Brésil : Le constructeur aéronautique brésilien Embraer convoité par Boeing

Rio de Janeiro
La guerre des avionneurs a commencé! Pour contrer Airbus et Bombardier, le géant Boeing étudie un partenariat avec Embraer, le leader sur le marché des avions régionaux
Les spéculations sur une possible fusion de l’avionneur brésilien Embraer avec le géant américain Boeing ont repris de plus belle au retour des fêtes. Les médias ressassent à l’envie que la force de frappe commerciale du géant américain alliée à la créativité du Brésilien, leader sur le marché des avions régionaux, ainsi que sa capacité à proposer vite des produits pourrait être la prochaine succès story du secteur. Il y a deux semaines, Boeing et Embraer avaient averti qu’il ne feraient plus de commentaires jusqu’à nouvel ordre.
Dans un communiqué conjoint libellé «Chicago-Sao Paulo», sièges des deux entreprises, l’Américain et le Brésilien avaient confirmé le 21 décembre 2017 que des discussions étaient en cours. Mais ils précisaient que les bases de leur alliance potentielle n’étaient pas définies. «Il n’y a aucune garantie que ces discussions débouchent sur un accord commercial. De plus, tout type de transaction sera soumis à l’approbation du gouvernement brésilien et aux agences régulatrices du Brésil, de même qu’aux différents conseils et actionnaires d’ Embraer».
Si le business modèle des futurs accords n’est pas défini, il peut aller, explique le quotidien économique Valor, d’une entreprise commune pour développer un produit spécifique à un partenariat où chaque entreprise divise les investissements et les bénéfices. Il semble que Boeing ait l’intention de faire d’une pierre deux coups, voire trois. L’Américain lorgne sur les avions de petite et moyenne taille dont il s’est retiré dans les années 2000. Dans l’aviation commerciale, c’est le marché qui croit le plus avec l’explosion des déplacements régionaux dans les pays émergents. Embraer en est le leader avec le E-Jets de 70 à 150 sièges.
Il vise aussi l’aviation militaire. Or Embraer fait déjà 20% de son chiffre d’affaires avec le secteur de la défense. Paradoxalement, l’appétit de Boeing est également ouvert à l’ingénierie et au potentiel humain de l’entreprise brésilienne qui possède des ingénieurs jeunes, rapides, prêts à proposer de nouveaux produits dans des délais records. Pour sa part, Embraer,
pourrait voir dans une alliance avec Boeing la possibilité de contrer l’arrivée de nouveaux concurrents : la russe United Aircraft, la chinoise Comac, la japonaise Mitsubichi.
Bien sûr, cette possible concentration des principaux constructeurs aéronautiques du continent nord et sud- américains n’est pas le fruit du hasard. Elle intervient deux mois après l’annonce d’un autre partenariat, survenu lui, entre deux autres grands «players» du marché : le canadien Bombardier et l’européen Airbus, grâce au programme régional d’avion C Series, de 100 à 130 sièges, compétiteurs directs d’ Embraer.
Avec cette prise de participation dans le programme de l’avionneur québecois, Airbus principal challenger de Boeing se retrouve maintenant en position forte, d’autant que l’européen contrôle déjà ATR, fabricant mondial de turbo-hélices. Récemment, la compagnie indienne Spice Jet a justement fait l’achat de 25 appareils de type Q 400 à Bombardier, des avions de 90 places à turbo-propulseurs (hélices) et mis une option sur 25 autres appareils.
Boeing est en guerre contre le constructeur canadien. Ce différent a amené le gouvernement américain a appliquer une surtaxe de 300% sur les bi-réacteurs de série C de Bombardier. Les avions C Series destinés au marché américain étant désormais assemblés dans l’état de l’Alabama - grâce au partenariat avec Airbus- le gouvernement américain aura du mal à appliquer des mesures de rétorsion. Embraer a lui aussi trainé l’avionneur québecois devant l’OMC au motif de subventions déguisées portant entrave aux règles du libre-échange.
Privatisée en 1990, l’entreprise brésilienne à l’origine d’État avait débuté en 1969 dans l’aviation agricole et d’affaire avec le célèbre Bandeirante. Avec 23 000 salariés et des filiales dans plusieurs pays dont la Chine, elle est aujourd’hui une société côté en bourse à New York et à Sao Paulo . Son actionnariat est pulvérisé et des investisseurs étrangers sont entrés dans son capital. Mais le gouvernement brésilien bien que minoritaire, a conservé un contrôle nommé «Golden Share» qui lui permet d’opposer son véto à tout changement stratégique.
Dans la proposition de Boeing, il n’y aurait pas, semble-t-il, de changement dans le contrôle des actionnaires. A l’annonce des manœuvres de rapprochement, l’action Embraer avait bondi de 22% à la bourse de Sao Paulo. Embraer indique qu’un de ses avions décolle de la planète toutes les 10 secondes et que tous réunis, ils transportent 145 millions de passagers par an.
Reste que armée brésilienne est un client d’Embraer et les projets défense d’ Embraer sont développés en partenariat avec l’arme brésilienne. Par exemple, le KC 390 - un avion cargo militaire. Pourtant, le Ministre brésilien de la Défense Raul Jungman s’est déclaré favorable à un accord, y compris dans le domaine militaire, à l’exclusion d’une prise de contrôle du capital.
«Il est possible de faire un partenariat ou une alliance commerciale, y compris dans le domaine militaire, tant que le secret est protégé, au cas par cas. En revanche, nous n'accepterons pas une vente, ni une prise de contrôle». Boeing a déjà des accords de ce type sur des programmes militaires avec le Royaume Uni et l’Australie. Il pourrait convaincre les Brésiliens, réputés jaloux. Seulement une partie des dépêches, que l'Agence Anadolu diffuse à ses abonnés via le Système de Diffusion interne (HAS), est diffusée sur le site de l'AA, de manière résumée. Contactez-nous s'il vous plaît pour vous abonner.