Tunis suspend les vols de la compagnie Emirates (Développement)
Vers la mise en place d'une "cellule de crise" pour gérer la situation

Tunisia
Les autorités tunisiennes ont annoncé, dimanche soir, la suspension des vols de la compagnie Emirates, à partir et à destination de Tunis, à la suite de la mesure prise précédemment par cette compagnie d’interdire l’accès des femmes tunisiennes au territoire des Emirats arabes unis (EAU).
Dans un communiqué, le ministère tunisien du Transport précise que cette suspension sera levée «lorsque la compagnie apportera une solution au blocage actuel, conformément aux lois et conventions internationales».
La décision tunisienne a aussitôt été relayée par la compagnie Emirates qui a annoncé, à son tour, via son compte Twitter, qu’elle suspendait ses vols sur Tunis à partir de lundi, et ce, en raison des instructions données dans ce sens par les autorités tunisiennes, «jusqu’à nouvel ordre».
Vendredi, plusieurs femmes tunisiennes s’étaient vues refuser l’accès à bord de vols d’Emirates et ont été, de ce fait, bloquées à l’aéroport de Tunis-Carthage et dans d’autres aéroports.
La mesure frappait les femmes tunisiennes, même celles qui étaient accompagnées de leurs conjoints ou devaient seulement transiter par les aéroports émiratis.
Elles exceptaient les femmes détentrices de cartes de séjour aux EAU ou de passeports diplomatiques.
Jugée «injustifiée» et «humiliante», non seulement pour la femme tunisienne, mais aussi pour tout le peuple tunisien, elle a suscité des réactions de colère et «d’indignation», aussi bien des passagères ciblées, que de la société civile et des autorités tunisiennes.
Dans un communiqué commun, trois associations, la Ligue tunisienne de défense des droits de l’Homme (LTDH), l’Association tunisienne des droits des femmes démocrates (ATDF) et le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), ont dénoncé avec force «une violation des droits élémentaires des femmes tunisiennes et des accords sur la libre circulation des personnes».
Elles ont qualifié l’interdiction d’embarquer, appliquée aux femmes tunisiennes, par la compagnie aérienne émiratie, de «raciste et discriminatoire».
Selon les trois associations cette décision aurait été prise par les autorités émiraties en réaction à l’interdiction actée par la Tunisie contre la chasse d’un certain type d’oiseau.
L’outarde «Houbara» est un oiseau rare que certains fortunés du Golfe prennent plaisir à chasser lors de leurs séjours en Tunisie.
Le jour même, l’ambassadeur des EAU à Tunis a été convoqué par le ministère tunisien des Affaires étrangères pour donner des explications.
Selon ce département, le diplomate a justifié la décision émiratie par des motifs «sécuritaires conjoncturelles», sans plus de précisions.
Il a affirmé qu’elle avait été levée, mais qui n’aurait pas été suivie d’effet, des cas de blocage de passagères tunisiennes continuant d’être signalés dans plusieurs aéroports.
C’est le cas d’un couple tunisien qui venant de Bangkok, s’est trouvé bloqué, dimanche, à l’aéroport d’Abu Dhabi.
«Nous poirotons ici depuis 10 heures sans explications convaincantes. On est là depuis 6 heures du matin et on est traité comme des chiens», s’est insurgé l’époux Aymen Dkhailia dans une vidéo.
Une autre vidéo a été diffusée par une ressortissante tunisienne, Maha Jouini, à partir de l’aéroport Rafik Hariri de Beyrouth, dans laquelle elle affirme avoir été refoulée à l’embarquement d’un vol pour Pékin qui devait transiter par Abu Dhabi.
«On m’a dit que je ne pouvais pas monter à bord de l’avion en application d’une décision prise par les autorités émiraties», a-t-elle déploré.
Elle n’a pas, néanmoins, manqué d’apostropher ces dernières en leur disant : «le pétrole finira, mais les valeurs, elles, demeurent».
Eu égard au tollé provoqué en Tunisie par la mesure prise par la compagnie Emirates, le ministre des Affaires étrangères émirati Anwar Gargash a, dans un tweet posté dimanche, expliqué que la décision d’interdire aux femmes tunisiennes de voyager aux Emirats arabes unis a été prise suite à «une information sécuritaire ayant nécessité des mesures précises et conjoncturelles».
Dans une tentative manifeste de calmer la colère des Tunisiens, il a ajouté : «Nous respectons la femme tunisienne et son expérience exemplaire. Nous devons surmonter, ensemble, toutes les tentatives de manipulation et d’interprétation».
La décision des autorités émiraties a été également condamnée par plusieurs partis politiques dont le parti «Nida Tounes» (L’appel de la Tunisie) fondé par le président Béji Caïd Essebsi, ainsi que par le mouvement islamiste «Ennahdha» qui la considère comme «une atteinte à la dignité des femmes tunisiennes et du peuple tunisien».
Réaction plus tempérée toutefois de la présidence tunisienne dont la porte-parole, Saïda Garrach qui a exclu «une crise de confiance» ou «une volonté de nuire aux relations bilatérales».
Tout en déclarant que la décision émiratie a été «une surprise, même pour l’ambassadeur des EAU», elle a mis l’accent sur la détermination de la Tunisie de défendre les intérêts de ses citoyens, notant que «l’Etat a ses règles et ses coutumes pour gérer ce genre de situation».
Selon radio Mosaïque, des responsables des ministères des Affaires étrangères et de l’Intérieur ainsi que de l’Office de l’aviation civile doivent se réunir lundi avec des représentants de la compagnie Emirates pour mettre en place «une cellule de crise» afin d’atténuer la tension créée par la mesure émiratie et la contre-mesure tunisienne.
Dernier développement dans cette affaire, la porte-parole de la présidence a révélé, lundi, dans une déclaration à l’émission «La matinale» de la radio Shems FM, que les autorités émiraties avaient pris la mesure décriée à la suite «d’informations sécuritaires sérieuses faisant état de projets d’attentats que se prépareraient à commettre aux EAU des Tunisiennes ou des femmes détenant des passeports tunisiens en provenances des foyers de tension en Syrie et en Irak ».
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