monde

À travers ces discours, la 50ᵉ cérémonie des César a montré une nouvelle fois que le cinéma ne se limite pas à l’art du divertissement. Il est aussi un outil de réflexion, un espace de prise de parole où les cinéastes peuvent interpeller sur les maux de notre époque.

En mettant en avant la précarité, les dangers du repli identitaire ou les mécanismes de la violence de masse, Gilles Perret et Jonathan Glazer ont rappelé que le septième art peut – et peut-être doit – porter un regard critique sur le monde. Un engagement qui, au fil des années, devient de plus en plus présent dans les grandes cérémonies de récompenses, mais peut-être moins dans les médias principaux.


Seulement une partie des dépêches, que l'Agence Anadolu diffuse à ses abonnés via le Système de Diffusion interne (HAS), est diffusée sur le site de l'AA, de manière résumée. Contactez-nous s'il vous plaît pour vous abonner.